Turquie : la révolte des femmes contre un sexisme d'Etat

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Reportage de Jérôme Bastion, correspondant à Istanbul, Turquie

Yasemin :

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Cette année a été une année record en matière de meurtres de femmes. Tout le monde a en mémoire l’assassinat de Özgecan, mais au-delà de son cas, les statistiques montrent bien, jour après jour, la multiplication de ces violences. On peut prévenir cette situation et surtout les mesures fascisantes du gouvernement.__

Une journée des Droits des femmes marquée par une mobilisation particulièrement forte, en Turquie cette année. Parce que l'opinion publique a été choquée - au point de réclamer parfois le retour de la peine de mort pour leurs auteurs - par l'assassinat d'une étudiante de Mersin (côte Méditerranéenne, sud) après une tentative de viol, le mois dernier. Les activistes (féministes) dénoncent l'incapacité du gouvernement à enrayer le phénomène, mais plus encore un discours discriminant, largement inspiré par la religion

Berlin, Allemagne. 15 février 2015, bougies autour du portrait d'Özgecan Aslan, étudiante de 20 ans violée et tuée en Turquie.
Berlin, Allemagne. 15 février 2015, bougies autour du portrait d'Özgecan Aslan, étudiante de 20 ans violée et tuée en Turquie.
© Florian Boillot/Demotix/Corbis

C’était le 13 février, on venait de retrouver le corps de la jeune Özgecan, disparue depuis 48 heures. La nouvelle de sa mort a fait la ‘une’ des informations télévisées et la majorité des journalistes avaient décidé de porter le deuil à l’écran. Parmi eux, Güler Yildiz, de la chaîne IMC-tv.

Güler Yildiz, de la chaîne IMC-tv :

Après le meurtre de Özgecan, on a senti le besoin de dire notre révolte. Sur les réseaux sociaux, on s’est coordonné pour s’habiller tous en noir, je crois que la plupart des animateurs et des présentateurs de télé ont suivi la consigne parce que, vraiment, la manière dont elle avait été tuée était révoltante.__

La jeune femme avait en effet été poignardée, achevée à coup de cric, découpée en morceaux puis brûlée par le chauffeur du bus qui la ramenait à la maison. Immédiatement, dans tout le pays, les femmes sont descendues dans la rue pour crier leur colère.

Yagmur :

Nous sommes ici contre la violence masculine, contre la violence de l’Etat. Nous sommes ici pour que soient punies les violences contre les femmes. Chaque jour dans ce pays, trois à cinq femmes sont tuées. On voit bien que, depuis 14 ans que l’AKP est au pouvoir, la tendance est à l’augmentation de ces violences. Il est possible d’aller contre la politique sexiste du gouvernement, il est possible de changer cet état de fait en punissant vraiment les responsables de ces violences.__

Les statistiques officielles montrent qu’entre 2002, quand le parti de la Justice et du Développement d’inspiration islamiste de M. Erdogan est arrivé au pouvoir, et 2009, les meurtres de femmes ont augmenté de 1400%. Ce que l’avocate et militante des Droits des femmes Canan Arin explique aisément

Canan Arin, avocate et militante des Droits des femmes :

La politique du gouvernement, tout d’abord, est un facteur important dans cette situation, car ils affirment clairement ne pas croire en l’égalité homme-femme ; ils prennent des mesures de pure forme. Ensuite, avec l’élévation de leur niveau d’éducation depuis 1980, les femmes ont appris à mieux défendre leurs droits ; et cela, les hommes le tolèrent mal car ils sentent que leur suprématie est remise en cause.__

Le gouvernement a été forcé d’annoncer un plan d’action renforcé après ce drame, accès sur la sensibilisation et l’éducation, mais rien qui semble vraiment dissuasif puisque rien qu’au cours du week-end dernier, trois nouvelles victimes sont à déplorer.

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