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Conflit autour d’un traitement contre l’hépatite C

L’association Médecins du monde attaque le brevet du sofosbuvir du laboratoire Gilead, un traitement innovant au prix « exorbitant ».

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Publié le 09 février 2015 à 21h36, modifié le 19 août 2019 à 13h30

Temps de Lecture 4 min.

Une chercheuse au sein du laboratoire de Gilead Sciences à Foster City en Californie.

La bataille autour du sofosbuvir, médicament révolutionnaire contre l’hépatite C, se poursuit. Mardi 10 février, l’organisation médicale humanitaire Médecins du monde (MDM) a attaqué le brevet de ce traitement, commercialisé depuis 2013 sous le nom de Sovaldi, auprès de l’Office européen des brevets. Tout en reconnaissant une avancée thérapeutique majeure, MDM conteste que cette molécule du laboratoire américain Gilead Sciences soit suffisamment innovante pour être couverte par un brevet. Surtout, elle juge son prix « exorbitant » et dénonce l’absence de génériques.

Le sofosbuvir a tout pour plaire : un traitement administré uniquement par voie orale, deux fois plus court que les autres traitements de référence, moins d’effets secondaires et surtout un taux de guérison dépassant les 90 %. Tout pour plaire, sauf son coût : variable selon les pays, il atteint 41 000 euros en France et 74 000 euros aux Etats-Unis pour un traitement complet de douze semaines.

Des frais qui risquent d’exclure des soins de nombreux malades. Or, selon un rapport du professeur Daniel Dhumeaux de 2014, qui recommande de traiter les patients dès une atteinte du foie modérée, quelque 120 000 malades de l’hépatite C auraient besoin de ces médicaments en France. Pour Jean-François Corty, directeur des opérations France de MDM, il s’agit « de relancer le débat sur le problème de fixation des prix du médicament en France ».

L’histoire du sofosbuvir a commencé le 21 novembre 2011, lorsque Gilead Sciences a fait l’acquisition de Pharmasset, une société de biotechnologie détentrice de trois candidats médicaments au stade des essais cliniques pour le traitement de l’hépatite C. Cette infection du foie due à un virus (VHC) évolue dans 80 % des cas vers la chronicité et une dégradation du fonctionnement hépatique, aboutissant dans 10 % à 20 % des cas à une cirrhose, et plus rarement à un cancer du foie.

Le coût d’acquisition de Pharmasset a été évalué à 11 milliards de dollars (9,7 milliards d’euros), bien au-dessus de la valeur estimée de cette société, pour écarter les concurrents. L’investissement s’est finalement révélé plus que juteux : le 3 février, Gilead Sciences a annoncé des ventes d’un montant de 10,3 milliards de dollars pour la seule année 2014. Sans compter celles d’un autre de ses médicaments, Harvoni, combinant en un seul comprimé le sofosbuvir et une autre molécule inhibant le VHC, qui ont rapporté 2,1 milliards de dollars depuis son autorisation en octobre 2014.

 

Dans le laboratoire de Gilead.

« Manque d’activité inventive »

En septembre 2014, plusieurs associations, dont SOS Hépatites, MDM et Aides, se sont élevées contre le prix jugé « exorbitant » du sofosbuvir. Elles ont demandé – sans effet – au ministère français de la santé de prendre une licence d’office sur le médicament afin d’autoriser des fabricants de génériques à le produire à coût très réduit. Gilead, de son côté, a justifié ce montant élevé par les coûts de développement (notamment les essais cliniques qu’il a financés) et les nombreux cancers du foie évités. « C’est comme si on calculait le prix d’un airbag sur la base du coût des vies humaines qu’il sauve », ironise Céline Grillon, responsable du plaidoyer pour la réduction des risques à MDM.

Le principe actif du sofosbuvir dérive d’une molécule au nom de code RO2433. Cette dernière ne peut pas pénétrer toute seule dans les cellules hépatiques infectées par le VHC. Pour qu’elle y parvienne, il faut lui adjoindre un groupement chimique qui permettra sa transformation dans les cellules du foie en une forme active dite « RO2433-TP ». Le sofosbuvir est l’une des formes de la molécule d’origine pourvue du groupement chimique.

Pharmasset a déposé en 2005 une première famille de brevets sur le RO2433 et les formes produites par sa transformation dans le foie, ainsi que sur plusieurs milliers d’autres molécules apparentées. La demande est toujours en cours d’examen par l’Office européen des brevets, indique MDM. Une seconde famille de brevets a ensuite été déposée, couvrant les différentes combinaisons chimiques entre le RO2433 et le fameux groupement chimique permettant l’entrée dans le foie. L’Office européen des brevets a accordé en mai 2014 un brevet couvrant les différentes formes du RO2433 pourvu du groupement chimique, dont le sofosbuvir.

MDM conteste le bien-fondé de ce brevet. L’association s’appuie sur deux arguments : le « manque d’activité inventive » et le fait que « l’objet du brevet s’étende au-delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée initialement. »

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Sur le premier point, MDM fait valoir que l’ajout du groupement chimique rendant active la molécule découlait de l’état de la technique. Cette découverte est en effet issue des travaux menés par l’équipe du Pr Chris McGuigan, à l’université publique britannique de Cardiff, et publiés en 2007. Sur le second motif d’opposition, MDM souligne que la demande de brevet a été déposée avant que le sofosbuvir soit identifié. A l’époque, insiste MDM, le sofosbuvir « n’était qu’une molécule parmi les milliers d’autres potentiellement actives sur lesquelles Pharmasset revendique la priorité ». La procédure, qui prévoit que Gilead Sciences examine les arguments invoqués et y réponde, devrait durer au moins un an et demi à deux ans.

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