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Manuel Valls voulait rencontrer la « vraie Chine », ses invités se désistent

La répression de Pékin de toute dissidence, qui s’est accrue en 2014, dissuade intellectuels, journalistes et même universitaires de trop médiatiser leurs critiques du régime de Xi Jinping.

Par  (Pékin, correspondant)

Publié le 30 janvier 2015 à 12h44, modifié le 19 août 2019 à 13h36

Temps de Lecture 3 min.

Le premier ministre français Manuel Valls reçu à Pékin par son homologue chinois Li Keqiang, le 29 janvier 2015.

En voyage officiel en Chine, le premier ministre français, Manuel Valls, devait rencontrer, vendredi matin 30 janvier, dans une galerie française de Pékin, plusieurs personnalités de la société civile chinoise. Il n’en a rien été : toutes se sont désistées sous la pression des autorités chinoises. En amont de la visite de M. Valls, arrivé jeudi à Pékin, de six à huit personnalités – des universitaires, des blogueurs, des artistes ou des journalistes qui sont loin d’être considérés comme des dissidents – avaient été pressenties pour parler de manière informelle et discrète avec le ministre, soucieux de rencontrer la « vraie Chine ». Il y a quelques jours, seules trois étaient encore disponibles, dont une professeure de l’université Tsinghua. Mais à la dernière minute, le dernier candidat en lice a fait savoir qu’il n’était plus en mesure d’honorer sa promesse.

M. Valls, accompagné du ministre des affaires étrangères Laurent Fabius et d’une partie de la délégation, a maintenu son passage tôt ce matin à la galerie Yishu 8, hébergée dans un lieu symbolique puisqu’il s’agit d’une ancienne université franco-chinoise fondée en 1920, où il a échangé avec deux artistes peintres. Cette étape n’avait pas été mise au programme officiel d’une visite qui s’inscrit avant tout dans la logique du pragmatisme économique. C’est donc à l’ambassade de France, avant le déjeuner, que M. Valls a enfin pu rencontrer des personnalités de la société civile – rencontre sur laquelle l’entourage du premier ministre n’a pas souhaité donner plus de détails.

Exercice acrobatique

Reste que l’exercice de la rencontre avec la société civile est acrobatique pour tout dirigeant d’une démocratie occidentale en Chine. Aucun, par exemple, n’a jamais entrepris de rencontrer des « dissidents » identifiés comme tels – à l’instar de Liu Xia (l’épouse de Liu Xiaobo) ou de l’artiste Ai Weiwei – de crainte de froisser l’hôte chinois.

Angela Merkel, spécialiste de la chose, a régulièrement vu ses invités neutralisés à leur domicile – comme ce fut le cas en 2012 pour l’avocat Mo Shaoping (qui a défendu Liu Xiaobo), de nouveau empêché de rencontrer le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel en avril 2014.

La France joue profil bas : François Hollande et Jean-Marc Ayrault s’étaient tous deux entretenus avec des personnalités pour des discussions informelles dans l’enceinte de l’ambassade de France lors de leurs voyages officiels respectifs en avril et décembre 2013 – comme par exemple Hu Shuli, la rédactrice en chef du magazine Caixin. Ces rencontres sont en général passées sous silence. Mme Hu dirige un média autorisé, donc placé sous la tutelle du Parti et du gouvernement – mais elle représente ce qu’il y a de plus audacieux dans la presse chinoise.

Manuel Valls avait souhaité qu’une telle rencontre se situe en dehors de l’ambassade. Soit, symboliquement, en territoire chinois. Mais sa visite est intervenue alors que l’atmosphère politique est particulièrement délétère pour les voix critiques : rarement la société civile chinoise – même l’usage de l’expression « société civile » est désormais contrôlé dans la presse et les universités – n’aura subi autant de pression.

2014, année noire

Une sorte d’état d’urgence qui ne dit pas son nom règne : la campagne anti-corruption, particulièrement opaque et brutale à l’intérieur du Parti, se double à l’extérieur d’une chasse aux sorcières qui décime les milieux de la contestation, multipliant les persécutions et les arrestations parmi les avocats, les journalistes et même les universitaires.

2014 aura été une année noire, avec la condamnation à quatre ans de prison de l’avocat Xu Zhiyong et de l’universitaire ouïgour Ilham Tohti à perpétuité. Une troisième figure emblématique du combat pour les droits civiques, l’avocat Pu Zhiqiang, arrêté en mai et en attente de procès, s’expose à une très lourde peine de prison au vu des très graves accusations qui pèsent contre lui.

L’ONG China Human Rights Defenders, basée hors de Chine, considère dans un rapport récent que « le crime politique effectue sous Xi Jinping un retour en force ». L’ONG a comptabilisé « 22 cas de défenseurs des droits mis en examen pour incitation à la subversion du pouvoir de l’Etat ou subversion du pouvoir de l’Etat depuis mai 2014 ».

Le président chinois, que Manuel Valls doit rencontrer vendredi après-midi, considère que la Chine – en réalité le Parti – traverse « une zone de dangers » et a relevé dans tous les domaines les seuils de tolérance. Or, dans un tel contexte et malgré la peur, les langues se délient : à Pékin, les membres de l’intelligentsia, même les plus modérés, portent un regard de plus en plus critique sur les tendances autoritaires du nouvel empereur rouge.

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