Le compte sans banque fait des émules
Après Nickel qui cible les ménages modestes, le compte ipagoo veut servir les entreprises exportatrices et les ménages européens qui voyagent beaucoup.
Par Ninon Renaud
C'est un lancement qui vient fragiliser davantage encore les fondements de la relation entre un client et sa banque. Un peu plus d'un an après le compte Nickel, qui cible les populations les plus modestes, peu et mal servies par les banques, ipagoo s'est lancé lundi à l'assaut d'une clientèle bien plus chère aux établissements bancaires. Porté par le groupe de services financiers britannique Orwell, qui a investi plusieurs dizaine de millions d'euros dans le projet, ce compte de paiement vise cette fois des ménages européens aisés partageant leur vie entre plusieurs pays du Vieux Continent, ainsi que les PME exportatrices, soit entre 25 et 30 millions de personnes et 2,5 millions d'entreprises, selon les estimations du groupe.
Un millier de personnes issues de ce vivier se sont déjà préinscrites sur le site Internet d'ipagoo et, d'ici à cinq ans, le compte de paiement espère avoir capté plus de 5 millions de particuliers et entre 150.000 et 170.000 PME. L'idée de départ est d'apporter une solution à la fragmentation bancaire en Europe dont souffrent ces deux cibles. Ipagoo a donc été conçu pour devenir l'outil de gestion simple par mobile ou tablette interposé de tous les sujets liés à leur trésorerie, quelle que soit la devise utilisée (euro, dollar ou livre sterling) et le lieu (Espagne, Grande-Bretagne, France ou Italie pour le moment).
De 30 à 40 % d'économies
Moyennant 14 euros par mois, un particulier peut ainsi ouvrir trois comptes pour lui ou les membres de sa famille, chacun dans la devise de son choix - ce qui lui évite les frais de change -, disposer de cinq portefeuilles électroniques et de deux cartes de débit MasterCard. Il peut bénéficier aussi d'un système de « cash pooling » : si un compte manque de liquidités, un autre honore la créance. Dans la même logique, le client peut organiser des virements ou prélèvements conditionnés à l'approvisionnement du compte. En cas de retard, il évite ainsi les pénalités. « Globalement, il peut réaliser de 30 à 40 % d'économies, mais plus la complexité de ses besoins augmente, plus il économise d'argent », assure Carlos Sanchez, directeur général d'ipagoo. La logique est la même pour une entreprise moyennant un forfait mensuel de 20 euros.
Mais, pour cet ancien cadre de Dexia, la question du prix n'est pas essentielle. « C'est un compte à très haute valeur ajoutée : ipagoo est à la banque ce que le smartphone est à la téléphonie. Au travers de ce compte, nous offrons aux consommateurs et aux entreprises tous les outils permettant d'adapter un service bancaire traditionnel à leurs besoins, aussi évolutifs soient-ils », assure Carlos Sanchez.
Dans cette logique, le directeur général d'ipagoo promet d'étoffer le nombre de ses implantations européennes dans les deux ans à venir, mais aussi et surtout de connecter à ce compte des produits financiers, notamment du crédit. Le compte de paiement pourrait ainsi devenir un point d'accès aux offres des 8.000 établissements bancaires européens, dont le développement commercial est souvent limité à leur marché domestique. « Nous pourrions ainsi devenir le canal principal de distribution des banques », se félicite Carlos Sanchez. D'interlocuteur principal sur les problématiques financières, les banques seraient toutefois alors reléguées au rang de simple fournisseur. Il n'est pas sûr qu'elles acceptent un tel schéma.
Le compte de paiement en bref
Créé par la directive européenne des services de paiement en 2007, ce type de compte fonctionne comme un compte courant.Agréé et surveillé par les autorités de contrôle, il ne peut toutefois pas être déficitaire, car les fonds déposés sont cantonnés dans une banque partenaire. L'objectif est de permettre à des acteurs non bancaires disposant d'un cadre prudentiel allégé de fournir en toute sécurité des moyens de paiement à leurs clients.
À noter
Les flux traités par le compte ipagoo seront cantonnés au sein de la banque britannique Barclays et de l'italienne ICBPI.
Ninon Renaud