Les touristes seront-ils (sont-ils) des objets connectés ?

Publié le 26 janvier 2015
5 min

internetdesobjetsJean-Luc et moi réfléchissons depuis quelques années à la prospective au sein de la commission éponyme d’Offices de Tourisme de France. Dans le nouveau round qui s’ouvre, les travaux de la commission vont s’articuler autour de trois axes qui nous semblent devoir impacter l’avenir des offices de tourisme :

  • les tendances sociologiques qui vont guider les évolutions des visiteurs,
  • les tendances organisationnelles qui vont modifier le contexte d’action, les formes de management et peut-être même le rapport public/privé,
  • les tendances « technologiques » qui vont permettre d’améliorer les services existants et d’en proposer de nouveaux, et aussi amplifier les nouvelles méthodes de travail plus collaboratives

Dans les tendances technologiques, il en est une qui interpelle fortement : l’Internet des objets.

 

Quelle sont les perspectives pour l’accueil touristique de la connexion systématique d’un grand nombre d’objets ? 

D’entrée il faut préciser que cette question entre en résonance avec l’amplification des analyses des données de masse et l’émergence d’une capacité accrue de donner du sens aux informations grâce à l’approche sémantique… Globalement, il s’agit d’appréhender la question de l’office du tourisme à l’ère du Web 3.0 dans lequel nous entrons, rien de moins ! Même pas peur, même si, disons le tout de suite, il ne s’agit ici qu’une d’une analyse succincte et nécessairement partielle… vu l’heure tardive de la rédaction de ce billet 😉

Aujourd’hui, de très nombreux objets sont déjà connectés pour nous renseigner sur un changement d’état ou de position. Par exemple les webcams sur les pistes nous font savoir quel temps il fait sur place. Les téléphones intelligents indiquent leur changement de position grâce au GPS… ce qui fait de leurs possesseurs (nous tous !) des objets connectés puisque nous transmettons au réseau nos changements de position, voire d’état physique avec les nouvelles applications de santé. D’où ce titre un brin provocateur… 
Toutes les expériences autour des « villes intelligentes » sont de bons exemples de nouveaux services possibles grâce à ces objets comme le détaillait François Perroy dans son article « Poussez les meubles pour créer des destinations intelligentes« .
Ces nouveaux services participent in fine à la facilitation de la ville et donc améliorent l’expérience du territoire pour les visiteurs comme pour les habitants. Au delà on peut tracer quelques pistes de réflexion en n’oubliant pas de les soumettre à l’approche RÉAC des services d’accueil que je préconisais dans un précédent article … Schématiquement on peut les aborder autour de 3 axes :

  • personnaliser le parcours client : reconnaître les visiteurs à chaque étape de leur séjour ; grâce à un profilage fin des touristes, baliser le territoire de points de contact pour « pousser » des propositions affinées et pertinentes ; les comparer avec les options finalement choisies et alimenter l’outil de profilage et améliorer la GRC
  • offrir une assistance adaptée : là aussi grâce au profilage, organiser le réseau des accueillants pour affecter les meilleurs interlocuteurs à chaque visiteur ; on imagine que les prestataires et les greeters pourraient être associés à la démarche pour correspondre au mieux à la demande (langue, centres d’intérêt, etc.)
  • optimiser l’expérience du territoire : proposer des alternatives en fonction des profils, du temps, de l’horaires, des opportunités… ; systématiser la volonté d’étonner, etc…

 

Plus d’humanité semble plus raisonnable que plus d’humain… 

Le resserrement des finances publiques rend difficile l’ambition de développer davantage l’accueil « physique ». Le numérique ne remplace pas l’humain, certes, mais ce monde 3.0 pourrait certainement apporter une certaine humanité aux outils numériques. Récemment, Google a introduit dans Google maps les propositions de points d’intérêt personnalisées… En allant bien plus loin, et avec une certaine dose d’optimisme j’en conviens, s’ouvrent des perspectives de services numériques sur mesures, voire même empathiques…

En rêvant un peu, imaginons par exemple demain un nouveau geste d’accueil : le touriste, à son arrivée, se voit remettre un petit objet, comme le « ???????? » (symbolon) de la tradition grecque. C’est un objet connecté contenant ses préférences de séjour, ses centres d’intérêt, etc. Cet objet communique avec son smartphone et/ou avec n’importe quel terminal à disposition sur le territoire : ordinateur, tablette, borne… À chaque passage à proximité d’un des objets connectés qui balisent le territoire, le touriste est reconnu, peut bénéficier d’une assistance personnalisée, et bénéficie de propositions complètement adaptées, voire étonnantes…  
Tout ceci paraît séduisant et prometteur, mais décrit un monde peut-être plus « gentil » qu’il n’est en réalité… 

 

Le plus important sera de ne pas oublier la fonctionnalité essentielle marche/arrêt (on/off pour les geek première langue…) pour répondre aux exigences éthiques de gouvernance :

  • le respect de la vie privée
  • la confiance dans la société de l’information (protection des données personnelles)
  • la liberté pour un individu de pouvoir se déconnecter d’un réseau à tout moment

La lecture de cet excellent article  « Scénarios pour le Web des Objets » offre une analyse sans concession de cette nouvelle étape qui s’engage aujourd’hui avec deux scénarios antagonistes :

 

Comme je suis résolument optimiste, je pense que ce Web 3.0 ouvre des perspectives vraiment incroyables, voire vertigineuses… et comme à chaque transformation, on se demandera dans 10 ans comment on faisait avant les objets connectés et le web sémantique ! 😉
L’accueil touristique pourra s’adapter au plus près de la demande pour peu qu’on respecte les libertés des individus, et qu’on sache rester simple, abordable et humain. Cela signifie aussi pour les offices de tourisme de préserver des services d’accueil « non connectés » pour les réfractaires à l’hyper-connexion. En effet, ceux qui ne voudront pas être sujets des objets pourraient être légion ! 

L’office de tourisme devrait trouver là une nouvelle mission : garantir l’éthique du système d’objets connectés qu’il propose aux touristes. Vaste programme qui finalement correspond à l’idée d’un office de tourisme chef d’orchestre de l’accueil sur son territoire.

 

 

 

 

 

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Paul FABING était directeur de la Mission Attractivité chez Alsace Destination Tourisme.  Architecte de formation, ancien consultant tourisme, chef du service Tourisme de la Région Alsace, directeur de RésOT-Alsace (Réseau des offices de tourisme), directeur du pôle Qualité de l'accueil à l'Agence d'Attractivité de l'Alsace (AAA), il occupe cette fonction depuis 2020. Entre autres missions, la Mission Attractivité gère et anime le système d’information touristique alsacien qui consolide l’ensemble des [...]
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