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Les mafias du trafic d’animaux poussent les espèces à l’extinction

La diversité animale est attaquée de toutes parts et mise en péril par les trafics en tout genre, notamment celui de l’ivoire. Des mafias font fortune sur le dos des extinctions animales et la criminalité environnementale ne semble pas avoir de limites.

Les biodiversités marines et animales sont attaquées de toutes parts par l’humanité dévoreuse d’espaces et de ressources alimentaires. La biodiversité recule partout et à grande vitesse là même où elle est dite protégée, dans ces prétendus sanctuaires et aires qui donnent bonne conscience aux Etats et aux écologistes de papier.

Ces espaces sont assiégés. Quoi de mieux pour les réseaux criminels que ces vastes étendues guère défendues et leurs alentours où se concentrent des fourrures, des cornes et des défenses, des sacs de luxe, des écailles aphrodisiaques et des vésicules biliaires anti rhumatismales ?

Quoi de mieux que la déforestation débridée pour piéger les animaux dans un habitat éventré et dévasté ? Les parcs nationaux deviennent des réservoirs où avec la complicité des riverains et des vigiles, le marché noir vient remplir ses caddies et faire ses profits en s’exposant à des risques pénaux ou financiers minimes au regard des risques encourus dans des activités anciennes ou parallèles de trafic de drogue, d’armes ou de fausse monnaie.

- Valeur : 10.000 euros environ -

Les exterminateurs de la biodiversité

Les mafias environnementales s’intéressent aussi aux stocks gouvernementaux d’ivoire et de cornes de rhinocéros provenant de saisies dans les ports, aéroports et sur la voie publique. Les méthodes de pillage sont inventives.

La Cour des comptes de Tanzanie, à l’aide de balances et de mètres, vient de constater que dans la salle forte de la police qui protège les défenses d’éléphants, le nombre y était mais pas le poids.

Toutes les grandes défenses ont été au fil d’un long travail de filouterie remplacées par des petites. Plusieurs centaines de kg d’ivoire – 7 000 € le kg en Chine – ont ainsi pris le chemin de la commercialisation clandestine ou bien sont conservées en lieu sûr par des spéculateurs convaincus que le cours de l’ivoire n’est pas volatile.

- Caravane de 790 kg d’ivoire à l’aéroport de Hong Kong, en juin 2014 -

En Afrique du Sud, un stock stratégique de cornes de rhinocéros récupérées dans le parc Kruger à l’issue d’accrochages de plus en plus meurtriers entre rangers et braconniers a été volé dans une salle blindée. C’est le hold up du siècle, un butin d’environ 10 millions €. La dernière cotation du kg de corne en Chine et dans les pays limitrophes est de 100.000 €. Cette vulnérabilité des stocks gouvernementaux frappe tous les pays, y compris les Etats-Unis. L’Europe et la France n’échappent pas à ces risques de vols, de détournement et de corruption.

Les mafias qui ont fait fortune sur le dos des extinctions animales ont des techniques rustiques et foudroyantes qui emballent les cours bien plus vite que les agences de notation de Wall Street ou des bourses européennes. Il leur suffit de lancer la rumeur, si possible avec le témoignage d’un notable politique, que la corne broyée de rhinocéros guérit le cancer ou – nouveauté – que l’os à moelle des girafes prévient et guérit le sida pour faire fondre les populations résiduelles et gonfler des profits faramineux.

Les exterminateurs de la biodiversité travaillent pour notre bien, celui de l’humanité. Ils ont sur leurs étagères de quoi amortir les gueules de bois, résister au sommeil et, par exemple avec le « vin » de tigre, de quoi améliorer les performances « du bureau à la chambre à coucher ».

- Poudre aphrodisiaque d’écailles de pangolin -

Par la faute du Net, ces impostures se répandent comme des virus et font des adeptes dans le monde entier. On voit même se développer la fabrication et le trafic de fausses cornes de rhinocéros et de faux venin de cobra. Le vrai venin présenté comme une amphétamine naturelle, très recherché par la jeunesse dorée de Bombay, se négocie au prix de gros aux alentours de 300.000 € le demi-litre.

Effet falaise

La criminalité environnementale est créatrice d’emplois. La filière est très cloisonnée. Il y a les bivouaqueurs, les faiseurs de pièges, les vendeurs d’armes et de munitions, les tireurs, les arracheurs (de cornes et de défenses), les transporteurs (souvent des femmes et des mineurs), les tanneurs et autres transformateurs, les logisticiens, les grossistes et les détaillants.

- Saisie de 10 crânes de gorille en mai 2014 au Cameroun -

Les compagnies maritimes sont très sollicitées, le plus souvent à leur insu, surtout quand elles transbahutent des conteneurs à travers le monde. Une nouvelle tendance s’installe, celle de la caravane aérienne. 20 à 30 passagères et passagers du même long courrier transportent chacun dans leurs bagages 20 à 30 kg d’ivoire pour le compte d’un seul trafiquant et contre une prime équivalente à une centaine d’euros. Bien sûr tous les frais de voyage sont payés par la maison.

Dans l’industrie nucléaire on parle de l’effet falaise quand une situation anormale devient en dépit des apparences brutalement critique et ingérable. Pour ce qui concerne la biodiversité animale, l’effet falaise est atteint et dépassé. Il faudrait pour rétablir la situation et se conformer aux capacités de reproduction de toutes les espèces menacées une trêve totale, un cessez le feu d’une dizaine d’années mais la communauté politique mondiale dit avoir des guerres plus urgentes à régler.


Le panorama mondial du trafic est à découvrir dans « A la Trace », le bulletin trimestriel d’information et d’analyses sur le braconnage et la contrebande d’animaux menacés d’extinction de Robin des Bois. A la Trace n°7, du 1er octobre au 31 décembre 2014.

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