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Politique

La surprenante alliance objective entre Onfray et Philippot contre Valls

Mis en cause par Manuel Valls, le philosophe Michel Onfray l'a traité de "crétin" et a reçu le soutien de Florian Philippot. Les ennemis de mes ennemis sont mes... amis.
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090315 Challenges Michel Onfray
Michel Onfray
KENZO TRIBOUILLARD / AFP

On est défendu comme on le mérite. C’est ce qui arrive à Michel Onfray, le nouvel intellectuel protégé par Florian Philippot. C’est la leçon à tirer de la polémique née durant le dernier week-end politique, suite à la déclaration du Premier ministre, Manuel Valls, pointant le fait tragique que Michel Onfray, désormais, a déserté le camp du progrès.

Le propos a fâché l'ombrageux intellectuel, et lui a valu le soutien du vice-président du Front national, Florian Philippot. "Les ennemis de mes ennemis sont mes amis", axiome jamais démenti depuis son invention. Ainsi va la vie publique en 2015.

Au sujet de Michel Onfray, Manuel Valls, sur Europe 1, a pourtant pointé une évidence : "Quand un philosophe connu, apprécié par beaucoup de Français, Michel Onfray, explique qu'Alain de Benoist -qui était le philosophe de la Nouvelle droite dans les années 70 et 80, qui d'une certaine manière a façonné la matrice idéologique du Front national, avec le Club de l'Horloge, le Grece- (…) vaut mieux que Bernard-Henri Lévy, ça veut dire qu'on perd les repères".

Les armes de com' massives d'Onfray

Ainsi mis en cause par le Premier ministre, Michel Onfray, diva outragée, a usé de ses armes de communication massives : réponse sur son blog et double passage radio durant la matinée de ce lundi, sur France Inter et Europe 1. C’est dire la gravité médiatique de l’affaire. Cette incroyable exposition radiophonique est-elle le résultat de ce que Michel Onfray a traité Manuel Valls de "crétin" ? On peut le supposer. Et constater que Michel Onfray ne commence pas seulement à aimer emprunter les idées d’Alain de Benoist, il use désormais des mêmes armes médiatiques qu’Eric Zemmour. Rien de telle qu’une grosse provocation pour passer dans le poste.

Le plus étonnant, c'est que la machine Onfray rencontre un certain succès. Les fanatiques du philosophe se reconnaissent à ce qu’ils ne sont pas dérangés par le vocabulaire de leur idole, qui souvent trahit le populiste de granit sous l’intellectuel en carton.

Les fans d’Onfray lui passent tout. Qu’il traite le Premier ministre de crétin ? C’est normal. Qu’il s’en prenne à Fleur Pellerin en rappelant le malhonnête procès qui lui est fait au sujet de sa lecture de Modiano ? C’est logique. Qu’il dénonce "les fameux conseillers en communication qui ont dû lui fabriquer une petite fiche" [à Valls : NDLR] les traitant au passage de "petits gominés trentenaires" ? Naturel.

Les gominés trentenaires de Valls

La philosophie politique à la Onfray, c’est le populisme et l’ignorance de la réalité des choses publiques, le tout construit sur la répétition de clichés identiques à ceux répandus par le FN, en substance : Manuel Valls ne fait pas de la politique, mais répète des éléments de langage fabriqués par des conseillers en communication, nécessairement "gominés trentenaires".

Onfray a beau reprendre la formule attribuée à Raymond Aron, qui refusait le clivage gauche/droite de peur d’être "hémiplégique", sa vision de l’exercice du pouvoir par la gauche, prise en otage par des conseillers en communication manipulateurs venus du 7e arrondissement de Paris est celle du Front national. Comment s’étonner dès lors, qu’il recueille la bénédiction de Florian Philippot ? Populistes d'extrême droite et d'extrême gauche, unissez-vous !

Si l’on remonte à l’origine de la querelle, on trouve cette formule, assumée et revendiquée par Michel Onfray : "Je préfère une analyse juste d’Alain de Benoist à une analyse injuste de Minc, Attali ou BHL et que je préférais une analyse qui me paraisse juste de BHL à une analyse que je trouverais injuste d’Alain de Benoist". Manuel Valls y voit une confusion intellectuelle révélatrice de la perte des repères. Comment lui donner tort quand on connait la vie et l’œuvre d’Alain de Benoist, théoricien de l’ethno-différencialisme, cette élégante façon d’être racialiste, voire raciste, pour certains de ceux qui aiment à s’en réclamer ?

Le piège dialectique d'Onfray

La force d’Onfray, c’est d’enfermer Manuel Valls dans un piège dialectique destiné à duper les esprits simples et faibles. "Moi qui suis de gauche,  je préférais une idée juste, fut-elle de droite, à une idée fausse même si elle est de gauche, surtout si elle est de gauche", déclare le philosophe en riposte au chef du gouvernement.

En apparence, le raisonnement de notre Aron populiste est imparable, de bon sens et aisément accessible, notamment pour les électeurs du Front national. Mais en réalité il révèle la tragédie Onfray, celle d’une trahison : un homme qui se dit "de gauche" ne peut partager de bonne foi une idée d’Alain de Benoist. Pas une seule. C’est impossible, sauf à changer de rive.

Associer la figure de l’intellectuel de droite au seul Alain de Benoist, avec pour seul objectif d’en faire le symétrique, à gauche, de Bernard-Henri Lévy, c’est tomber dans ce qu'il faut bien nommer une certaine forme de malhonnêteté intellectuelle. La ficelle est un peu grosse, mais les admirateurs de Michel Onfray se refusent à la voir.

Comme il est triste d’entendre, sur France Inter, celui qui se prétend encore un "homme de gauche" estimer que sur des sujets aussi déterminants que l’Europe ethno-différencialiste vue par le GRECE et Poutine et sa vision d’un empire eurasien, Alain de Benoist a raison.

Onfray a beau jouer les raisonneurs, le fait est que l’on ne peut être de gauche et concéder la moindre justesse aux analyses d’Alain de Benoist puisque qu’elles reposent toutes, sans exception, sur la vision d’une humanité destinée à vivre en communautés séparées ou condamnées à se faire la guerre si contraintes de cohabiter dans le même espace. Soit la vision exactement contraire de l’aspiration à l’universalité propre à la gauche.

Une trajectoire dérivante

Il faut constater, pour le déplorer, que Michel Onfray poursuit sa trajectoire dérivante d’une sorte d'athée stupide, qui ne croit plus en rien, ni personne et surtout méprise par principe les idées des autres, politiques, religieuses ou sociales.

Onfray n’est ni Mélenchon, ni Valls, mais il est Alain de Benoist. Il s'est érigé en philo-populiste vengeur qui veut détruire (entre autres cibles) Freud, BHL et l’école publique émancipatrice bâtie sur l’héritage de Jaurès.

Onfray est l'un des symptômes des multiples fractures qui s'opère à gauche, des pans entiers de celle-ci se tournant de nouveau, pour des raisons diverses et variées, parfois antagonistes, vers des conceptions extrémistes qui trouvent écho à l'extrême droite, ou permettent à celle-ci de prospérer.

La trahison des pas clairs

Avec le soutien de Philippot contre Valls, Onfray récolte le fruit empoisonné de ses dernières interventions publiques : "Comment s'appelle un régime où un 1er ministre cloue au pilori un intellectuel, M.Onfray, sous prétexte qu'il 'pense mal' ?", décrète le vice président du FN sur le réseau social Twitter. Juste récompense ? A la place de l'homme de gauche que prétend être le philosophe, on s'inquiéterait. Et on prendrait ses distances.

En 1927, Julien Benda avait publié un essai pour dénoncer le vertige des intellectuels saisis par la politique, "La Trahison des clercs". Il leur recommandait de s’abstenir de toute intervention inutile et néfaste dans la vie publique et de se contenter de tenter de penser le bien, le beau et le juste plutôt que de prôner, tel le Onfray aujourd'hui, le retour à des valeurs réactionnaires d'ordre sur fond de nationalisme mortifère.

En 2015, contemplant Onfray, entre Alain de Benoist et Florian Philippot, on se demande si le temps n'est pas venu d'écrire "La Trahison des pas clairs". Parce que politiquement, Michel Onfray est vraiment devenu un type pas très clair. Un type entre deux couleurs, qui toutes deux évoquent l'automne de la pensée.

 

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