Un fossé d’une profondeur de six mètres et un mur de barbelés de deux mètres de haut, c’est ce que les autorités du Turkménistan projettent d’installer le long des 745 km de leur frontière avec l’Afghanistan, afin de protéger le pays des incursions de plus en plus fréquentes et sanglantes des talibans. Par ailleurs, en janvier, Achgabat a annoncé la mobilisation des officiers et des soldats qui devront se déployer sur cette frontière, la plus vulnérable d’Asie centrale.

Un obstacle insuffisant

L’expert russe Chokhrat Kadyrov interrogé par le site turkmène indépendant Gündogar, rappelle que si le Tadjikistan est protégé de l’Afghanistan voisin par des montagnes et une frontière bien gardée [conjointement avec des militaires russes], ce n’est pas le cas de la frontière turkmène avec l’Afghanistan, où il n’y a ni obstacles naturels, ni soldats russes. “Le mur ne sera pas un obstacle suffisant face aux incursions des talibans et des radicaux de l’organisation Etat islamique (EI)”, estime-t-il.

Le président de l’institut russe du Proche-Orient, Evguéni Satanovski, rapporte que des centaines de civils ainsi que des gardes-frontières turkmènes ont été tués sur la frontière depuis un an. Selon lui, il s’agit là, de la part des agresseurs, d‘ “opérations de nettoyage de la population de ces territoires transfrontaliers dans le but de préparer des corridors d’attaque. Attaque qui pourrait survenir au printemps 2015.”

Talibans d’origine turkmène

Le problème est aggravé par un autre phénomène : un million de Turkmènes ethniques (qui avaient fui le Turkménistan soviétique dans les années 1920-1930 ) vivent en Afghanistan. Depuis quelques années, ils réclament la restitution de leurs terres ancestrales. Plus grave pour Achgabat, entièrement dépendant des revenus de l’exportation de son gaz (quatrième réserve mondiale), les terres revendiquées se trouvent toutes à proximité des gisements gaziers, notamment du gisement Galkynysh, numéro deux mondial derrière celui de South Pars, situé à cheval entre les eaux territoriales de l’Iran et du Qatar. L’historien russe Alexandre Kniazev affirme par ailleurs que les talibans d’origine turkmène contrôlent tous les territoires autour du tracé du projet de gazoduc Tapi (Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde).

Pour Chokhrat Kadyrov, le statut de neutralité du Turkménistan dans sa politique extérieure est soumis à une très sérieuse épreuve. “Dans le contexte du retrait des troupes de la coalition internationale d’Afghanistan, le seul garant de la sécurité du pays semble être la Russie.”