Meilleur ouvrier de France : le Sénat rétropédale à propos d'un sans-papiers

Le Sénat refusait qu'un Albanais de 19 ans en situation irrégulière désigné meilleur apprenti menuisier de France se rende à la remise de sa médaille.

Source AFP

Discours de Laurent Fabius devant le Sénat sur la question de l'intervention française en Syrie le 4 septembre 2013. Photo d'illustration.
Discours de Laurent Fabius devant le Sénat sur la question de l'intervention française en Syrie le 4 septembre 2013. Photo d'illustration. © Sipa

Temps de lecture : 2 min

Armando Curri, un jeune Albanais de 19 ans désigné meilleur apprenti menuisier de France, recevra finalement sa médaille mercredi au Sénat, qui avait refusé un temps de l'accueillir en raison de sa situation irrégulière. Cet habitant de la Loire, inscrit en bac pro dans un lycée de l'agglomération roannaise, était sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), qu'il contestait devant le tribunal administratif. Cette OQTF a été abrogée mardi par la préfecture qui lui a délivré une autorisation provisoire de séjour de trois mois.

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"Au plan des principes, le Sénat, institution de la République chargée d'élaborer la loi, se doit de la respecter. Au plan des réalités, l'apprentissage est une voie d'excellence que le Sénat ne cesse de promouvoir", a indiqué la présidence du Palais du Luxembourg dans un communiqué. Le président du Sénat Gérard Larcher (UMP) "a décidé, après en avoir informé le ministère de l'Intérieur, de ne pas faire obstacle à l'accueil de ce jeune dans le cadre strict de la cérémonie organisée par la Société des meilleurs ouvriers de France (SMOF)", a-t-elle ajouté, qualifiant la situation d'Armando Curri de "réussite qui mérite d'être saluée".

Incompréhension

Le cabinet de Gérard Larcher avait auparavant expliqué "qu'il ne (pouvait) accueillir en son sein une personne en situation irrégulière" dans le cadre de cette cérémonie. La semaine dernière, la haute assemblée en avait d'ailleurs informé la SMOF, qui avait alors, à son grand regret, demandé à Armando Curri de ne pas se joindre aux autres lauréats. "On ne comprend pas vraiment pourquoi il ne peut pas être présent à cette cérémonie de mise en avant de jeunes qui s'investissent dans des métiers souvent décrits comme des voies de garage", avait déclaré à l'AFP le directeur de la SMOF, Erwan Bouët-Willaumez.

À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre Même incompréhension chez le maître d'apprentissage du jeune homme à Saint-Étienne, Joseph Morin. Selon l'Association nationale des apprentis de France, Armando Curri, primé en juin dans la catégorie menuiserie-agencement, devait au contraire "bénéficier du soutien plein et entier de notre pays et de ses institutions". Arrivé en France il y a trois ans et bénéficiant du statut de mineur isolé jusqu'à sa majorité, il faisait l'objet depuis octobre d'une OQTF lui interdisant de travailler et contre laquelle il avait déposé un recours devant le tribunal administratif de Lyon. Cette mesure a été abrogée mardi en fin d'après-midi par le préfet de la Loire, Fabien Sudry, qui a précisé à l'AFP avoir délivré "une autorisation provisoire de séjour de trois mois" compte tenu "des capacités d'intégration dont ce jeune homme a fait preuve". Titulaire en 2014 d'un CAP de menuiserie à Saint-Étienne, Armando Curri est inscrit en bac pro dans un lycée de l'agglomération roannaise.

Mercredi, 338 médailles d'or seront remises au Sénat aux lauréats des différentes catégories du concours des meilleurs apprentis de France, en présence de M. Larcher et de la secrétaire d'État au Commerce et à l'Artisanat, Carole Delga.

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Commentaires (9)

  • AD36

    Il y a quelque chose de sinistre à constater que le corps constitué dont la fonction est de "modérer" les emballements d...e l'Assemblée Nationale, de représenter les territoires, de rappeler les "usages", se devant être le conservateur de ce qui constitue la qualité d'un pays, ait commis une telle bévue, que son demi-tour ne pourra tout à fait effacer des esprits.

    Car, dans cette affaire, double, c'est bien d'une tradition d'excellence française dont il est question.
    Excellence de ces meilleurs apprentis et ouvriers, véritable vivier de médailles aux olympiades internationales des métiers, honneurs dont l'amplitude apparaît à la lecture de la presse régionale, seule à les relater.

    Or, quel signe plus convainquant de volonté d'intégration peut donner un jeune en se hissant au haut niveau d'exigence de ce type de concours ? Quelle promesse d'honnêteté et de courage faut-il faire de plus que de vouloir consacrer sa vie au noble travail du bois ? Ses trois années de vie en France parlent infiniment plus pour sa cause qu'une quelconque habileté à manier un AK47...

    En refusant de le recevoir, vous bafouiez non seulement cette volonté positive, mais tous ceux qui, de leurs mains, font encore vivre les quelques lieux de création de qualité en France. Enfin, quel signal au moment où se pose le problème de l'intégration de certains avec tant d'acuité ! Faut-il méconnaître son pays et peu respecter les siens pour ainsi considérer que cette excellence vaut moins qu'un tampon administratif ?

    Messieurs les sénateurs, ce demi-tour n'efface qu'à moitié l'impression que vous laissez au citoyen : de n'être en définitive, vous aussi, que des politiques coupés du monde réel dans lequel œuvre et lutte un peuple, y compris ses meilleurs, et qui n'est autre que celui que vous prétendez représenter.

  • Jepirad

    Le Sénat. Institution inutile et coûteuse.

  • Le père La Grinche

    Les jeunes en situation irrégulière soit on les renvoie immédiatement chez eux, soit on les scolarise et on les régulari...se. Mais aujourd'hui si on les scolarise on ne les régularise pas. Ce qui amène à ces situations ubuesques et inextricables. Mais au fait combien de sénateurs seraient capables de raboter un bout de bois ?