On n’est pas la plus grande nation du rugby pour rien. Et deux titres mondiaux (1987 et 2011) n’ont rien à voir avec ça. La Nouvelle-Zélande domine le concert international parce qu’elle anticipe en permanence les évolutions, les mouvements et les tendances. Que ce soit dans l’organisation tactico-technique, l’administration, le marketing ou, comme là, la gestion des joueurs. Alors on peut s'interroger de savoir pourquoi la très conservatrice fédération néo-zélandaise, qui signe et gère les contrats des internationaux, a laissé partir en France sans ciller Dan Carter (32 ans), Ma’a Nonu (32 ans) et Conrad Smith (33), respectivement au Racing Metro, à Toulon et à Pau (actuellement en ProD2).
Sans compter que d’après The New Zealand Herald, le capitaine des All Blacks, Richie McCaw (34 ans), mais aussi le talonneur Keven Mealamu (35 ans) et le pilier droit Tony Woodcock (34 ans), seraient, eux aussi, sur le départ. Certes, ce ne sont pas des perdreaux de l’année. Mais que les plus de trente ans quittent la Nouvelle-Zélande après plus d’une décennie de loyaux services n’inquiète pas le moins du monde la fédé kiwi. En effet, le staff technique des All Blacks a anticipé depuis un an et demi cet exode en plaçant sa confiance dans une nouvelle génération, personnifiée par le jeune et talentueux ouvreur Beauden Barrett (23 ans), qui compte déjà 28 sélections depuis deux ans.
Si on regarde la composition des All Blacks telle qu’on peut l’imaginer pour le Four Nations 2015, et celle que les coaches nationaux préparent pour l’après-Coupe du monde, on s’aperçoit que cinq joueurs (Ben Smith, Julian Savea, Kieran Read, Sam Whitelock et Brodie Retallick), soit un tiers d’équipe, assureront la continuité, le capitanat revenant au troisième-ligne centre Kieran Read (29 ans). Soixante-six fois titulaire en soixante-douze sélections depuis 2008, capitaine à huit reprises lorsque McCaw, blessé, fut absent, Read est d’ores et déjà considéré comme l’héritier du roi Richie, celui que ses pairs (Whineray, Meads, Lochore, Mourie, Fitzpatrick) considèrent comme le plus grand d’entre eux.
Alors que la France n’a pas trouvé sa meilleure composition d’équipe pour ce Tournoi, les All Blacks ont lancé avec succès la relève, alignant cette classe-biberon - le centre Malakai Fekitoa (22 ans), le demi de mêlée TJ Perenara (23 ans), le troisième-ligne aile Sam Cane (23 ans), le pilier gauche Joe Moody (26 ans) - face à l’Ecosse, le 15 novembre dernier (victoire, 16-24). Sans oublier de donner du temps de jeu à Charles Piutau (ailier), Ryan Crotty (centre), August Pulu (demi de mêlée), James Parsons (talonneur), Charlie Faumuina (pilier) et Dominici Bird (deuxième-ligne), qui représentent aussi l'avenir all black. C’est pourquoi l’exode de ses stars actuelles ne suscite aucun émoi en Nouvelle-Zélande, contrairement aux années passées durant lesquelles, depuis 2008, Collins, Kelleher, McAlister, Hayman, Oliver, SB Williams, Sivivatu, Rokocoko, Tialata et Ranger avaient répondu favorablement aux propositions alléchantes des recruteurs français.