Un hélicoptère Puma atterrit près de légionnaires français le 17 mars 2013 dans les les montages des Ifoghas au Mali. Photo d'illustration

Un hélicoptère Puma atterrit près de légionnaires français le 17 mars 2013 dans les les montages des Ifoghas au Mali. Photo d'illustration

afp.com/Kenzo Tribouillard

"Nous sommes 28 Etats au sein de l'Union européenne, mais combien sommes-nous à prendre réellement part à la résolution des crises dans notre voisinage ?" La question posée ce mercredi par le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian n'a rien d'anodine à l'heure où le gouvernement voit le budget de ses opérations extérieures (opex) et de sécurité (Vigipirate) s'envoler. "Lorsque la France s'engage au Sahel, elle intervient au profit de la sécurité de tous les Européens", a-t-il notamment souligné. Le même jour, Pierre Moscovici a pu mesurer à quelle point il s'agit d'un sujet brûlant, tandis qu'il était auditionné par la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée.

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Interrogé sur la non prise en compte par Bruxelles des dépenses françaises en matière de Défense dans son estimation des efforts à accomplir, l'ex-ministre des Finances a botté en touche. Il a reconnu que le sujet n'était "pas sur la table" au sein de la Commission et indiqué que la solution viendrait "probablement" du chantier de "la Défense européenne" soulevé cette semaine par Jean-Claude Juncker. "Pas convenable", "désespérant", "inacceptable". Qu'ils soient de droite ou de gauche, les (rares) députés à avoir pris part à son audition, ont peu goûté sa réponse. Un peu plus tôt dans la journée Jean-Yves Le Drian avait d'ailleurs balayé l'appel du Président Juncker à créer une armée européenne, la qualifiant de "perspective lointaine".

A (re)lire: La défense européenne, c'est la France

Le sujet monte depuis des mois et avec une vigueur nouvelle alors que Bruxelles a encore accentué la pression sur la France, tout en lui accordant un nouveau délai de deux ans pour mettre son déficit public en conformité avec la règle des 3%. De l'Elysée aux bancs de l'Assemblée, on s'agace sérieusement de voir la France "mise à l'index" tandis qu'elle assume à elle seul "l'essentiel de l'effort de Défense européen", comme le souligne régulièrement Jean-Yves Le Drian. C'est notamment le cas s'agissant des opérations extérieures (Mali, Irak...).

Le coût des opérations extérieures françaises:

Ces fameuses "opex" auront coûté à la France l'an passé quelque 1,1 milliard d'euros. Soit plus du double des 450 millions initialement budgétés dans la loi de finance 2014. En 2015, comme chaque année depuis 15 ans, l'histoire devrait bégayer et les 450 nouveaux millions prévus être allègrement dépassés.

Or un milliard d'euros, c'est un quart de l'effort demandé à Paris par Bruxelles cette année, comme l'a justement fait remarquer le député UMP Axel Poniatowski. Bruxelles demande en effet à Bercy un effort global de 0,5 point de PIB contre les 0,3 qui figurent actuellement au Budget. Cette différence de 0,2%, ce sont 4 milliards d'euros supplémentaires à trouver pour le gouvernement. Dans ce contexte de recherche d'économies, le vice-président de la commission des Affaires étrangères juge qu'il n'est "pas convenable de laisser la France porter seule la lutte européenne contre le terrorisme".

Interrogé par L'Express, il va encore plus loin: "Le différentiel de dépenses en matière de défense entre la France et l'Allemagne, c'est près d'un point de PIB, soit 20 milliards d'euros. C'est ce qui nous sépare du respect du pacte de stabilité. Ce ne sont pas seulement les opex qu'il faudrait sortir du calcul du déficit, mais au minimum cette somme-là." Axel Poniatowski pointe au passage le blocage exercé par l'Allemagne sur ces questions. "La position d'Angela Merkel est irresponsable et incorrecte. Comment peut-on donner des leçons de bonne gestion à la France tout en ne prenant pas ses responsabilités sur les terrains où la sécurité Européenne est en jeu, comme le Sahel ou le Moyen-Orient? La France finira par obtenir gain de cause parce que le terrorisme va devenir un sujet incontournable. Mais ce gouvernement est trop mou pour faire valoir nos intérêts et Pierre Moscovici ne semble pas se battre comme il le devrait", estime le député du Val d'Oise.

Les dépenses militaires en points de PIB:

Pourtant, fin 2013 déjà, François Hollande appelait de ses voeux une participation financière de l'Union européenne aux opérations militaires françaises qui contribuent à "sécuriser l'ensemble du continent". Un appel resté lettre morte à ce jour. Et Axel Poniatowski le reconnaît lui-même, "c'était déjà un sujet lorsque nous étions aux affaires". Comprendre "sous Nicolas Sarkozy". Le sujet n'est manifestement pas près de retomber. La France voudrait placer les questions de défense au coeur du Conseil européen prévu en juin prochain, croit savoir Le Figaro ce jeudi. "Le fardeau de la sécurité de l'Europe n'est pas équitablement réparti", a pour sa part asséné Jean-Yves Le Drian ce mercredi en conférence de presse. Les pays de l'Otan se sont engagés à consacrer 2% de leur PIB à leur défense, a-t-il rappelé. "La plupart des Européens en sont très éloignés", a déploré le ministre. Il considère donc que la question de savoir s'il faut exclure les "opex" du calcul du déficit français comme un "débat légitime".

Beaucoup voudraient aujourd'hui aller encore plus loin. Exclure les opex est une chose. Voir ses voisins prendre leur part de la Défense européenne en est une autre. Et elle présente pour Paris un double intérêt. Cela allégerait d'autant l'effort concédé. Mais la France est aussi l'un des principaux exportateurs d'armes en Europe. Plus de dépenses militaires chez ses partenaires, ce sont, au moins potentiellement, des recettes supplémentaires et un impact non négligeable sur la balance commerciale française. Mais dans le contexte économique actuel, cette bataille là, est loin d'être gagnée.