Menu
Libération
Interview

«L'anorexie est un problème de santé publique»

Le député PS Olivier Véran souhaite que la loi interdise le recours aux mannequins trop maigres et l'apologie de l'anorexie. Pour lui, «il est temps d’agir».
par Cécile Bourgneuf
publié le 16 mars 2015 à 17h26

Olivier Véran, député PS de l'Isère et neurologue au CHU de Grenoble, a déposé ce lundi deux amendements au projet de loi santé interdisant le recours aux mannequins dénutris et l'apologie de l'anorexie. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, lui a apporté son soutien.

Comment lutter contre l’apologie de l’anorexie ?

Il faut pour cela créer un délit de provocation à la dénutrition, qui pourrait être passible d’un an de prison et 6 000 euros d’amende. Sur Internet d’abord : cela concerne tous les sites ou blog «pro ana», c’est à dire pro-anorexique où les personnes atteintes de cette maladie échangent des conseils pour mincir toujours plus, comme manger des boules de coton pour se couper l’appétit. Ces sites expliquent aux adolescentes de 12-13 ans qu’il faut avoir un écart de 15 centimètres entre les cuisses et les os bien visibles sous la peau pour être belle.

Cela ne vise pas les blogs de jeunes filles qui témoignent de leurs problèmes de santé, mais tous ceux qui valorisent l‘extrême maigreur. En dehors d’Internet, il faut viser tous ceux qui poussent à la dénutrition comme l’employeur d’un mannequin qui l’entraînerait dans la spirale de l’anorexie.

Vous proposez justement d’en finir avec l’extrême minceur des mannequins.

Oui. En France, il y a encore trop de mannequins recrutées pour des défilés alors qu’elles sont en état de dénutrition. Je souhaite donc interdire aux agences d’embaucher des mannequins dont l’Indice de masse corporelle (IMC) serait trop bas, dangereux. Cet IMC, lié au poids, à l’âge et à la taille, sera établi par la Haute autorité de santé. Les mannequins devront présenter un certificat médical avant une embauche et quelques semaines après. Les agences qui ne respectent pas cette réglementation pourraient se voir infliger une peine allant jusqu’à six mois d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Pourquoi ces amendements arrivent-ils si tard ?

En 2006, le décès d'Ana Caroline Reston, une jeune top brésilienne (qui ne pesait que 40 kilos pour 1,74 m) a provoqué une émotion mondiale. Plusieurs pays comme l'Italie, l'Espagne, la Belgique ou Israël ont donc pris des mesures interdisant l'embauche de mannequins en dessous d'un certain IMC fixé aux alentours de 18, par exemple en Italie. En France, l'ancienne ministre de la Santé Roselyne Bachelot avait signé en 2008 une charte dans laquelle la France s'engageait à mener une réflexion sur l'anorexie. Sept ans plus tard, il est donc temps d'agir. ll s'agit d'un problème de santé publique. 30 000 à 40 000 personnes souffrent d'anorexie en France. Dans 90% des cas, il s'agit d'adolescents.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique