
Ni champagne ni gueule de bois. Dimanche 22 mars, il n’y aura pas de suspense pour les militants socialistes de Saint-Lubin-des-Joncherets. La débâcle annoncée au niveau national a déjà eu lieu dans ce canton d’Eure-et-Loir. Comme dans trois autres des 15 cantons du département, le Parti socialiste n’y présente aucun candidat. « Ce n’est pas qu’il n’y a pas de gauche, il y a des militants », positive-t-on au standard de la permanence fédérale du PS.
Pourtant, personne n’a voulu « y aller » parmi les militants de la ville qui a donné son nom au canton. Patrick Coffinet, cinq mandats de conseiller municipal à son actif, pensait « sincèrement qu’il y aurait une liste, surtout avec la réunion des quatre anciens cantons » qui forment le nouveau. Mais pas lui. « Pas cette fois. » Geneviève Nespoulous, elle, se sentait « trop vieille ». Difficile de le lui reprocher, à 84 ans. « On a donné pas mal, déjà », soupire-t-elle. Et il n’y a pas de jeunes pour prendre la relève. C’est peut-être le seul regret commun aux deux militants. « Maintenant, admet l’octogénaire, on est bien embêtés. »
« C’est quand même triste »
Mais le désert n’est pas que socialiste, insiste Jean-Jacques Châtel, premier secrétaire fédéral du parti : « Les autres partis de gauche n’ont pas trouvé non plus. » Le canton de Saint-Lubin-des-Joncherets, plus de 33 000 habitants, est l’un des deux d’Eure-et-Loir où la gauche est complètement absente, dès le premier tour, pour n’avoir pas réussi à réunir deux candidats et deux suppléants.
Mais après tout, le canton était déjà perdu, justifie M. Châtel, pour qui ce vide est « regrettable, mais pas handicapant » pour gagner le département. Pour le maire socialiste de Mainvilliers, huit cantons restent accrochables pour la gauche. Sacrifier une bataille pour pouvoir gagner la guerre ? La perche était trop belle pour le binôme FN, qui représente la seule alternative à la majorité en place. Et la candidate frontiste, Pascale Van der Bauvede, l’attrape : « Les électeurs de gauche ont été abandonnés dans ce canton, on leur dit quand on les croise. »
« C’est quand même triste », soupire Geneviève Nespoulous. D’autant que la gauche était bien implantée, « avant ». Elle est bien placée pour le savoir, puisque c’est son mari, décédé en 1992, qui a tenu la mairie pendant plus de trente ans. Cette année, ce sera la première fois qu’elle ne tractera pas. Mais alors, c’est quoi, être un militant de gauche sans candidat ? « Un état d’esprit », répond Mme Nespoulous, du tac au tac. Celui du front républicain ? Pas certain.
Au niveau fédéral, l’instruction est de « faire barrage à tous les candidats non républicains », répète M. Châtel qui tient tout de même à dire que le vote FN est loin d’être une découverte dans l’Eure-et-Loir. Ici, l’extrême droite rappelle de mauvais souvenirs à la gauche. Celui de 1983, où FN et RPR avaient fait alliance et ravi la mairie de Dreux aux socialistes. Puis celui du retrait de la gauche aux municipales de 1996, pourtant qualifiée au second tour. Un retrait amer et sans consigne, mais dans le but de faire barrage au FN, au profit de celui qui est toujours maire de Dreux, Gérard Hamel. Alors Patrick Coffinet n’a « pas de leçon de front républicain à recevoir ». Parce que « nous, ici, on l’a fait ».
« En son âme et conscience »
Le militant fidèle au PS depuis 1978 participera à la réunion prévue vendredi 13 mars avec l’ensemble des sympathisants de gauche du canton. « Pour expliquer pourquoi il n’y a pas de candidats », mais aussi pour décider d’une position commune. Geneviève Nespoulous aussi y sera. « On va voir combien il reste de gens de gauche », blague celle qui garde précieusement un plat en inox offert par Pierre Mendès France à son mariage.
Au-delà des instructions de parti, chacun décidera, seul dans l’isoloir. M. Coffinet votera « en [son] âme et conscience. Mais de là à vous dire pour qui »… Pour Mme Nespoulous, « cela ne va pas être simple ». Malgré tout, elle finira sûrement par opter pour le bulletin divers droite sur lequel apparaît Gérard Sourisseau, le maire de Saint-Lubin-des-Joncherets où elle réside. « Je n’ai pas grand-chose à lui reprocher finalement. A part d’être de droite. »
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