Partager
Économie

Ce que François Hollande compte faire d'ici 2017

EXCLUSIF Valls et Macron, Front national et élections départementales, croissance et déclinisme… Le chef de l’Etat fait le point sur les dossiers chauds. Entretien exclusif à l’Elysée.
8 réactions
424 Evt Entretien Hollande
François Hollande, à l'Elysée.
AFP

Pas le moindre signe de faiblesse. Pas le plus petit indice de fléchissement qui risquerait d’être assimilé à un recul, et même à un reniement. François Hollande est sur le mode combattant. En tête à tête, le président n’arbore pas le masque du gentillet ni du mollasson qui a pu berner tant de ses ennemis l’affublant sottement du sobriquet de Guimauve le Conquérant ou, plus récemment encore, de Mollhande.

Le blagueur a pris les mots et la résolution du guerrier, le plaisir aussi qu’il a toujours ressenti dans la bataille. "Je me battrai", martèle-t-il à plusieurs reprises avec des yeux de flamme, un visage d’ordinaire rond et qui se fait lame. La guerre est déclarée… dans tant d’endroits du monde d’abord, mais aussi chez nous. Contre le terrorisme, contre le chômage, mais aussi contre le Front national et contre ceux qui, dans son camp, voudraient le pousser au renoncement, parient sur la défaite aux élections départementales de mars 2015.

Sans doute faut-il le calme du palais de l’Elysée, cette sérénité souveraine pour affronter tous ces conflits. Pas un bruit. Pas un éclat de voix. On chuchote si bas qu’on croirait à une conversation entre les six orchidées blanches qui font couronne sur la table royale. Pour mener ce combat, François Hollande dispose d’une arme que beaucoup de ses ennemis lui envient. La même dont disposait Jacques Chirac avec qui il a tant échangé : l’optimisme. Passons sur l’heureux tempérament. Il s’agit d’hygiène du combattant qui jamais n’évoque la défaite, de peur de la provoquer. "Ce sera dur, mais on se bat… les indicateurs économiques qui passent au vert, le moral des ménages et des entrepreneurs qui s’améliore, le pays qui se redresse."

L’"énergie précieuse" de Valls

Cet optimisme chevillé à l’âme ne l’empêche pas de voir que les élections départementales seront "difficiles, plus difficiles encore si l’on ne livre pas bataille". Mais ceux qui à gauche attendent un échec, voire une déroute, prélude à un changement de cap pour le pousser à "l’abjuration du social-libéralisme", sont dans l’illusion totale. "Il n’y aura pas de changement, ni de ligne ni de Premier ministre", s’engage-t-il. Il faut tenir jusqu’au bout. "Jusqu’à la victoire", veut-il croire. "Pourquoi changerais-je de ligne politique, alors qu’elle est claire, qu’elle commence à porter ses fruits ? Les Français ne le comprendraient pas !" Avis donc aux frondeurs, aux aubrystes, aux écologistes, "l’autre politique" n’est pas pour demain ni pour après-demain.

Il n’y aura pas non plus de changement de Premier ministre. "On travaille en confiance avec Valls. On se voit souvent. Je ne doute pas de sa loyauté." Mais le gap de popularité en sa défaveur ? "Sa popularité me protège et me protégera", assure l’impopulaire. Certes, il concède différer sur certaines expressions : "L’apartheid de certains quartiers", "Le fascislamisme…" ne sont pas des termes dans lesquels il se reconnaît.

Mais "l’énergie précieuse de Valls, son sens de l’animation" sont indissociables d’un ton, d’un fracas qui vont avec ces temps de guerre. Tout juste regrette-t-il vraiment "mais c’est toujours le cas, qu’un Premier ministre fort s’accompagne de trop de ministres faibles". Au rang des faiblards, il ne place évidemment ni Ségolène Royal, qu’il encense, ni Jean-Yves Le Drian, ni encore Bernard Cazeneuve, qu’il loue. Ni même Emmanuel Macron, qui conserve toutes ses faveurs affectueuses, quasi paternelles.

Macron ? "Imaginatif, gentil"

Certes, le président ignore encore si le ministre de l’Economie "fera de la politique un jour", mais il en parle avec sentiment. Dans un monde de brutes, "Macron, c’est un type gentil, gai, qui n’a pas mauvais esprit ni une ambition dérangeante. Avec lui, c’est l’harmonie, politique et personnelle : c’est un imaginatif qui a été capable de réfléchir après avoir quitté l’Elysée [où il était secrétaire général adjoint de la présidence de la République]. J’avais hésité à le nommer précédemment. Je craignais que cela pose problème avec Arnaud Montebourg. J’ai attendu, j’ai bien fait…" N’allez pas imaginer cependant un instant que Macron lui dicte sa politique, pas davantage Valls.

Mais il lui faudrait d’autres personnalités qui s’imposent, et qui rejoignent le gouvernement, pourquoi pas. Car s’il n’y aura pas de changement de Premier ministre, il peut y avoir un réajustement ministériel ! "Il faut bien en effet pour partir au combat avoir une majorité élargie plutôt que rétrécie." Ça paraît évident mais c’est ardu à réaliser, car il n’est pas question donc d’ouvrir les vannes de la dépense comme le souhaitent frondeurs et écologistes. Pas de grandes réformes sociales symboliques non plus. Des améliorations sans doute seront apportées pour les classes moyennes qui seront moins imposées.

Les classes populaires devront être les premières à bénéficier des créations d’emplois. Des "marqueurs de gauche" seront soulignés… Le tiers payant… Les personnes dépendantes… La fin de vie… Des gestes seront faits. Mais pas question d’aggraver les déficits ni d’alourdir les charges des entreprises pour redistribuer davantage de pouvoir d’achat. Les fruits d’une politique rigoureuse seront équitablement redistribués, mais il faudra attendre qu’ils viennent à terme. L’élargissement de la majorité ne pourra, "ne devra se faire que sur cette exigence impérieuse du combat contre le Front national".

"Cécile Duflot est intelligente, elle comprendra", assure le chef de l’Etat, qui a conservé des liens avec elle. La leader écologiste "fait certes une fixation sur Valls", reconnaît le président, mais elle réalisera que la poussée de l’extrême droite oblige au rassemblement salvateur. Ça, c’est le pari de la raison. Et puis il y a le risque du pire. "On peut empêcher quelqu’un de se suicider trois fois, quatre fois, regrette-t-il. Mais la cinquième fois, peut-on encore le retenir ?" Après tout, le suicide collectif arrive, et pas que chez les baleines, en politique aussi.

"Ce sera un long combat"

L’instant d’abattement chez François Hollande est vite passé. "Même si nous parvenons à gagner la bataille contre le chômage, et je me battrai de toutes mes forces, il resterait un défi à vaincre d’une autre ampleur : sortir le pays de son déclinisme, de son doute, de son malheur de lui-même." Il a fallu quelques mois à l’Elysée pour qu’il prenne toute la mesure de "ce sentiment de déclassement qui frappe et handicape le pays, comme les Français. Le déclinisme est une tendance lourde, qui remonte même à la fin de Napoléon". Il y a eu des intermèdes glorieux certes, comme avec Charles de Gaulle, mais avec les défaites, les décolonisations, les déceptions de l’Europe puis les crises économiques, "l’idée de déclin, la peur de l’autre et de l’islam maintenant, les replis se sont aggravés. C’est de tout cela dont profite le Front national".

"Ce sera un long combat." Car le mal est profond, et chacun devra assumer sa responsabilité historique. La sienne, sans doute première, c’est d’œuvrer à "réincarner la communauté nationale, la renforcer, rendre à chacun son sentiment d’appartenance". Encore faudra-t-il, ajoute-t-il, "que la gauche évite la dispersion et la droite l’aspiration FN de ses électeurs". Sur la gauche, François Hollande a davantage de prérogatives, et il les exerce. La nuit surtout, un peu comme Pénélope, mais pas seulement. Il reçoit beaucoup. A tous, le président passe l’identique message : "Nous devons nous rassembler face à l’adversité et la tragédie qui menace le pays, car le FN est en situation d’accéder au pouvoir." Il le réitère une dernière fois : "Il faut l’élargissement, mais pas au détriment de la ligne politique."

Une dernière fois, car la fin de l’entretien a sonné. A deux reprises déjà, l’huissier est venu. D’autres rencontres sont à préparer. Comme la visite des usines Dassault à Mérignac après la vente des Rafale à l’Egypte, prévue le lendemain. Préparation parfaite, contrairement à d’autres auparavant : Serge Dassault, patron également du Figaro, demandera à embrasser ce président de gauche ! Longue accolade, puis avec le fils, Olivier. Effusion elle aussi acceptée. A la guerre comme à la guerre…

Retrouvez le dossier complet dans Challenges en cliquant ici

8 réactions 8 réactions

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite TOUT savoir de l’actualité et je veux recevoir chaque alerte

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Entreprise
Politique
Économie
Automobile
Monde
Je ne souhaite plus recevoir de notifications