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Politique

"Français de souche" : pourquoi cette polémique est stupide

François Hollande est critiqué pour avoir employé l'expression "Français de souche" lors du dîner du CRIF. Voici pourquoi ce procès est infondé.
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Hollande
François Hollande et Alexandre Arcady lors du dîner du Crif
EREZ LICHTFELD/SIPA

François Hollande serait coupable d’avoir dit "Français de souche". Coupable de complicité avec l’extrême droite. Coupable de participer à la lépénisation des esprits. Coupable de légitimer un concept dont use et abuse une bonne partie de l’extrême droite depuis une vingtaine d’années. Coupable de légèreté. Coupable de faute politique.

L’heure des procureurs a sonné. Procureurs de l'époque qui, c’est là leur péché mignon, ne se sont manifestement pas donnés la peine de lire les vrais propos tenus par François Hollande.

La scène a lieu ce mardi 24 février, lors du traditionnel dîner du Crif. Le président de la République. François Hollande y évoque l’antisémitisme renaissant. Il dit qu’il faut le combattre. Il s’efforce de le nommer, de le démasquer. Il prononce alors les mots suivants : "L’antisémitisme n’a pas de limite, il s’enveloppe dans des mots, il s’habille de la haine, il se couvre de prétextes, il se drape dans la revanche mais il poursuit inlassablement les vivants et les morts. Il va jusque dans les cimetières pour aller tourmenter les mémoires. J'étais également la semaine dernière à Sarre-Union, dans ce cimetière dévasté par de jeunes lycéens, Français de souche comme on dit, ignorants au point de ne pas avoir vu les écritures en hébreu dans ce cimetière, inconscients pour ne pas avoir remarqué les étoiles de David  mais à ce point intolérants pour renverser le monument dédié aux victimes de la Shoah ".

De ces propos, les procureurs du moment ne retiennent que l’emploi de l’expression "Français de souche". Et tant pis pour la dénonciation de l’antisémitisme. Tant pis pour la réalité des mots. Tant pis pour la démonstration.

Encore une étrange polémique. Et encore des mots que l’on tord pour leur faire dire ce qu’ils ne veulent pas dire, pour accuser à tout prix, y compris au mépris de la vérité.

"Français de souche, comme on dit", voilà ce qu’a réellement dit François Hollande. Ni plus, ni moins.

Il faut être sot ou gredin, ou les deux, pour ne pas saisir que le "comme on dit", ajouté par François Hollande à "Français de souche", marque la distance, donc la réfutation. Sans doute le président, en cet instant, aurait-il dû marquer davantage encore qu’il employait l’expression pour la retourner contre ceux qui en font une arme politique, opposant les "Français de souche" à ceux qui ne le seraient pas.

Car à la fin, que dit François Hollande ? Que des actes antisémites, commis par bêtise, ignorance et haine ne sont pas l’exclusivité d’une catégorie particulière de Français. Qu’il est dangereux d’attribuer les manifestations d’antisémitisme à une communauté plutôt qu’à une autre. Que l’antisémitisme est un cancer qui n’est pas d’origine exclusive.

"Français de souche, comme on dit", c’est une façon de rappeler que des pans entiers de l’extrême droite, qui souvent se revendiquent de la défense des intérêts des "Français de souche" contre tous les autres, portent leur part de responsabilité dans les actes d’antisémitisme (et de racisme) commis sur le sol français.

Est-ce vraiment légitimer le concept ?

Mieux encore, ce rappel que "des Français de souche, comme on dit" pouvaient commettre des actes antisémites était une réponse, indirecte mais perceptible, à la malencontreuse parole du président du CRIJF, Roger Cukierman, qui le matin du dîner, sur Europe 1, avait décrété que sur ce sujet : "toutes les violences commises aujourd'hui le sont par de jeunes musulmans".

Pour qui veut bien faire preuve d’un peu de bonne foi, la formule de François Hollande ne vaut pas légitimation de l’expression "Français de souche". D’autant que le chef de l’Etat a accablé ces "Français de souche" capables d’actes antisémites : "ignorants", "inconscients" et "intolérants". Dire de "Français de souche, comme on dit", qu’ils sont bardés de telles qualités, affligés d’une telle nullité, est-ce vraiment légitimer le concept ?

Dès lors, on s’interroge. Comment se peut-il, dans les rangs de la gauche française, que certains en viennent à juger que François Hollande a pu légitimer l’expression "français de souche" elle-même ? Si les mots ont un sens, comment ceux-là, de bonne ou mauvaise foi, peuvent-ils passer outre le "comme on dit" qui marque la distance, donc le reniement de la formule ?

Il ne s’agit pas ici de jouer les Bruno Le Roux de service, pompier du président Hollande qui, une fois de plus, se brûle les ailes médiatiques par manque de préparation et de finesse. François Hollande n’est pas François Mitterrand, qui était habité par les contradictions françaises, héritées de l'histoire, et savait les synthétiser bien mieux que son lointain successeur pour les projeter dans un futur commun.

L’ironie n’est pas toujours perceptible

La formule hollandaise, avant d’être prononcée, se devait d’être davantage réfléchie, pensée, affinée, testée et précisée. L’ironie n’est pas toujours perceptible. François Hollande devrait le savoir mieux que quiconque qui, dans un passé récent, lors d’un diner du CRIF déjà, avait risqué une plaisanterie sur le retour d’un voyage en Algérie de Manuel Valls qui lui avait valu une mini-crise diplomatique.

Afin d’éviter l’ambiguïté, dans un pays devenu si sensible dès que l’on aborde la question de son identité (ou de ses identités ?) François Hollande aurait dû être plus précis. Nommer le "on" de son "comme on dit". "On", c’est-à-dire ceux qui, à l’extrême droite (et parfois à droite) usent et abusent de la formule pour en faire une arme de disruption massive du corps républicain français. Le président aurait dû dire "comme ils disent" et nommer le "ils".

Il manque parfois à la plume de François Hollande l’acuité de celle de François Mitterrand qui savait lui, anticiper les mouvements de l’Histoire, et préférait parfois délaisser l’ironie (dangereuse si approximative) au profit de mots simples, adressés à ceux qui ne réduisent pas la qualité de Français à une question "de souche", Français de tous horizons "qui seraient capables de choisir l'unité de la France à construire plutôt que le regret vain, parfois inintelligent, le refus de vivre dans son temps, ou le rêve de je ne sais quel âge d'or qui n'a jamais existé". Ces mots datent de 1987. Il suffirait à François Hollande de les faire siens, cela lui éviterait des polémiques inutiles. 

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