Education nationale: La Cour des comptes dénonce «l'essoufflement» du modèle français
ENSEIGNEMENT•Les magistrats de la rue Cambon recommandent d'annualiser au moins une partie du temps de travail des enseignants...C.B. avec AFP
«Alors que notre pays consacre des moyens importants au suivi individuel des élèves, les résultats ne sont pas au rendez-vous». Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, estime qu’il faudrait revoir la définition du temps de travail des professeurs du secondaire pour rendre effectif le suivi individualisé des élèves, prôné dans la loi afin de les faire tous réussir.
Il a évoqué lors d’une conférence de presse un décalage «choquant» entre les objectifs et les résultats, compte tenu des moyens consacrés: 2 milliards d'euros à travers une douzaine de dispositifs. Migaud a pointé «l'essoufflement de notre modèle éducatif», estimant que la France «n'a pas su gérer efficacement l'hétérogénéité des publics scolaires révélée par le collège unique», mis en place à partir de 1975 pour scolariser l'intégralité d'une classe d'âge dans une même structure.
Des «revirements incessants»
Non seulement le collège unique n'est pas parvenu à faire réussir tous les élèves, mais leurs résultats se dégradent dans les enquêtes internationales. Pour la Cour des comptes, le décalage entre objectifs et résultats s'explique par «une démarche d'individualisation hésitante, dont le pilotage» par le ministère «est défaillant, et qui rencontre des obstacles de fond».
Le rapport relève l'absence d'évaluation des dispositifs et des «revirements incessants», là où il faudrait une continuité politique. La France «semble ne pas avoir tranché entre deux modèles», la «remédiation pour les seuls élèves en difficulté» hors de la classe, ou bien «l'accompagnement pour tous, d'inspiration beaucoup plus récente», dans le temps d'enseignement commun.
Pour la Cour, «la conception classique du métier enseignant doit évoluer pour englober la démarche d'accompagnement individualisé des élèves. Actuellement, la logique hebdomadaire» des emplois du temps, «la tradition disciplinaire dans le second degré et la faiblesse du travail en équipe constituent des obstacles importants» pour un suivi individualisé efficace.
Inscrire le suivi individualisé dans les obligations de service des enseignants
Si le statut des professeurs du secondaire a été récemment revu pour tenir compte des missions autres que le face-à-face avec les élèves, cette réforme n'est pas allée «jusqu'au bout», selon Sophie Moati, présidente de la troisième chambre de la Cour des comptes. Le rapport de la Cour préconise que le suivi individualisé soit inscrit dans les obligations de service des enseignants.
Le texte prône de «donner aux directeurs d'école et aux chefs d'établissement la possibilité de moduler la répartition du temps de service des enseignants et des emplois du temps des élèves en fonction des besoins» de ces derniers, avec «mise en place sur l'année scolaire de plages horaires variables de soutien et d'accompagnement».
Cela nécessiterait «d'annualiser» au moins une partie du temps de travail des enseignants. Il faudrait également mieux former les enseignants au suivi individualisé, en formation initiale mais aussi continue et les doter d'outils de détection des besoins des élèves.