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Les États-Unis confrontés à leur tour à la question du port du voile

La Cour suprême a débattu mercredi du choix d’Abercrombie & Fitch de ne pas recruter une jeune femme parce qu’elle portait le foulard islamique.

Par  (New York, correspondant)

Publié le 26 février 2015 à 03h19, modifié le 19 août 2019 à 13h19

Temps de Lecture 3 min.

Samantha Elauf s'est estimée victime de discrimination après son refus d'embauche par Abercrombie&Fitch.

Le port du voile ne fait pas seulement débat en Europe. La Cour suprême des États-Unis s’est penchée, mercredi 25 février, sur le refus de la marque de vêtements Abercrombie & Fitch d’embaucher une jeune musulmane, sous le prétexte qu’elle portait le hijab.

L’affaire remonte en 2008, lorsque Samantha Elauf se présente à un entretien d’embauche à Tusla (Oklahoma) avec un foulard noir sur la tête, sans toutefois préciser qu’elle le portait pour des raisons religieuses. Sa candidature est dans un premier temps acceptée, puis refusée par le supérieur hiérarchique du recruteur.

Abercrombie & Fitch est réputé pour sa politique de recrutement très sélective de ses vendeurs, que la marque appelle « modèles ». Garçons aux torses sculpturaux et jeunes filles courtement vêtues font partie de l’image de marque du distributeur, qui décrit le style de ses vêtements comme « décontracté », un « look bon chic bon genre », emblématique de la jeunesse universitaire de la côte est des États-Unis. Le code vestimentaire de ses vendeurs se veut être en adéquation avec ces critères et c’est pourquoi son non-respect peut entraîner des sanctions disciplinaires.

Une confession devinable ?

Soutenue notamment par l’Agence fédérale pour l’égalité devant l’emploi (EEOC), Samantha Elauf, s’estimant discriminée, avait attaqué l’entreprise et avait obtenu en première instance 20 000 dollars de dommages et intérêts, avant d’être déboutée en appel. La cour avait en effet estimé que la loi fédérale de 1964 sur les droits civiques, qui interdit la discrimination en matière d’emploi fondée sur la race, la religion, la couleur, le sexe ou l’origine nationale ne s’appliquait pas en l’espèce, car la jeune femme n’avait pas fait de demande explicite d’aménagement du règlement intérieur d’Abercrombie en fonction de sa confession, qu’elle n’a invoqué à aucun moment lors de l’entretien.

Mais mercredi, une partie des juges de la Cour suprême ont fait remarquer qu’il était difficile à l’entreprise d’ignorer que le foulard de la jeune femme était un signe religieux. Partant de là, ils ont laissé entendre que l’argument, selon lequel le refus de la candidature de la jeune femme était uniquement un problème de look, ne semblait pas fondé. « Peut-être que ce jour-là elle avait juste des cheveux qu’elle ne voulait pas montrer, alors elle est venue avec un foulard, mais elle n’avait aucune raison religieuse pour le faire. Voulez-vous refuser sa candidature pour cette raison ? » a demandé le juge conservateur, Samuel Alito, forçant le trait pour démonter l’argumentation de l’entreprise, avant d’ajouter : « La raison pour laquelle vous l’avez refusée était parce que vous supposiez qu’elle allait le faire chaque jour et, chaque jour la seule raison pour laquelle elle le ferait serait religieuse », a-t-il lancé à l’avocat d’Abercrombie. Et le juge de l’interpeller en lui demandant : « Vous pensez que chaque employé doit dire : « je suis habillé ainsi par conviction religieuse » ? ».

Mentionner sa religion en entretien ?

De la même façon, le juge progressiste, Ruth Bader Ginsburg, a critiqué l’argument de l’entreprise selon lequel elle aurait écarté la candidature de la jeune femme uniquement pour une raison d’apparence. Elle a rappelé que la loi sur les droits civiques oblige de traiter certaines personnes différemment des autres candidats s’ils ont des exigences religieuses. Les employeurs « n’ont pas à s’adapter pour une casquette de baseball. Ils doivent le faire pour une kippa », a-t-elle lancé de façon œcuménique. « Il y a des millions de personnes dont on peut deviner la pratique religieuse en fonction de leur nom ou de la manière de s’habiller », a ajouté le juge Stephen Breyer, classé lui aussi dans le camp progressiste.

Mais Abercrombie, soutenu par la Chambre de commerce et d’autres lobbies des entreprises, a fait valoir qu’il serait dangereux d’obliger les employeurs à se renseigner sur la religion d’un candidat à l’embauche, dans le but d’éviter d’être taxé de discrimination. Un argument qu’a repris à son compte le juge conservateur John Roberts, qui s’est ainsi inquiété sur le fait que si les employeurs commençaient à s’enquérir systématiquement de la croyance religieuse d’un futur salarié, cela « pourrait promouvoir des stéréotypes de façon encore plus prononcée » qu’aujourd’hui. Des associations musulmanes, qui soutiennent Samantha Elauf ont d’ailleurs fait valoir que la discrimination à l’égard des musulmans était déjà très répandue aux États-Unis.

Enfin le juge conservateur Antonin Scalia s’est plutôt aligné sur la décision de la Cour d’appel, estimant que la question de la pratique religieuse aurait dû être soulevée au moment de l’entretien, ce qui n’a pas été le cas.

La décision de la Cour suprême devrait être rendue en juin.

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