Fâcher les annonceurs ? Pas le style maison. La direction de M6 a fait disparaître un témoignage dans un sujet sur le business de la vitamine C. Ça devient une habitude.
Publié le 04 février 2015 à 13h00
Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h29
Au rayon caviardage de saison, M6 a encore frappé. Comme l'a révélé mercredi 4 février le Canard Enchaîné, une séquence de plusieurs minutes a été trappée, à quelques heures de la diffusion du sujet de Capital « Le business très en forme de la vitamine C » du 26 janvier dernier. L’enquête révélait les conditions de fabrication des comprimés, évoquait les marges financières réalisées par les fabriquants et les pharmaciens, et – du moins avant saucissonnage – questionnait les effets de la miraculeuse petite pilule.
Que contenait le passage censuré ? Le témoignage d’une nutritionniste, Béatrice de Reynal, remettant clairement en cause l’efficacité de la vitamine C. « J’expliquais que l’on a tendance à en avaler pour un oui et pour un non, mais que cela ne sert à rien, parce que les consommateurs, pour la plupart, ne sont pas déficients en vitamine C » raconte-t-elle. Selon elle – et d'après certaines études publiées depuis les années 70 – les compléments, surdosés par rapport aux besoins de l'organisme peuvent avantageusement être remplacés par un jus d'orange quotidien. « Les médecins ont tendance à la prescrire faute de mieux, juste parce que ça ne fait pas de mal. »
Temps de crise
Des révélations qui n’ont pas plu à la tête de la hiérarchie – et notamment au directeur de la rédaction de M6, Vincent Regnier – qui contre l’avis de la rédaction en chef de Capital – a préférer sabrer la séquence entière quelques heures à peine avant le passage à l’antenne. Le lendemain matin lors d'une réunion il a été annoncé qu’en ces temps de crise, mieux valait ne pas se mettre à dos les annonceurs. Traduire, le superpuissant labo UPSA, grand fabriquant de vitamine C, évoqué à plusieurs reprises dans le sujet... Autant dire que la rédaction de Capital n’a pas apprécié la méthode.
L'incident n'est pas isolé. Au printemps 2014, la chaîne avait déjà fait parler d’elle au sujet d’une enquête de Capital sur le poulet, dans laquelle les marques incriminées avaient été soigneusement floutées, et où toute une séquence sur Mc Do était passée à la trappe. En mars dernier, un reportage sur l’oncle de l’émir du Qatar avait été réalisé par une journaliste extérieure, qui s’était révélée être proche dudit prince ( ce que – oups – M6 avait affirmé ne pas savoir). Capital avait également dû déprogrammer en catastrophe un sujet sur la marque Unilever, réalisé par une maison de production à qui l'on doit... des films institutionnels sur Unilever. Alors que la chaîne souffre de baisses d’audiences et peine à renouveler son modèle éditorial, ces accros répétés portent atteinte à un secteur – les magazines – qui parviennent encore à incarner l’identité de M6. S'auto-saborder pour préserver les annonceurs, est-ce vraiment un bon calcul ?