Statues à l’antique sur la façade, fresque de Gustav Klimt à l’étage : le palais Sturany est l’un des fleurons de la Ringstrasse, les Champs-Elysées viennois. Il est aussi, depuis des mois, une source d’embarras pour le gouvernement autrichien, et le cadre d’un feuilleton politico-diplomatique sous le signe de la liberté religieuse, question sensible entre toutes dans le monde musulman.
Le palais abrite en effet le centre Roi-Abdallah pour le dialogue interreligieux et culturel (Kaiciid), ouvert en octobre 2012 par l’Autriche et l’Espagne, avec la bénédiction du Saint-Siège et le statut privilégié d’une organisation internationale. Mais dès sa naissance, il a suscité la controverse, en raison du rôle dominant qu’y joue le troisième Etat fondateur, l’Arabie saoudite, connue pour sa conception rigoriste de l’islam.
Chaque vendredi, depuis le 9 janvier, les Verts autrichiens organisent devant sa porte une manifestation de soutien à Raïf Badaoui. Ce jeune blogueur saoudien a été condamné en mai 2014 à 10 ans de prison et mille coups de fouet, pour avoir prôné la séparation du politique et du religieux. Son avocat, Oualid Abou Al-Khair, s’est vu infliger une peine de 15 ans de prison, pour offense à la religion et au tribunal.
Une « feuille de vigne »
« Bien sûr, nous sommes pour le dialogue interreligieux », assure Alev Korun, porte-parole du parti écologiste sur les droits de l’homme. Mais, pour cette parlementaire d’origine turque, l’institution viennoise n’est qu’une « feuille de vigne », destinée à cacher l’absence de liberté religieuse sous le régime wahhabite, qui refuse de reconnaître même les autres courants de l’islam, tels que le chiisme.
Les Verts étaient hostiles dès le départ à ce projet, soutenu avec enthousiasme, il y a trois ans, par la coalition entre la gauche et la droite au pouvoir à Vienne. La paternité en revient au roi Abdallah, premier monarque saoudien à rendre visite au pape, en 2007. Le Vatican l’a appuyé, dans l’espoir d’obtenir un jour le droit à des lieux de culte pour les nombreux chrétiens immigrés dans la péninsule Arabique. Mais à la lumière des exactions de l’Etat islamique (EI) au Proche-Orient et de l’affaire Badaoui, les critiques se sont faites toujours plus bruyantes.
« A quoi sert un dialogue où tous les participants sont d’emblée d’accord ?, argumente le porte-parole du Kaiciid, Peter Kaiser. C’est un long processus, de construire des ponts. » Lui et ses collaborateurs s’évertuent à démontrer l’utilité du Kaiciid, qui vient de lancer un programme de formation dans une quinzaine de pays, surtout d’Asie et d’Afrique, grâce à un coquet budget annuel de 17 millions d’euros.
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