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A la barre

Procès du Carlton : «Du sexe, du pouvoir, des révélations... forcément une bonne histoire !»

Affaire du Carlton, le procèsdossier
Des centaines de journalistes, les parties civiles immobiles et raides, des prévenus souriants autour d'un Strauss-Kahn bronzé... Les protagonistes prennent place au premier jour du procès. Ambiance.
par Ondine Millot, (envoyée spéciale à Lille)
publié le 2 février 2015 à 20h01

Ils se lèvent, circulent entre les bancs, se saluent, discutent, sourient. Elles sont assises, raides, leur visage tourné vers les juges, figées. Au tribunal correctionnel de Lille, lundi, premier jour du procès du Carlton : deux mondes. Celui des prévenus, dix hommes en costume et trois femmes autour d’un Dominique Strauss-Kahn bronzé et liant, serrant des mains, touchant des épaules. Celui des parties civiles (prostituées ou anciennes prostituées), quatre femmes immobiles, statufiées, dont on n’aperçoit que le dos. Les premiers – beaucoup de ventres rebondis, de crânes dégarnis – sont dans la partie droite de la salle. Les secondes, fines, serrées les unes contre les autres, sont tout à gauche. L’audience, qui doit durer trois semaines, affiche dès l’ouverture l’image d’un fossé.

Trois cents journalistes sont là, d'une vingtaine de nationalités, transformant le Palais de justice en un mélange de foire et de bunker, vigipirate oblige. Un confrère polonais sourit: «Du sexe, du pouvoir, des révélations… forcément une bonne histoire!» Les débats se tiennent dans une étrange salle en sous-sol, sorte de sous-marin sorti des années 70. Une trentaine de robes noires d'avocats y naviguent.

La demande de huis clos rejetée

Treize des quatorze prévenus sont poursuivis pour proxénétisme en réunion – le dernier «seulement» pour escroquerie. Le président égrène leurs noms, suivis de ceux des femmes dont ils ont «aidé» ou «entraîné» la prostitution. Gilles Maton, avocat des parties civiles, demande un huis clos. «Mes clientes ont été particulièrement émues lorsqu'elles se sont trouvées dans la nécessité de donner un certain nombre de détails scabreux devant le juge d'instruction», explique-t-il. Les juges rejettent sa requête.

Avance ensuite Olivier Bluche, avocat de l'ancien chef de la Sûreté départementale du Nord, Jean-Christophe Lagarde. Lui réclame l'annulation de la procédure (et donc potentiellement le renvoi du procès) en se fondant sur les propos d'un ex-commissaire de la police judiciaire de Lille, Joël Specque. Dans un livre, ce dernier explique avoir dirigé des investigations dès juin 2010 – alors que l'enquête n'a été officiellement ouverte que le 2 février 2011. «Cela fait donc 240 jours d'investigation, entre juin et février, vraisemblablement fondés sur des écoutes administratives et dont on n'a aucune trace au dossier!», s'insurge Olivier Bluche. A sa suite, les avocats des autres prévenus soutiennent eux aussi la nullité. L'idée d'une «partie cachée» du dossier est propre à nourrir celle d'un montage politique pour neutraliser Dominique Strauss-Kahn. Et donc celle d'un dossier «vide», ligne de défense de l'ensemble des prévenus.

Après délibéré, le tribunal décide de «joindre au fond» la demande de nullité de la procédure – c’est-à-dire de la trancher au moment du jugement.

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