Fauve sort un 2e album toujours sous le ligne de l'indépendance
Fauve, depuis deux ans, remplit les salles sans passer à la télévision. Mais la fierté de ce «collectif», alors que sort son deuxième album, c'est son indépendance.
« Plus les choses avancent, plus on se rend compte que la forme a autant d'importance que le fond », expliquent deux musiciens de ce groupe mêlant scansion rap et musique pop rock, refusant d'être identifiés nommément.
«On ne dit pas que les maisons de disques, c'est de la merde, mais on se rend compte que le propos de Fauve pourrait être galvaudé par de mauvaises décisions liées à la forme. Là, il n'y a pas un choix qu'on ne peut assumer », ajoutent-ils alors que paraît lundi leur deuxième album, « Vieux frères - Partie 2 », un an après la « Partie 1 » écoulée à 140 000 exemplaires.
Un symbole mathématique en guise de signature
Avec le symbole mathématique inégal (≠) en signature visuelle, Fauve a émergé il y a moins de deux ans via les réseaux sociaux. Avec une poignée de chansons coups-de-poing évoquant le malaise de jeunes gens de 20-30 ans et des concerts enflammés et pris d'assaut, ces Parisiens ont suscité un engouement inédit.
Sur la toile, la version longue du clip « Blizzard » a ainsi été un énorme succès :
Malgré la cour assidue des maisons de disques, Fauve a choisi l'indépendance en créant sa propre structure (Fauve Corp) pour gérer la quasi-totalité du destin du groupe : management, production des disques, réalisation des vidéos (plébiscitées sur internet), communication (avec un fanzine), tarifs des concerts…
Seules la logistique technique et administrative des concerts et la distribution des disques sont aujourd'hui déléguées, respectivement au tourneur Asterios et à la major Warner Music.
Pas de Victoires de la Musique
« Au début, quand nous avons fait notre EP (mini-album Blizzard, paru en mai 2013), c'est nous qui faisions la distribution. On recevait les cartons qu'on allait porter aux entrepôts de la Fnac. Mais au bout d'un moment, on s'est rendu compte qu'on le faisait mal et on a pris un distributeur », disent-ils.
«A Warner, on leur a dit : traitez-nous comme un label », ajoutent-ils, la major assurant déjà la distribution de disques pour des labels indépendants.
«On ne va pas se leurrer, il y a plein de choses qu'on ne fait pas bien, moins bien qu'une maison de disques. Mais ce n'est pas grave, parce que c'est ce qu'on voulait, et c'est ce qui nous apporte le plus de fierté », disent ces musiciens de 25 à 30 ans qui ont abandonné leurs emplois respectifs « il y a un an ».
Un « collectif » d'une vingtaine de personnes
«Ce n'est sûrement pas la meilleure chose pour gagner le plus d'argent, mais c'est sûrement la meilleure chose pour avoir un projet cohérent », assurent-ils, précisant que, au-delà des six musiciens sur scène, le « collectif » fonctionne avec une vingtaine de personnes.
«Certains groupes veulent juste qu'on leur laisse la paix pour écrire leurs chansons et s'en foutent du reste. Mais tout le reste, ça alimente aussi le projet. C'est difficile d'être cohérent quand d'autres personnes peuvent prendre des décisions qui vont à l'encontre de ce que t'as voulu exprimer », estiment les deux musiciens.
Cette démarche leur permet par exemple de continuer à refuser les photos de face ou les émissions à la télévision, ou même de postuler cette année aux Victoires de la musique, dont la cérémonie a lieu vendredi. Cela leur permet aussi, assurent-ils, de produire des disques moins chers.
Des concerts partout en France… et à l'Olympia
«Notre économie coûte beaucoup en sueur, mais elle est légère », disent-ils. Fauve assure faire en sorte que ses disques puissent être vendus 13 euros prix public contre 15 habituellement pour un CD standard, même si ce sont bien les magasins qui finalement décideront du prix affiché dans les rayons.
Idem pour les concerts dont les tarifs sont gérés par le groupe qui, par exemple, permettra à ses fans de venir les applaudir à l'Olympia, le vendredi 13 mars, pour 26 euros, prix plutôt accessible pour la prestigieuse salle parisienne.
"Les hautes lumières", un des morceaux du dernier album de Fauve, "Vieux Frères - Partie 2" :
Fauve, héritier de la chanson pas chantée
Fauve, avec ses textes le plus souvent parlés sur des boucles musicales pop-rock, se pose en héritier d'une « chanson pas chantée » qui rassemble des artistes comme Diabologum, Mendelson ou Loïc Lantoine.
Le groupe, dont les concerts affichent complet depuis bientôt deux ans, publie lundi le deuxième album de sa courte histoire: « Vieux frères - Partie 2 », où le groupe parisien reste fidèle à ce style particulier où les chansons sont d'abord une conversation, même si le chant émerge ici et là sur les refrains.
« Fauve, c'est de l'introspection, une sorte de confidence à un ami », expliquent deux membres du « collectif », qui essaie toutefois de plus en plus d'élargir sa palette avec des « images plus poétiques » dans cette « Partie 2 », qui fait suite à un mini-album (EP) en 2013 puis un premier album en 2014.
Ligne minimaliste, musiques africaines, arrangements pop
Enchaînant les disques à grande vitesse, Fauve ne cherche pas à prendre le contre-pied de sa ligne, plutôt minimaliste et efficace, mais s'ouvre à d'autres influences musicales avec des « musiques africaines » ou des « arrangements plus pop ».
Dans l'ombre de Fauve, un autre groupe propose depuis deux ans ce mélange de rock et de « spoken word »: les Nantais de Cabadzi, qui ont publié à l'automne un deuxième album réussi, « Des angles et des épines ».
Cabadzi, Diabologum…
Avec une palette de couleurs plus riche que Fauve - avec trompette, violoncelle, violon, ukulélé et « human beatbox » (boîte à rythmes humaine) -, Cabadzi livre actuellement dans toute la France des concerts énergiques qui laissent rarement le public de marbre.
Ces deux groupes où le chanteur ne… chante pas s'inscrivent dans la lignée de nombreux artistes et groupes qui ont popularisé le genre, dans les pas de précurseurs ayant pour nom Léo Ferré ou Serge Gainsbourg.
Une famille évidemment pas très éloignée des rappeurs ou des slameurs, comme Grand Corps Malade, dans laquelle on retrouve Diabologum, groupe de rock des années 1990, Mendelson, groupe révélé en 2007 par l'album « Personne ne le fera pour nous », ou Loïc Lantoine, qui revendiquait de la « chanson pas chantée » dans son premier album, en 2004.