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Des villes toujours rétives aux logements sociaux

Plus du tiers des municipalités soumises à la loi SRU ne respectent pas leurs quotas de créations de HLM.

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Publié le 08 février 2015 à 23h02, modifié le 19 août 2019 à 13h30

Temps de Lecture 5 min.

Plus d’un tiers des municipalités assujetties à la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) ne remplissent toujours pas leurs obligations de construction de logements sociaux. Et malgré les discours de fermeté, les préfets ne s’empressent pas de sanctionner les récalcitrants.

« Notre responsabilité, la mienne, celle du gouvernement, c’est l’égalité entre les territoires », a scandé le président de la République, François Hollande, lors de sa conférence de presse du 5 février, rappelant ses objectifs : « La mixité sociale, la répartition de la population pour que les logements sociaux soient créés là où ils sont nécessaires mais pas seulement là où ils sont déjà présents. » Il a en outre précisé : « Nous devons faire en sorte que la loi SRU soit strictement appliquée, que les communes ne puissent s’en dégager et, s’il le faut, les sanctions seront renforcées, le pouvoir des préfets sera lui-même conforté pour prendre les décisions en matière de construction de logements dans ces villes-là. »

Comme tous les trois ans, les préfets ont, à l’automne 2014, vérifié que chaque commune de leur département a bien construit son quota de logements sociaux pour la période 2011-2013. Mais le ministère tarde à publier ces résultats. D’après notre enquête et un premier bilan national que Le Monde s’est procuré, sur 1 021 communes assujetties à la loi SRU car comptant moins de 20 % de HLM, 369 (soit 36 %) n’ont pas réalisé leurs objectifs de construction, dont 240 même pas la moitié.

Volontarisme des grandes villes

Le résultat est décevant mais cependant meilleur que les précédents. Si le nombre de communes soumises à la loi SRU ne cesse de croître, la proportion de celles en infraction chute depuis 2002 : 51 %, pour 2002-2004 ; 45 % pour 2005-2007 ; 37 % en 2008-2010. L’autre bonne nouvelle, c’est que beaucoup de municipalités ont largement dépassé leur quota, puisque 90 000 logements étaient programmés et 140 000 ont été édifiés.

Les villes-centres ont fait preuve de volontarisme, telles Toulouse (194 % de son objectif triennal de construction de HLM), Paris (266 %), Lyon (133 %), Bordeaux (149 %), Biarritz (106 %), Cannes (160 %), Marseille (233 %) ou Toulon (174 %). Des villes plutôt réticentes, comme Saint-Raphaël (Var, 102 %) ou Nice (84 %) s’y sont mises. Même des communes réputées hostiles ont fait un effort, comme Le Raincy (106 %) – « le Neuilly de la Seine-Saint-Denis » et dont l’ancien maire (UMP) Eric Raoult, jugeait la loi SRU « idiote et coûteuse » –, le très huppé Le Chesnay (Yvelines, 185 %) ou encore Le Perreux (Val-de-Marne, 126 %) – dont le député-maire, Gilles Carrez, qualifiait la loi SRU de « texte dangereux pour la qualité de vie et d’habitat des Français ».

Plus de 240 communes peuvent, en revanche, être qualifiées de rebelles à la loi SRU, certaines même de récidivistes, et ont fait l’objet d’un constat de carence par les préfets. Mais en dépit des consignes de fermeté des ministres du logement successives, Cécile Duflot et Sylvia Pinel, et, aujourd’hui, du chef de l’Etat lui-même, force est de constater que la rigueur des préfets varie beaucoup d’un département à l’autre : moins de dix communes ont subi la peine maximale du quintuplement de leur pénalité, nouvelle mesure introduite par la loi Duflot sur la mobilisation foncière, du 18 janvier 2013.

Charbonnières-les-Bains, au nord-ouest de Lyon, est dans ce cas : « Nous devons, chaque année, payer 350 000 euros de pénalité et, sur un budget de 6 millions, c’est très lourd », tempête Michel Rossi, adjoint au maire chargé de l’habitat. Cette ville thermale, avec moins de 10 % de logements sociaux, son casino et le tram-train qui la relie à Lyon, ne peut arguer d’un manque de foncier car la région, qui y avait installé ses services avant de déménager à Lyon, y possède un vaste terrain où construire 475 logements. Mais la nouvelle équipe municipale a précisément été élue, en mars 2014, parce qu’elle promettait de s’opposer à ce projet : « Nous ne sommes pas contre les logements aidés mais nous ne voulons pas d’une ville-dortoir et demandons des emplois, donc deux tiers de bureaux et un tiers de logements », argumente M. Rossi.

Des préfets magnanimes

Dans les Alpes-Maritimes, département qui compte le moins de logements sociaux, 22 communes sur 56 ont été déclarées en carence, deux ont vu leur pénalité quintuplée et trois, triplée. Le Cannet, bourgade résidentielle des hauteurs de Cannes, mise en cause pour la seconde fois avec un taux de réalisation de 18 %, qui n’améliore guère sa proportion de 7 % de logements sociaux, paraît, elle, narguer les services préfectoraux. Sa maire, Michèle Tabarot, a, en 2013, mis en vente un terrain pour y édifier douze « éco-pavillons ». Pas un de plus, sinon elle aurait été obligée d’intégrer à ce programme 30 % de logements sociaux. Le préfet a bien tenté de préempter mais la maire a préféré retirer de la vente ce terrain, désormais en friche. La ville s’en sort pourtant bien, sans majoration de sa sanction.

Dans les Bouches-du-Rhône, malgré le nombre de contrevenants (46 sur 62), le préfet a été magnanime : seules six communes, dont Les Pennes-Mirabeau, ont écopé d’une pénalité doublée. Dans le Morbihan, aucune des 13 (sur 19) communes en infraction n’est sanctionnée au-delà de la pénalité automatique.

En région parisienne, le préfet du Val-de-Marne a, lui, triplé les pénalités de trois communes rétives : Ormesson-sur-Marne (1,5 % de logements sociaux) devra payer 900 000 euros par an, Périgny-sur-Yerres devra s’acquitter de 74 000 euros et l’éternelle récidiviste Saint-Maur-des-Fossés, qui plafonne à 7 % de logements sociaux, devra payer 3,5 millions d’euros par an de pénalité, mais son nouveau maire (UMP), Sylvain Berrios, s’est engagé à « redresser la barre ».

L’apparente mansuétude de certains préfets doit beaucoup à la non-rétroactivité de la loi, qui ne permet le quintuplement de l’amende que sur la carence de la dernière année considérée. Des municipalités ont su jouer de cette subtilité, comme Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), qui n’a construit que 60 % des 719 logements attendus, mais presque tous en 2013, échappant ainsi à la majoration de la pénalité. Le Vésinet (Yvelines) a fait de même, ne construisant que 30 logements sur 108, mais la dernière année !

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La loi SRU a certes engagé une dynamique de construction de logements sociaux mais n’a pas encore modifié en profondeur la carte de la mixité sociale, puisque les villes excédentaires continuent d’en produire.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Les logements sociaux victimes de la crise et des municipales
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