Partager
Politique

Front national : le triple calcul pas forcément gagnant de Manuel Valls

Le Premier ministre est devenu en ce début d'année l'homme des alertes rouges. Au point que certains le disent en état de panique et d'autres excessif.
réagir
Manuel Valls
Manuel Valls a annoncé une série de mesures pour lutter contre la ghettoïsation.
KENZO TRIBOUILLARD/AFP

Jour après jour, semaine après semaine, Manuel Valls enfonce le clou de déclarations plus fracassantes les unes que les autres. Après l'appartheid français et l'islamo-fascisme, voici le tocsin avec cette phrase lancée dimanche matin sur Europe 1 : "J'ai peur pour mon pays, j'ai peur qu'il se fracasse contre le FN". Et de fixer lui-même l'échéance de cette menace : "Ne pensez-vous pas qu'un Front national qui fait 25% aux européennes, peut-être 30% aux départementales, et ainsi de suite, ne peut pas gagner l'élection présidentielle ? Pas en 2022, pas en 2027, mais en 2017".

Le Premier ministre est devenu en ce début d'année l'homme des alertes rouges. Au point que certains le disent en état de panique et d'autres excessif. A son crédit, on mettra qu'il est à la fois constant et cohérent. Sur tous ces dossiers, il tient le même langage depuis longtemps. Il ne fait que reprendre ou réchauffer d'anciens propos que sa fonction rendent désormais incandescents. Bref, son personnage ne cède pas à de nouveaux excès. C'est du Valls tel qu'en lui-même. Pas de panique non plus : les images de sa déclaration parlent d'elles-mêmes. Les mots sont prononcés sans précipitation et si clairement qu'ils semblent avoir été longuement préparés. Dans cet assaut contre l'extrême droite, le chef du gouvernement, de toute évidence, n'improvise rien. Tout, en fait, est calculé. Nul ne peut dire encore si cette stratégie sera gagnante mais elle obéit aux objectifs que Manuel Valls s'est fixés.

Premier combattant de la lutte contre le FN

Au delà des convictions, cette attitude est d'abord tactique. Premier combattant de la lutte contre le FN, le chef du gouvernement se met à l'abri de tous les assauts qui viennent de sa gauche au sein du Parti socialiste. Les frondeurs n'ont d'autre choix que de le suivre. Certes, ils ne sont pas muselés mais au moins entravés dans leurs critiques. Dans la perpective du Congrès socialiste qui se tiendra à Poitiers au début du mois de juin, Manuel Valls prépare son armure. L'anti-fascisme sera sa marque, bien utile au fond pour se protéger quand il cherchera à faire avaler au PS sa ligne économique et sociale plus réformiste que socialiste.

Le Premier ministre, ensuite, fait un calcul électoral. Il a pu constater, y compris début février lors de l'élection partielle du Doubs, que l'électorat socialiste ne se levait plus en masse pour faire barrage au Front national. La perpective d'une victoire du FN ne déclenche plus de mobilisation spontanée à gauche. Comme si des réflexes avaient disparu. C'est, sans doute, ce constat qui préoccupe le plus Manuel Valls. Si ce phénomène, en effet, se vérifiait, le pire serait possible, dès 2017, dans une présidentielle qui se gagnerait par défaut, c'est-à-dire sans engouement pour un candidat de droite ou de gauche.

Bipolariser le débat

Enfin, Manuel Valls joue son va-tout pour les élections départementales, reprenant une figure politique utilisée par le PS depuis trente ans : il bipolarise le débat entre les socialistes et le FN et pense que son parti en tirera profit dans les urnes comme par le passé.

La manœuvre est ample mais rien ne garantit son succès. Si le FN n'est plus un repoussoir, l'installer au centre de la campagne des départementales ne peut que le renforcer. Ce que démontrent d'ailleurs ses scores dans les derniers sondages. Faire peur et donner des leçons de morale n'est pas non plus d'une efficacité garantie : on peut y recourir quand on obtient soi-même des résultats probants et qu'on est irréprochable. Plus préoccupant encore pour la gauche : non seulement cette stratégie, toujours selon les sondages, ne nuit pas au FN mais elle crédibilise Nicolas Sarkozy dans sa dénonciation du FNPS. La droite UMP-UDI, qui patinait, semble d'ailleurs reprendre des couleurs dans les sondages.

Le double choix de Manuel Valls de s'engager à fond dans la campagne des départementales et de faire de la lutte contre le FN sont objectif central le rendront, en tout cas, comptable des résultats. Mais avait-il vraiment le choix? S'il ne s'était occupé que de gouverner en se tenant à distance de ce scrutin départemental, on l'aurait accusé de dérobade. S'il échoue dans son pari, il pourra toujours plaider qu'il n'a pas ménagé sa peine.

Par Denis Jeambar, éditorialiste invité

Commenter Commenter

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite TOUT savoir de l’actualité et je veux recevoir chaque alerte

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Entreprise
Politique
Économie
Automobile
Monde
Je ne souhaite plus recevoir de notifications