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La gauche face au djihadisme : les yeux grands fermés

Incapable de prendre la religion au sérieux, la gauche française oublie l’essentiel : la puissance politique de l’espérance spirituelle

Publié le 02 mars 2015 à 12h32, modifié le 19 août 2019 à 13h17 Temps de Lecture 5 min.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, et Tareq Obrou, imam, recteur de la grande mosquée de Bordeaux, le 25 février 2015.

En 1978, le philosophe Michel Foucault arrive en Iran pour y effectuer un reportage sur la révolution islamique. Envoyé par le quotidien italien Corriere della sera, il va à la rencontre des insurgés et leur pose des questions. Bien sûr, cet intellectuel de gauche ne manque pas de s’intéresser aux causes économiques du soulèvement. Il commence par détailler les inégalités de classe et de statut qui rongent la société iranienne. Mais son ouverture d’esprit et sa disponibilité à l’événement le rendent sensible à un autre enjeu : « la religion, avec l’emprise formidable qu’elle a sur les gens ». Après avoir interviewé des étudiants et des ouvriers, il dresse le constat suivant : si les facteurs sociaux sont importants pour expliquer la contestation, seule l’espérance messianique a vraiment pu mettre le feu aux poudres. D’ailleurs, les militants se réclamant du communisme ou des droits de l’homme se trouvent peu à peu balayés par ceux qui en appellent à la charia.

Une vulgate marxisante

A l’évidence, « le problème de l’islam comme force politique est un problème essentiel pour notre époque et pour les années à venir », prévenait Foucault. Telle est la leçon de ce reportage signé par un philosophe qui a pu observer de près, et avec une certaine bienveillance, la puissance politique de l’espérance religieuse.

Cette leçon, délivrée par l’un des grands intellectuels de gauche, la gauche française l’a aujourd’hui oubliée. Les femmes et les hommes qui peuplent ses groupes militants, ses cercles de réflexion ou ses cabinets ministériels en sont revenus à une conception rudimentaire de la religion : quand ils s’y intéressent, c’est pour la rabattre immédiatement sur autre chose qu’elle-même. A leurs yeux, la religion n’est qu’un symptôme du malaise social, une illusion qui occulte la réalité des conflits économiques. Leur idée de la croyance religieuse relève ainsi d’une vulgate marxisante qui tourne le dos à Foucault et qui ne rend pas non plus justice à Marx, dont la pensée sur le sujet est bien plus riche.

Incapable de prendre la religion au sérieux, comment la gauche comprendrait-elle ce qui se passe actuellement, non seulement le regain de la quête spirituelle mais surtout le retour de flamme d’un fanatisme qui en est la perversion violente ? Elle qui fut si fière, naguère, de sa tradition internationaliste, comment pourrait-elle admettre que le djihadisme constitue désormais la seule et unique cause pour laquelle des milliers de jeunes Européens sont prêts à aller mourir loin de chez eux ? Elle qui a toujours identifié les insurgés aux damnés de la Terre, comment pourrait-elle accepter que, parmi ces jeunes, beaucoup sont tout autre chose que des laissés-pour-compte ?

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