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JORDANIE

Négocier avec l'EI, un choix difficile pour Amman

Après l'exécution de l'otage japonais, la Jordanie se dit encore une fois prête à échanger la prisonnière irakienne que réclame l'EI contre son pilote retenu en otage. Officiellement, les pays occidentaux préconisent pourtant de ne pas négocier.

Des proches du pilote Maaz al-Kassasbeh manifestent le 27 janvier 2015 près des bureaux du Premier ministre à Amman.
Des proches du pilote Maaz al-Kassasbeh manifestent le 27 janvier 2015 près des bureaux du Premier ministre à Amman. Khalil Mazraawi, AFP
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Amman se trouve plus que jamais pris entre le marteau et l’enclume. Les autorités jordaniennes ont vivement condamné, dimanche 1er février, l'assassinat par l’organisation de l’État islamique (EI) du journaliste japonais Kenji Goto. Et elles sont toujours sans nouvelles de leur pilote, Maaz al-Kassasbeh, que les jihadistes retiennent également en otage. La Jordanie s'est dite "déterminée à tout faire" pour obtenir sa libération.

L’EI avait réclamé la libération de Sajida al-Rishawi, une irakienne condamnée à mort par la Jordanie pour une tentative d’attentat-suicide en 2005, contre la vie sauve de Maaz al-Kassasbeh et la libération du journaliste japonais Kenji Goto. Amman s'était dit prêt à libérer la prisonnière, mais exigeait une preuve montrant que son pilote était en vie. Celui-ci avait été capturé en décembre, après l'accident de son F-16 en Syrie, où il effectuait un raid sur des positions de l'EI dans le cadre de la Coalition internationale dirigée par les États-Unis.

Amman négocie avec l’EI, au risque de froisser Washington

Malgré les recommandations de Washington, dont plusieurs ressortissants ont été décapités par l’EI, et des pays occidentaux, dont la ligne de conduite officielle est de ne pas négocier avec une organisation terroriste, Amman s'est dit une nouvelle fois prêt à libérer la kamikaze irakienne. "Nous sommes toujours disposés à relâcher Sajida al-Rishawi en échange du retour de notre fils et héros", a ainsi affirmé dimanche le porte-parole du gouvernement jordanien. Une position d’autant plus étonnante de la part de la Jordanie que le pays vit littéralement sous perfusion des fonds américains, mais aussi japonais ou saoudiens.

Selon Fabriche Balanche, directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditérranée et le Moyen-Orient (GREMMO), "Amman essaie de cette manière d’apaiser la rue jordanienne". La pression monte en effet sur le roi Abdallah. La semaine dernière, des manifestations ont lieu dans la capitale pour réclamer la libération du pilote, mais aussi dans la ville de Karak, fief de la tribu à laquelle appartient Maaz al-Kassasbeh, pour faire pression sur les autorités afin qu'elles négocient avec l'EI. Les tribus sont le pilier de la monarchie dans un pays dont plus de la moitié des habitants est d'origine palestinienne. Les slogans étaient hostiles à la coalition et à Washington, selon des journalistes présents sur place. "La majorité des Jordaniens soutiennent l’idée d’un échange de prisonnier avec l’EI, rapportait jeudi Gaëlle Sundelin, correspondante de France 24 à Amman. Il y a dans le pays un mécontentement grandissant contre l’engagement de la Jordanie dans la Coalition."

Les autorités jordaniennes restent fermes sur leur participation à la lutte contre l’EI. Toutefois, "en négociant et en envisageant de libérer la prisonnière, Amman veut d’une part montrer qu’il ne reste pas inactif, mais aussi qu’il n’est pas totalement soumis aux États-Unis", explique Fabrice Balanche.

Négociation possible ?

D’autant que d’après le chercheur, "il est toujours possible de négocier avec l’EI, car l’organisation a besoin d’argent". Il rappelle en outre que d’autres otages ont déjà été libérés des mains des jihadistes et que les autorités jordaniennes ne l’ont pas oublié. "La différence, c’est que là, la Jordanie montre qu’elle est prête à négocier, alors que dans les autres affaires, les pourparlers sont restés cachés", souligne-t-il. Il évoque notamment le cas des quatre journalistes français enlevés par l’organisation quand elle portait encore le nom d’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) et libérés en avril 2014.

En outre, "pour l’instant, l’EI a choisi de garder le pilote jordanien en vie", observe encore Fabrice Balanche. "L’organisation cherche à faire des émules en Jordanie et exécuter un pilote jordanien pourrait s’avérer à double tranchant : ils risqueraient de froisser certains groupes islamistes qui pourraient leur faire allégeance", avance-t-il. "Ils veulent montrer que l’EI est toujours plus puissant qu’Al-Qaïda et gagner du terrain", ajoute le chercheur.

Al-Qaïda a déjà à son actif des attentats contre le royaume hachémite, dont ceux du 9 novembre 2005, dans lesquels plusieurs dizaines de personnes sont mortes et auxquelles a participé Sajida al-Rishawi. L'irakienne aujourd'hui réclamée par l'EI avait tenté d'activer sa ceinture d'explosifs, sans succès.

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