
POLITIQUE - "Je veux dire à tous nos adhérents, à nos amis, à tous ceux qui espèrent en nous, que ce rassemblement et cette union sont en marche. Rien ne viendra les mettre en cause". En prononçant ces voeux le 31 décembre dernier, Nicolas Sarkozy savait pertinemment que la réconciliation de sa famille politique serait un travail de longue haleine. Les événements de ces dernières 48 heures le lui ont sèchement rappelé, l'ancien président se retrouvant mis en minorité dans son propre parti politique.
Depuis dimanche et l'élimination surprise du candidat UMP dès le premier tour de la législative partielle du Doubs, une première depuis juin 2012, l'autorité de celui qui s'était fixé pour mission d'incarner un leadership renouvelé à droite a littéralement volé en éclat sous les divisions et les coups de menton de ses propres amis politiques.
Désobéissant ostensiblement à ses consignes, tous les ténors du parti conservateur ont pris position dans le désordre sur les consignes de vote pour le second tour de la législative partielle, les uns prônant le "ni FN, ni PS', doctrine imposée jadis par un certain Nicolas Sarkozy, les autres exigeant un barrage anti-Front national, d'autres plaidant la liberté de vote.
Quand la cacophonie des uns étouffe l'appel au calme des autres
Symboles de ce chaos tactique et idéologique: les numéros 2 et 3 de l'UMP, Nathalie Kosciusko-Morizet et Laurent Wauquiez, se sont bruyamment opposés à l'image des anciens premier ministres Alain Juppé et François Fillon, eux aussi campant sur des positions irréconciliables.
Cette cacophonie a finalement frappé de plein fouet celui qui aura tout fait pour l'éviter. Ce mardi 3 février, Nicolas Sarkozy a tenté devant les députés de l'opposition d'imposer une ligne médiane plutôt favorable aux juppéistes: non au Front national mais liberté de vote pour les électeurs UMP.
Las, cette médiation sémantique et pour tout dire acrobatique n'a pas réussi à réconcilier les deux camps. Au terme de deux heures et demi de bureau politique, un vote a été organisé pour départager une UMP scindée en deux. 22 voix se sont prononcées pour le ni-ni, 19 ont soutenu la solution intermédiaire prônée par Nicolas Sarkozy.
Le président de l'UMP mis en minorité par son conseil d'administration
Aussitôt le résultat du vote rendu public, les partisans de Nicolas Sarkozy se sont empressés de préciser qu'il avait "écouté" et agi d'avantage en tant que médiateur dans ce bras de fer interne. Pour preuve, celui-ci a soumis les deux textes au vote sans prendre part au scrutin.
Mais les éléments de language, même tirés par les cheveux, n'y suffiront pas. Et l'histoire retiendra que le président de l'UMP, qui avait ouvertement défendu le second texte, a été mis en minorité par son propre conseil d'administration.
Pour ne rien arranger, son meilleur rival pour la primaire UMP, Alain Juppé, s'exprimait au 20h de France2 au moment même où l'on apprenait l'issue du scrutin. Et ce dernier a une nouvelle fois marqué sa différence, tout en saluant "les efforts de Nicolas Sarkozy pour trouver une solution de synthèse". Pour contrer l'extrême droite, maintient le maire de Bordeaux, "je dis qu'il faut peut-être aller jusqu'au vote pour le candidat qui la combat".
Un leadership en panne en plein milieu des affaires
En s'imposant comme le chantre d'une réconciliation impossible, Nicolas Sarkozy se retrouve donc confronté à sa propre impuissance comme lorsqu'il n'avait pas réussi à mettre un terme à la guerre civile entre François Fillon et Jean-François Copé. Mais il pourra toujours se vanter d'avoir essayé de jeter un pont entre l'aile droite et l'aile centriste d'une UMP décidément bien mal en point. "Il s'est donné le beau rôle" en présentant les deux textes mais en en n'endossant in fine aucun, résume un tenant du ni-ni.
La crise ouverte au sein du parti conservateur n'en demeure pas moins une plaie béante alors que se profilent des élections départementales cruciales. "Nicolas Sarkozy cherche à tout prix à rassembler tout le monde et, par moments, quand on est un chef, il faut décider", tonne le député Thierry Mariani, chef de file de la Droite populaire.
"Le vote de ce soir montre qu'il y a un vrai débat autour de ce sujet au sein de notre parti. Ce débat en interne devra être tranché par nos militants pour que l'on évite de discuter une nouvelle fois de ce sujet dans l'urgence", prévient Nathalie Kosciusko-Morizet citée par Le Monde.
Un "débat" retardé par l'agenda judiciaire de l'UMP qui n'en finit plus de bousculer la difficile convalescence du parti. En plein règlement de comptes, voilà que son prédécesseur à la tête de l'UMP, Jean-François Copé, est mis en examen pour "abus de confiance" dans l'affaire des pénalités. La semaine dernière, des perquisitions visaient l'ancien conseiller en communication de Nicolas Sarkozy, Franck Louvrier, dans l'enquête sur les fausses factures de Bygmalion. Pas de quoi apaiser les esprits avant le second tour de la législative partielle de dimanche prochain où les reports de voix des électeurs UMP seront examinés de très près.