Aude Selly, responsable RH au sein d'un équipementier sportif, a, pendant des années, rempli sans faillir les multiples missions qui lui étaient assignées. Mais il y a deux ans, elle a commencé à prendre des anxiolytiques pour calmer son angoisse de ne pas y arriver et pour retrouver un sommeil devenu capricieux.
Cela a marché un temps puis, progressivement, elle a ressenti le besoin d'augmenter elle-même les doses, sans plus de surveillance médicale. « J'étais devenue addictive à la sensation de me sentir moins angoissée, raconte-t-elle. Cela a duré plusieurs mois, jusqu'au jour où toutes les plaquettes ont été vides. »
Quelques semaines plus tard, c'est le burn-out, la tentative de suicide et l'hospitalisation, qu'elle a racontés dans son livre Quand le travail vous tue (Maxima, 128 p., 14,80 €).
Aude Selly n'est pas un cas isolé. Le phénomène prend de l'ampleur de façon alarmante, selon les médecins qui témoignent. « A partir des années 2000, ces pratiques de dopage se sont développées et répandues dans l'ensemble du monde du travail », écrit Michel Hautefeuille, psychiatre, auteur de Dopage et vie quotidienne (Payot, 2009).
DES CADRES INTERMÉDIAIRES PRIS EN TENAILLES
« Il existe deux grandes catégories de psychotropes : les stimulants et les apaisants, indique Philippe Rodet, médecin, fondateur du cabinet Bien-être et entreprise. Ils sont largement utilisés, souvent simultanément, pour faire face à un niveau de stress croissant. » Leur consommation a commencé à se banaliser lorsque les cadres ont cherché à augmenter leurs capacités de travail et de performance, comme l'ont fait certains sportifs, dans un contexte de compétition de plus en plus forte.
Peu de milieux professionnels sont épargnés, en termes de secteur comme de taille d'entreprise. « Les plus touchés sont ceux qui travaillent au sein de grandes entreprises et les dirigeants de PME », indique M. Rodet. Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre, responsable de consultations spécialisées en souffrance au travail, remarque, elle, une « aggravation de la situation depuis un an ou deux, très préoccupante ».
Elle constate une surreprésentation des cadres intermédiaires, pris en tenaille entre leurs responsables supérieurs directs et leurs collaborateurs, placés en porte à faux par rapport à leur propre système de valeurs. Les cadres des départements ressources humaines sont également touchés de plein fouet. Ainsi que les femmes, davantage sujettes aux troubles de l'anxiété et de la dépression.
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