Les réunions techniques entre les représentants des principaux créanciers de la Grèce et ceux du gouvernement Tsipras ont commencé mercredi 11 mars à partir de 14 heures à Bruxelles, dans un des bâtiments de la Commission européenne.
Devaient être présents, côté créanciers, Rishi Goyal pour le le Fonds monétaire international (FMI), Declan Costello, pour la Commission européenne, et Klaus Mazuch, pour la Banque centrale européenne (BCE), qui pourrait être prochainement remplacé par un collègue, Rasmus Rüffer, membre lui aussi de la BCE.
Ces trois chefs de mission sont en réalité les responsables de l’ex-« troïka », que l’on appelle désormais « institutions » à Bruxelles, pour ménager les susceptibilités grecques.
Devaient aussi participer aux discussions des représentants du Mécanisme européen de stabilité (MES), le principal créancier de la Grèce (environ 40 % de la dette grecque).
Côté grec, le secrétaire général chargé de la politique budgétaire, Nikos Theocharakis, devait mener la délégation, accompagné de collaborateurs du vice-premier ministre, Yiannis Dragasakis, et d’Elena Panariti, collègue, elle, du ministre des finances, Yanis Varoufakis.
Selon une source européenne, les discussions pourraient ne durer que quelques heures, au plus tard se terminer le lendemain, jeudi 12 mars.
Car pour l’essentiel, il s’agirait surtout de discuter « procédure » : quels sont les sujets à aborder en premier ? De quelles données les experts des créanciers ont-ils besoin ? Qui peut les leur fournir ? Quels seront les interlocuteurs dans les prochaines semaines ?
Derrière ces différentes interrogations, la « vraie » question qui devait aussi être abordée mercredi, c’est de savoir dans quel état sont les caisses du gouvernement d’Alexis Tsipras : quasiment vides ? Est-il vrai que le pays pourrait manquer de liquidités dès avril ?
« Pas assez de données concrètes »
« Les membres des institutions n’ont pas rencontré officiellement les responsables grecs depuis décembre 2014. Ils ne disposent d’aucune donnée concrète sur l’état des finances du pays », affirme une autre source européenne.
A ce stade, c’est le plus grand flou côté créanciers. « Nous n’avons pas assez de données concrètes, nous ne savons pas si la Grèce dégage un surplus primaire. Ou de combien de liquidités ses administrations disposent », expliquait ainsi une source européenne haut placée lors de la dernière réunion de l’Eurogroupe, lundi 9 mars.
Tant que cette « photographie » des finances grecques pour les trois à quatre mois qui viennent n’est pas établie, impossible de se mettre sérieusement à négocier un quelconque plan de réformes avec le gouvernement Tsipras.
Or, c’est uniquement si cette négociation est menée à son terme que la Grèce recevra les quelque 7,2 milliards d’euros de prêts qui restent encore à libérer dans le cadre du deuxième plan d’aide au pays.
La « troïka » sans relais à Athènes
Une autre source européenne assure, mercredi, que les créanciers ne disposent d’aucun relais à Athènes, qui puisse renseigner très précisément les créanciers sur l’état financier du pays.
La Commission européenne a bien une représentation sur place avec des membres de la « troïka », mais ils n’auraient pas accès directement aux données des ministères.
Quant à la BCE, sa vision concerne essentiellement les flux des dépôts dans les banques grecques. Pour le tout début du mois de mars, elle n’a pas relevé de tendance générale, ni de situation trop alarmante : certains jours, les dépôts ont augmenté, d’autres, au contraire, ils ont baissé.
Or, Athènes fait face à des échéances importantes : quelque 6 milliards d’euros d’emprunts doivent être remboursés par l’Etat sur le seul mois de mars.
Les recettes fiscales ont fortement diminué ces derniers mois : selon des chiffres publiés la semaine dernière dans la presse grecque, elles auraient chuté de 17 % en janvier.
Vérifier sur place les comptes grecs
Le ministre des finances grec, Yanis Varoufakis, a assuré qu’il avait de quoi payer retraites et salaires, mais il a laissé ouvert la perspective de ne pas payer d’autres obligations, comme certaines factures à des fournisseurs ou des retours sur impôts. Et le gouvernement appelle les hommes politiques grecs comme l’ensemble des citoyens à rapatrier leur argent en Grèce.
Aujourd’hui, le gouvernement d’Alexis Tsipras indique qu’il peut communiquer lui-même ces les données relatives aux finances grecques aux experts des « institutions ». Le président du Bureau des conseillers économiques du gouvernement grec, le professeur Giorgos Chouliarakis, était ainsi à Athènes, mardi 10 mars, pour coordonner la récolte des données financières réclamées par les créanciers.
Ces derniers, pour leur part, insistent toutefois pour déléguer des représentants à Athènes afin de pouvoir vérifier sur place les comptes grecs. Impossible de se faire une idée précise d’ici, sans rencontrer, sur le terrain, des responsables dans les différentes administrations grecques, répète-t-on à Bruxelles depuis quelques jours.
« Des représentants des institutions viendront en support de la mission technique à Bruxelles », a confirmé la Commission européenne, mercredi, sans préciser cependant quand. La presse grecque parlait de jeudi 12 mars.
Deux milliards pris dans le fonds de la Sécu ?
Pour « boucler » ses fins de mois, le gouvernement de M. Tsipras pourrait aller piocher dans les fonds des organismes de Sécurité sociale et transférer vers le Fonds commun de la banque centrale grecque (FC-BCG) une partie de ces liquidités.
Près de 2 milliards d’euros seraient ainsi visés, alors que le FC-BCG gère aujourd’hui près de 8 milliards d’euros de liquidités.
Reste que les dirigeants de ces organismes sont peu disposés à autoriser ces transferts de leurs liquidités bancaires vers le Fonds commun. Ils sont notamment échaudés par l’expérience de la décote de dette privée grecque (PSI), en avril 2012, au cours de laquelle ils ont perdu pas mal d’argent.
Démission à la tête de l’Agence pour l’emploi
Théodoros Ambatzoglou, le gouverneur de l’Agence nationale grecque pour l’emploi (OAED), a d’ailleurs démissionné, lundi 9 mars, notamment parce qu’il refusait de transférer 130 millions d’euros vers le Fonds commun de la BCG.
La nouvelle responsable de l’OAED, Maria Karamessini s’est, quant à elle, prononcée, dès mercredi 11 mars, en faveur d’une telle opération. OAED pourrait transférer au Fonds commun une partie de ses liquidités bancaires (non pas de ses réserves) sous la forme de bonds d’une validité comprise entre cinq et dix-sept mois à un taux d’intérêt de 2 %.
Le transfert à l’Etat grec de 555 millions d’euros, issus du Fonds grec de stabilisation financière, a, par ailleurs, été validé mardi, après un long week-end de négociations entre le gouvernement grec et le Mécanisme européen de stabilité (MES). Ce fonds, doté de 50 milliards d’euros au total, est destiné à recapitaliser les banques. Il a notamment été utilisé en 2012 pour renflouer les principaux établissements financiers du pays.
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