TERRORISMESyrie: Pourquoi la France ne renouera pas avec al-Assad contre Daesh

Syrie: Pourquoi la France ne renouera pas avec al-Assad contre Daesh

TERRORISMELe voyage de quatre parlementaires français en Syrie relance le débat sur l’opportunité de s’allier avec Damas contre Daesh...
Laurent Fabius, le 24 février 2015 à Paris
Laurent Fabius, le 24 février 2015 à Paris - François Guillot POOL
Nicolas Beunaiche

Nicolas Beunaiche

Les «gugusses» qui se sont rendus en Syrie la semaine dernière, comme les a qualifiés Nicolas Sarkozy, auront au moins réussi à lancer le débat. Depuis mercredi et la rencontre de trois parlementaires avec Bachar al-Assad, la question de l’opportunité de renouer le contact avec le maître de Damas pour en finir avec Daesh est abondamment commentée en France.

Ce dimanche, Rachida Dati (UMP) a ainsi estimé qu’il fallait y «réfléchir» et qu’une alliance avec Damas était «peut-être» la solution. Pourtant, malgré les appels à droite, la probabilité de voir la France s’allier avec Bachar Al-Assad est proche du néant. L’explication en trois points.

Parce que Bachar al-Assad est un «boucher»

La France en fait d’abord une question morale. Dans une tribune publiée par Le Monde vendredi, Laurent Fabius et son homologue britannique, Philip Hammond, expliquent ainsi que «Bachar représente à la fois l’injustice, le désordre et la terreur». «Il mène une guerre civile avec barbarie», ajoutent-ils, avant de lister ses crimes: utilisation des armes chimiques, recours aveugle à la violence contre les civils syriens, tortures et assassinats dans les prisons… Manuel Valls s’est, lui, montré plus concis en qualifiant Al-Assad de «boucher». Une formule choc pleine de sens, selon le géopolitologue Frédéric Encel*. «Ce qu’a voulu dire le Premier ministre, c’est que Bachar n’est pas seulement un dictateur, il est pire que cela, décrypte-t-il*. Avec un dictateur, on peut être obligé de discuter en période de crise; avec l’homme qui a mené la répression inouïe de 2011 et commis les crimes contre l’humanité de 2013, toute discussion est impossible.»

Parce que Bachar al-Assad est «affaibli»

L’appui de Bachar al-Assad serait, en outre, inefficace d’un point de vue stratégique. Selon la France et la Grande-Bretagne, le régime de Damas se serait en effet «affaibli» en un an et continuerait à fléchir. «Son armée est exsangue, désertée de plus en plus par ses propres soldats et contrainte de recruter des mercenaires jusqu’en Asie», estiment Fabius et Hammond, selon qui Al-Assad serait «devenu le vassal de ses parrains régionaux» comme le Hezbollah. Pire, le dictateur ne contrôlerait plus le pays, confronté au nord à l’opposition modérée, à l’est à Daesh et à l’ouest au Front Al-Nosra (Al-Qaïda). En somme, l’allié serait donc de peu de poids, disent à demi-mots les ministres des Affaires étrangères. Pour autant, estime Frédéric Encel, le régime d’Al-Assad est encore loin d’être à l’article de la mort. «Depuis le début, la France croit qu’il va tomber, mais il est toujours là, justifie le spécialiste. Bachar Al-Assad tient parce qu’il est soutenu à bout de bras par un pont aérien et maritime russe.»

Parce que Bachar al-Assad est un producteur de djihadistes

Du point de vue français, Bachar al-Assad est enfin un pourvoyeur de recrues pour les djihadistes. «Mettre fin [aux] espoirs d’un avenir meilleur avec une Syrie sans Bachar, ce serait radicaliser encore davantage de nombreux Syriens, pousser des modérés vers l’extrémisme et consolider un bastion djihadiste en Syrie», écrit ainsi Fabius dans sa tribune coécrite avec son homologue britannique. Une argumentation qui rejoint celle du chef de l'opposition syrienne en exil, Khaled Khoja. Ce dimanche, celui-ci a estimé que «ceux qui prétendent aujourd'hui coopérer avec le régime syrien pour lutter contre le terrorisme ne parviendront qu'à accentuer ce phénomène».

*Géopolitique du printemps arabe, PUF Editions, 2014.

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