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FRANCE

Combo ou le street art pour que les religions "coexist"

Depuis une dizaine de jours, le slogan "Coexist" fleurit dans les rues de Paris. Un hommage au travail du street-artist Combo, agressé dans la capitale le 30 janvier, alors qu’il placardait une affiche prônant la coexistence entre les trois religions monothéistes. Son credo ? Susciter la réflexion à travers l’art, afin de lutter contre les stéréotypes.

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Le 30 janvier, le street-artist Combo a été agressé alors qu'il réalisait cette œuvre, dans l'est de Paris. Toutes les photos ont été publiées sur la page Facebook "Combo Culture Kidnapper".

Depuis une dizaine de jours, le slogan "Coexist" fleurit dans les rues de Paris. Un hommage au travail du street-artist Combo, agressé dans la capitale le 30 janvier, alors qu’il placardait une affiche prônant la coexistence entre les trois religions monothéistes. Son credo ? Susciter la réflexion à travers l’art, afin de lutter contre les stéréotypes.

Né à Amiens, d’un père libanais chrétien et d’une mère marocaine musulmane, Combo commence à s’intéresser au "street art" – l’art de rue – à l’âge de 16 ans. Deux ans plus tard, il entame des études à l’école des Beaux-Arts, avant de se faire renvoyer à l’issue de la première année. "Le street art n’était pas forcément bien vu à l’époque", confie-t-il. Combo se tourne alors vers la publicité, un secteur dans lequel il travaille pendant quatre ans, avant de revenir vers ses premiers amours en 2010-2011.

"No imam, no cry" : la célèbre chanson de Bob Marley, détournée par Combo.

"Le 'street art', c’est réaliser un putsch à l’échelle d’un muret"

À 28 ans, Combo se définit comme un artiste "engagé", à l’image du "street art".

L’engagement, c’est l’essence même de cet art, puisqu’on s’expose dans les lieux publics. On prend alors la parole, mais également le pouvoir en quelque sorte. Je dis souvent qu’on réalise un putsch à l’échelle d’un muret.

Quand on travaille dans la rue, la principale difficulté est qu’il faut aller vite. C’est pourquoi j’utilise des bombes aérosols et du papier à coller sur les murs, sur lequel des images sont imprimées : ce matériel sèche rapidement. Quand je réalise une œuvre, ça me prend dix minutes au maximum. Mieux vaut travailler la nuit, car c’est moins risqué. J’utilise des images souvent connues de tous, que je mélange avec des cartoons. Ça permet aux gens de se réapproprier ces images.

 

"J’ai initié une campagne de 'jih-art' à Beyrouth"

Je travaille toujours en fonction de l’actualité et de l’endroit où je suis. Par exemple, je suis allé à Tchernobyl pour dénoncer le nucléaire, à Los Angeles pour aborder la légalisation de la drogue, ou encore à Beyrouth pour évoquer le jihadisme. [À Hong-Kong, Combo a également affiché des pages Google censurées par le parti communiste chinois, NDLR.] Les problématiques que j’aborde varient selon les lieux, mais elles dépassent le cadre national en général. Je cherche à poser des questions avant tout, mais je ne prétends pas apporter de réponses.

 

"Moins de Hamas, plus de Houmous", un message inscrit sur les murs de la capitale libanaise par Combo.

Je suis allé à Beyrouth en 2014, où je suis resté un peu plus d’un mois. Là-bas, j’ai initié une campagne de "jih-art". [Il a notamment taggué les murs de la capitale libanaise avec le slogan "Moins de Hamas, plus de Houmous", NDLR.] J’ai détourné des images de Daech, pour démonter leur propagande.

C’est là que j’ai commencé à imprimer mon propre personnage, vêtu d’une djellabah, pour le coller aux murs et en jouer. Certains ont pris ça au premier degré, comme si j’étais moi-même devenu jihadiste… Beaucoup de gens ont cessé de me suivre à ce moment-là. L’idée était de montrer qu’il ne faut pas s’arrêter aux apparences, à l’image renvoyée par quelqu’un, et qu’il faut au contraire prendre le temps de la réflexion.

Combo mesure essentiellement l’impact de son travail à travers les réseaux sociaux. Ou en restant à côté de ses œuvres dans la rue durant quelques minutes, pour voir la réaction des passants. "Si certains s’arrêtent quelques instants et prennent une photo par exemple, c’est gagné", indique-t-il.

Ne pas s'arrêter aux apparences, l'un des credos de l'artiste Combo.

"Je ne cherche pas à défendre la religion, mais les gens souffrant des préjugés concernant leur religion"

Après son séjour au Liban, Combo rentre en France au début de l’année 2015. L’attaque contre la rédaction de Charlie Hebdo et l’Hyper Casher le pousse à reprendre le slogan "Coexist", utilisé par l’artiste polonais Piotr Mlodozeniec en 2001 à Jérusalem, pour aborder le conflit israélo-palestinien. En inscrivant ce mot sur les murs, Combo mêle alors les symboles des trois religions monothéistes : le croissant de l’Islam pour le C, l’étoile de David pour le X, et la croix chrétienne pour le T.

"Saviez-vous que les musulmans finissent leurs prières par 'amen', comme les juifs et les chrétiens ?"

Outre le slogan "Coexist", Combo placarde des questions tels que "Saviez-vous que les musulmans finissent leurs prières par 'amen', comme les juifs et les chrétiens ?" ou encore "En France, nous avons 50 000 soldats musulmans qui protègent notre pays". Ce dernier message inscrit sur un mur de Paris a ensuite été recouvert d’une croix gammée.

"En France, nous avons 50 000 soldats musulmans qui protègent notre pays".

Ce sont surtout les événements qui ont suivi l’attaque contre Charlie Hebdo, comme les actes islamophobes et antisémites, qui m’ont incité à reprendre le slogan "Coexist". Je voulais avant tout casser les stéréotypes existant sur les musulmans, les clichés que les musulmans peuvent avoir sur eux-mêmes, et faire passer un message positif.

Je ne cherche pas à défendre la religion, mais les gens souffrant des préjugés concernant leur religion, en apportant une lecture différente de celle des médias par exemple. Je n’ai d’ailleurs pas eu une éducation religieuse dans mon enfance.

Depuis l’attaque contre Charlie Hebdo, mes œuvres restent rarement plus de deux ou trois jours sur les murs à Paris, alors qu’elles pouvaient tenir pendant deux ou trois ans auparavant. Les messages autres que "Je suis Charlie" sont généralement très vite effacés. Mes messages sont souvent repeints, d’une façon très propre. Je pense que c’est la mairie qui fait ça. En revanche, je crois que ce sont des particuliers qui effacent mon personnage imprimé sur les murs, car il est généralement gratté, arraché à la main…

"C’est la première fois que j’ai été agressé pour mes idées"

Le 30 janvier, Combo est roué de coups par quatre jeunes dans l’est de Paris, alors qu’il placarde l’une de ses affiches le représentant en djellabah, à côté de l’inscription "Coexist". Une agression "contre la liberté d'expression" selon lui. Résultat : une épaule démise, des bleus, et huit jours d’incapacité totale de travail. Mais également de nombreux messages de soutien, venus des quatre coins du monde.

Je ne pensais pas que j’allais recevoir autant de messages de soutien. J’avais déjà été embêté parce que j’écris sur les murs. Mais là, c’était la première fois que j’étais agressé pour des idées, pour le message que je véhiculais.

En réaction, Combo lance une campagne d’affichage baptisée "CoeExisTons", le 8 février. Ce jour-là, cinq cents affiches "Coexist" sont distribuées sur le parvis de l’Institut du monde arabe à Paris, afin de tapisser les murs de la ville de l’inscription "Coexist".

Combo devant l'Institut du monde arabe, à Paris, le 8 février.

Le message "Coexist "a été placardé à Paris, mais pas seulement. Rien que ce matin, j’ai reçu des photos de Bordeaux, Chicago, Boston… Beaucoup de gens ont téléchargé le slogan sur Internet pour l’imprimer et le coller chez eux.

Le message "Coexist", placardé à Paris.

La dernière œuvre de Combo ? Deux personnages – un musulman et un juif – en train de s’embrasser, placardés dans les rues de la capitale française, le jour de la Saint Valentin. Avec le message suivant : "Love is blind. And religion can blind us." ("L’amour est aveugle. Et la religion peut nous aveugler.") Une œuvre pas du goût de tout le monde, mais qui interpelle au sujet de l’homosexualité et des religions. "De toute façon, je ne cherche pas à plaire à tout le monde, je veux juste faire réfléchir", conclut Combo.

"L’amour est aveugle. Et la religion peut nous aveugler " : un message pour la Saint Valentin.

Cet article a été rédigé en collaboration avec Chloé Lauvergnier (@clauvergnier), journaliste à France 24.

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