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Billet de blog 7 février 2015

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DSK Carlton: des élus savaient et protègent la prostitution

L'affaire du Carlton qui touche Dominique Strauss Kahn et ses amis n'en finit pas de révéler ce que savent et disent depuis des années, celles et ceux qui s'intéressent à la prostitution. Il s'agit de violence, de brutalité et de domination. Loin de l'image du prolétaire esseulé et en mal d'amour qui va chez une prostituée, l'affaire prouve que ce sont ceux qui ont un pouvoir économique,

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L'affaire du Carlton qui touche Dominique Strauss Kahn et ses amis n'en finit pas de révéler ce que savent et disent depuis des années, celles et ceux qui s'intéressent à la prostitution. Il s'agit de violence, de brutalité et de domination. Loin de l'image du prolétaire esseulé et en mal d'amour qui va chez une prostituée, l'affaire prouve que ce sont ceux qui ont un pouvoir économique, de la classe moyenne à la haute bourgeoisie, qui sont les "clients" de la prostitution. Et comme le racontent des dizaines de survivantes de la prostitution, la plupart se comportent avec une brutalité inouïe.

Or, au même moment, la loi qui devait responsabiliser les clients de la prostitution, votée à l'Assemblée nationale en 2013, est toujours bloquée au Sénat. Pour empêcher que le texte soit discuté, les présidents de groupe ont toujours refusé de mettre la loi à l'agenda. Et aujourd'hui, sous la pression, ils se préparent à en discuter mais pour la renvoyer immédiatement en commission, certains de l'y enterrer pour dix ans. Et c'est justement dans cette même commission qu'un témoin clé, (Simon Häggström, un haut responsable de la police suédoise expliquant les bienfaits de la loi dans son pays) a vu son témoignage manipulé dans sa version écrite... Du sabotage organisé.

Quel rapport entre les deux affaires?

Tout le monde savait. Non seulement pour Dominique Strauss Kahn, dont la violence sexuelle était connue de ses amis. La tentative de viol de Tristane Banon avait fait le tour du tout Paris après qu'elle en ait parlé dans une émission de télévision. Cela n'empêcha pas, après l'affaire du Sofitel de New-York, qu'un certain nombre de responsables politiques continuent de défendre leur "ami Dominique, dont la voix comptera encore pour la France".

Mais les élus savent aussi que la prostitution gangrène leurs propres rangs. Nous savons, grâce aux confidences de survivantes, que bon nombre de sénateurs justement (et pas seulement), ont eu une "carrière" en tant que "clients" de la prostitution. Personne n'ignore en politique que dans l'enceinte même du sénat, certains sénateurs font venir des jeunes femmes prostituées à qui ils disent de se présenter à l'accueil comme leur "nièce". Les "nièces" des sénateurs sont connues dans tout le monde politique et font rire dans les dîners. Des députées et des sénatrices m'ont raconté, scandalisées, que tard le soir, certains de leurs collègues sont enfermés dans leur bureau avec des prostituées.

La plupart des élus n'ont pas ces pratiques. Mais personne ne parle.

Or, ce que réussissent à défendre certains membres du Sénat, c'est la barbarie quotidiennement et banalement décrite dans le procès du Carlton de Lille. Comme cette jeune femme de 19 ans que l'on a saoulée, qui a perdu connaissance dans les toilettes après qu'un groupe de "clients" lui soit passé dessus. C'est cela le quotidien de la prostitution que découvrent un certain nombre de journalistes, parce que, vu la notoriété des inculpés, ils se plongent enfin dans les témoignages et lisent, effarés, ce que nous ne cessons de hurler depuis des années: la prostitution est une violence en soi.

Christophe Barbier (l'Express) déclarait très récemment que 99,99% des femmes prostituées le sont, de force, par des réseaux maffieux. Yves Calvi (C dans l'air) renchérissait cette semaine en disant qu'il fallait sortir de la vision romanesque de la prostitution et reconnaître qu'il s'agissait d'une brutalité organisée contre des femmes et souvent des mineures par des proxénètes ultra-violents. Et, comme l'écrit même Laurent Joffrin, "la marche vers l’égalité des deux sexes proscrit désormais qu’on use de l’autre comme d’un simple moyen, comme du matériel".

C'est cela que les Sénateurs défendent aujourd'hui en refusant même de discuter de la loi, en menaçant de la renvoyer en commission pour l'y oublier. C'est cela que défend le président de la commission spéciale Jean-Pierre Godefroy, qui a purement et simplement retiré du texte tout engagement de la responsabilité pénale des "clients" et refuse d'inscrire le texte à l'ordre du jour. C'est cela que défend Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, grand ami de DSK et pourfendeur, comme par hasard, de la loi d'abolition de la prostitution. C'est cela que protège la sénatrice écologiste BenBassa, qui finance le pseudo syndicat des prostituées, le STRASS, qui en tant que "syndicat" devrait être en première ligne pour défendre les victimes et parties civiles du procès de Lille mais que, comme par hasard, on n'entend pas. Mais c'est cela aussi qui protègent certains sénateurs de droite qui, au nom d'une opposition qu'ils veulent mener frontalement, refusent aussi de discuter de la loi qui pourrait apparaître comme une victoire pour Najat Vallaud-Belkacem, la députée socialiste Maud Olivier et d'autres qui siègent sur les rangs de gauche.

C'est oublier qu'à l'Assemblée nationale, des élus et élues de gauche et de droite, ensemble, avaient eu le courage de se confronter à toutes les traditions, les pressions partisanes, et les discours complices des "clients" de la prostitution pour voter la loi en première lecture, avec ce fameux article qui responsabilise les hommes dans la prostitution, en nous (les hommes) interdisant de payer pour un rapport sexuel, sachant que cela mène obligatoirement aux horreurs entendues à Lille.

Tout se tient. Et aujourd'hui la colère est grande face à tant de complicités. De toute évidence, la presse, après avoir longtemps défendu l'idée d'une prostitution libre et joyeuse, a enfin découvert la réalité sordide de ce commerce d'êtres humains. La marche de Rosen Hicher, survivante de la prostitution, a été saluée respectueusement par des pages entières dans tous les journaux et des reportages télé du monde entier. Mais rien n'y fait. En sabotant un travail législatif qui honorerait la France (après d'autres pays comme la Suède) certains élus ne font que protéger des petits privilèges pour eux-mêmes ou pour leurs amis.

Ils se déshonorent et déshonorent la belle fonction pour laquelle ils ont été élus. 

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