Le ministre des finances, Michel Sapin, a annoncé la couleur : la lutte contre l'évasion fiscale va continuer en 2015 et devrait rapporter autant que l'année précédente, soit environ 2 milliards d'euros.
Des chiffres confirmés par le rapport que Les Décodeurs se sont procuré, le premier publié par le Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) chargé de ce combat contre l'incivilité financière.
Le « Rapport au titre de l'année 2014 sur l'application de la circulaire du 21 juin 2013 relative au traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger » montre que le droit de tout contribuable à rectifier sa déclaration d'impôt a été largement utilisé l'an dernier.
Très exactement, c'est 1,91 milliard d'euros de recettes budgétaires providentielles qui a été collecté en 2014, dont 900 millions au titre de l'impôt sur la fortune (ISF). Mieux que l'objectif d'1,85 milliard inscrit dans la loi de finances rectificatives pour 2014.
Le STDR a été victime de son succès : « A l'origine, ce service a été calibré avec un effectif de 20 agents », précise le document ; des effectifs qui se sont étoffés pour atteindre une centaine de personnes, avec un délai dû à l'impossibilité d'embaucher à l'extérieur et de trouver les ressources à redéployer en interne. Reste que les moyens peuvent paraître encore insuffisants, alors que, selon Bercy, le service recevrait environ 200 dossiers par semaine.
Une bonne surprise pour Bercy
Quatorze milliards d'euros « évadés » ont été déclarés depuis le 21 juin 2013 ; 40 % de cette somme, soit 5,6 milliards d'euros, ont été traités. Une bonne surprise dans la mesure où les objectifs de collecte avaient plusieurs fois été revus à la baisse.
Mais si les résultats ont tardé à apparaître, ils sont désormais incontestables : en 2014, 4 000 dossiers complets ont été traités. C'est peu comparé au total des 25 400 contribuables sortis du bois l'an dernier : la lenteur du délai de traitement est due, explique Bercy, à l'engorgement des demandes de documents dans les banques, lesquelles peinent à satisfaire tous leurs clients.
Du coup, une mesure a été prise : s'il est toujours possible de déposer un dossier temporaire (le temps de retrouver tous les documents bancaires nécessaires), un délai de six mois a été imparti, en décembre dernier, à chaque contribuable pour finaliser son dossier. Et s'il manque encore des pièces, il n'a que soixante jours pour les envoyer.
Une démarche qui permet, en somme, de prendre date. D'autant que le dossier, même temporaire, doit être accompagné d'un chèque encaissable dès réception par le fisc. 36 000 dossiers temporaires ont été déposés depuis juin 2013.
Un taux d'imposition de 27 % en moyenne
Pas de surprise en revanche concernant le traitement réservé aux fraudeurs, les conditions n'ont pas changé : 15 % de majoration pour les fraudeurs « passifs » (des héritiers en majorité, ou des personnes ayant constitué leur fortune à l'étranger, par exemple), et 30 % pour les « actifs » (des fraudeurs cherchant à échapper à l'impôt). Sans oublier une amende variant de 1,5 à 7,5 %. En moyenne, le taux d'imposition en 2014 s'établit à 27 % du montant des avoirs régularisés.
Pour le plus gros dossier enregistré l'an dernier (plus de 110 millions d’euros), le taux d'imposition est monté à 40 %, toujours moitié moins que pour les dossiers non déclarés et répérés par le fisc.
Attention, prévient Bercy, si la déclaration n'est pas sincère et qu'il reste ne serait-ce qu'un euro dissimulé sur un compte à l'étranger, le contribuable perd tout le bénéfice de son opération et se retrouve directement à la case « pénal », comme tout contribuable qui ne se serait pas engagé volontairement dans cette démarche, ou dont les avoirs ont pour origine une activité illicite.
Les « petites » fortunes sortent du bois
En 2014, le montant moyen des avoirs régularisés a baissé par rapport à l'année précédente : 880 000 euros, contre un peu plus d'un million auparavant. Mais des disparités demeurent : les montants supérieurs à 10 millions d'euros représentent 2 % des dossiers (et un quart du montant des droits et pénalités).
Les repentis viennent en majorité d'Ile-de-France (45 %) et tout particulièrement de Paris (24 %). Le pôle de recouvrement de la région sud-ouest de la capitale a ainsi encaissé plus d'un milliard d’euros en un an et demi.
Ces repentis ont en moyenne 69 ans et la plupart n'ont pas constitué eux-mêmes ces avoirs : ils ont pour origine une donation ou une succession le plus souvent.
Quant aux sommes fautives, elles dormaient surtout en Suisse, pays qui, depuis la publication de la circulaire, a adopté une attitude beaucoup plus collaborative avec le fisc français.
Une manne providentielle
La collecte du fisc est au final loin d'être négligeable : elle permettra de réduire le déficit structurel de la France, comme le préconisait la Commission européenne. Le gouvernement doit encore trouver 0,2 point de PIB supplémentaire, soit environ 4 milliards d'euros. Le STDR lui en fournit déjà presque la moitié.
La France n'est pas seule dans sa lutte contre l’évasion fiscale : plus de 80 pays se sont engagés en octobre à Berlin à un échange automatique d'informations fiscales d'ici 2017-2018.
« Il n'y a plus un seul espace pour un fraudeur qui voudrait cacher son argent à l'étranger. Il vaut mieux que, dès maintenant, il se présente pour régulariser sa situation », a asséné dimanche Michel Sapin.
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