Chaos dans le quartier chrétien de Lahore, attaqué par les Taliban

La scène de lynchage dans les rues du quartier chrétien. Au centre de la photo, les corps des deux victimes en feu. Photo postée sur Twitter par Safya77.

Youhanabad, le quartier chrétien de Lahore, a été frappé dimanche, à la sortie de la messe, par un double attentat-suicide mené par des extrémistes musulmans. Un acte immédiatement suivi de représailles : deux hommes suspectés d’être des membres du groupe terroriste ont été lynchés en pleine rue. Notre Observateur, fils de pasteur, est désemparé par cette spirale de violence.

Dix-sept personnes sont mortes dans les attaques. Lors de ces assauts, les plus meurtriers depuis 18 mois contre des chrétiens, deux églises ont été prises pour cible par des kamikazes.

"La foule était hors de contrôle, c’était terrifiant"

À 11 h 15, juste avant la sortie de la messe, on a attendu une première explosion, puis des cris stridents. C’était terrifiant, on s’est levé et en bas des gens pleuraient, hurlaient. Quelques minutes après, une seconde explosion a retenti. On s’est précipité dehors et on a découvert l’horreur. Des membres jonchaient le sol. Il y avait des cadavres partout. Et nous avons choisi de filmer au hasard ce qu’on voyait. 

 

Capture d'écran issue de la vidéo de notre Observateur, filmée juste après l'attaque.

On a appris par des témoins que les assaillants sont arrivés sur une moto. Le conducteur portait des explosifs et le second des armes à feu. Ce dernier a tiré en premier en direction de la porte fermée de l’église. Des fidèles sont sortis. Et à cet instant, le conducteur s’est approché pour se faire exploser, mais un garde lui a sauté dessus pour l'éloigner. C’était un adolescent de 16 ans, appelé Akach et que l’on connaissait ici. Depuis toujours, il répétait à ses parents qu’ils voulaient devenir gardien de sécurité pour protéger cette église. Il est mort avec le kamikaze dans l'explosion.

Pourtant, il y avait une sécurité renforcée déployée autour des lieux de culte, car c’était le jour du match du mondial de cricket Irlande-Pakistan. Mais les Taliban ont profité du fait que les policiers regardaient le match pour frapper. C’était vraiment organisé.

Cette matinée, une église du même quartier a été attaquée par un autre kamikaze. Quelques heures plus tard, des habitants se sont alors rassemblés spontanément dans les rues pour crier leur colère. Certains avaient fait le déplacement de villes voisines.

On est, nous aussi, allé protester mais l’atmosphère était tellement tendue qu’avec mes proches, on a rapidement décidé de s’éloigner de la foule. On a ensuite suivi les événements en direct sur une chaîne locale. C’est là qu’on a vu que deux hommes se faisaient lyncher par une foule en colère. Ils avaient été interpellés par la police alors qu’ils quittaient le quartier à moto et avaient été emmenés dans un van. Mais la foule, craignant qu’ils ne soient libérés, est allée les tirer hors de la camionnette. La police a essayé de résister mais ils étaient trop nombreux. Puis ils ont été brûlés. [Il n'a pas été possible d'établir si ces deux hommes avaient été tués avant d'être brûlés ou s'ils avaient été brûlés vifs, NDLR] Pour moi, la police est en partie responsable, ils ont voulu faire du zèle en arrêtant des gens pour calmer la foule mais ça a dérapé.

Les hommes étaient barbus et à moto. Ça a suffit aux gens pour en déduire qu’ils étaient du gang des Taliban. Il y avait énormément de jeunes, totalement hors de contrôle. C’était terrifiant. Le lendemain, une importante congrégation de chrétiens a voulu organiser sa propre manifestation. Cette fois, on a fait les choses comme il fallait.

 

Les manifestants très encadrés brandissaient des croix et des pancartes dénonçant les attaques terroristes à répétition contre la communauté chrétienne. Des heurts ont toutefois éclaté avec la police. Deux personnes sont par ailleurs décédées après avoir été renversées par une automobiliste paniquée en marge de la manifestation.

Les autorités du Pendjab, province dont Lahore est la capitale, ont annoncé une enquête pour identifier les personnes ayant participé au lynchage, filmé par une chaîne pakistanaise. Une des victimes a été identifiée comme Naeem Saleem, un vitrier qui venait de finir une intervention dans le quartier et dont la famille affirme qu’il n’est pas lié aux Taliban. Pour autant, la contre-attaque des terroristes ne s’est pas fait attendre.

Ce mardi, une autre église à Kasur a été attaquée. Des informations nous sont parvenues disant que c'était une vengeance après les lynchages. Dès que les barrages de police de notre quartier ont été levés, nous avons décidé de quitter notre quartier pour aller nous installer à 30 minutes d’ici. D’autres gens nous suivent. On a tous envie de partir qu’avant qu’autre chose de grave n’arrive.