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Les 15 espèces qui ont le moins de chances de survivre dans le monde

Pour sauver 841 espèces en danger, il faudrait 1,2 milliard d’euros par an, estime une étude scientifique, qui dresse la liste des plus menacées.

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Publié le 17 mars 2015 à 18h15, modifié le 19 août 2019 à 13h07

Temps de Lecture 6 min.

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Le titre sonne comme un appel à cliquer sorti du site BuzzFeed : « Les 15 espèces animales qui ont le moins de chances de survivre. » C’est pourtant de la très sérieuse revue scientifique Current Biology qu’il s’agit. Dans son numéro du 16 mars, elle publie le compte rendu d’une étude internationale, coordonnée par l’université du sud Danemark, qui classe les animaux menacés en fonction de leurs chances de survie. Avec, tout en bas de l’échelle, quinze espèces presque condamnées, parmi lesquelles une salamandre, plusieurs grenouilles, des rongeurs et des oiseaux marins.

Il y a urgence, rappellent les scientifiques. Si de tout temps, la nature a vu des espèces disparaître tandis que de nouvelles apparaissaient, une histoire bien moins ordinaire semble avoir commencé au XXe siècle. « Le rythme de disparition est dix fois supérieur à la normale, assure la zoologue Dalia Amor Conde, première signataire de l’article. Si nous ne faisons rien, nous allons vers une sixième extinction massive. »

Liste des 841 espèces les plus en danger

Encore faut-il savoir ce que nous pouvons faire. Qui sauver et à quel prix ? L’équipe – constituée de chercheurs danois, anglais, américains et australiens – s’est appuyée sur la liste de 841 mammifères, reptiles, oiseaux et amphibiens les plus menacés, établie par l’ONG Alliance for Zero Extinction. Ce rassemblement d’organisations de protection animale a croisé l’ensemble des espèces inscrites sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) avec celles qui se trouvent concentrées sur un seul et unique territoire.

Les scientifiques ont alors construit un « indice de chance de conservation », censé mesurer la possibilité de réussir une opération de protection. Pour cela, plusieurs critères ont été pris en compte : un premier groupe de données attachées à la protection des habitats sauvages, rassemblant les dangers de fragmentation desdits territoires, les risques d’urbanisation, la stabilité politique de la région, les mesures de protection déjà prises ou encore le coût estimé des actions à entreprendre ; et un second groupe qui évalue les possibilités d’établir des colonies en captivité : coût, mais aussi capacités d’expertise existant dans les zoos.

Mobiliser 1,2 milliard d’euros par an

Les ordinateurs des scientifiques ont tourné et rendu leur verdict. Ils ont d’abord livré un chiffre global : pour sauver les 841 espèces, il faudrait mobiliser 1,3 milliard de dollars par an (1,2 milliard d’euros), pendant vingt ans. Beaucoup d’argent, diront les uns, surtout qu’il s’agit de pays pauvres. Pas grand-chose, à l’échelle mondiale, compte tenu de l’enjeu, diront les autres. « A lui seul, ce chiffre est intéressant, estime Florian Kirchner, chargé du programme espèces à l’UICN France. Ça peut sembler colossal, mais si on le compare par exemple aux budgets militaires, comme le font les auteurs de l’étude, ou à d’autres grands projets, c’est très relatif. Une espèce qui disparaît ne réapparaît jamais. »

« Nous considérons que la diversité est essentielle et nous aimerions tout préserver, précise Dalia Conde. Mais nous sommes aussi réalistes et nous ne pouvons pas rester les bras croisés et laisser tout perdre. »

Amphibiens ou rongeurs mal connus et isolés

Et l’étude, à cet égard, se révèle riche d’enseignements. Tout d’abord chez les fameuses quinze espèces les plus menacées : des amphibiens, rongeurs et oiseaux marins tout à la fois mal connus, isolés et soumis à toutes sortes de pressions. Y retrouver l’alouette de Ash ou le rat grimpeur du Chiapas n’étonnera personne : difficile, de fait, de conduire un plan de protection cohérent en Somalie ou dans une des régions les plus agitées du Mexique.

La présence de six amphibiens parmi les quinze espèces ne surprendra pas davantage les spécialistes. « Ils font face à une véritable crise, massive et accélérée, insiste Dalia Conde. Leur rythme de disparition est 45 fois supérieur à la normale. Un tiers des espèces sont menacées. Ces animaux ne sont pas charismatiques, n’intéressent pas le grand public, et ne permettent donc pas de lever des fonds pour les protéger, à l’inverse des grands mammifères. »

La France, dans le top 10 des pays avec le plus d’espèces menacées

La liste des quinze cache une autre particularité. Ventilée par pays, elle place, en tête du classement, à égalité avec le Brésil… la France. Une position que cette dernière doit à trois espèces d’oiseaux des îles : l’Albatros d’Amsterdam (archipel de Saint-Paul et Nouvelle-Amsterdam, terres australes françaises), le monarque de Tahiti et le pétrel de Bourbon (île de la Réunion), tous installés dans l’hémisphère sud.

L'Albatros d'Amsterdam vit dans les terres australes françaises. Il mesure 2,80 m d'envergure et peut vivre quatre-vingt ans. Il en resterait vingt-cinq couples.

« C’est une particularité française qui nous vaut d’être toujours dans le top 10 des pays qui comptent le plus d’espèces menacées, commente Florian Kirchner, de l’UICN. D’une part l’Hexagone abrite une faune très variée, donc potentiellement beaucoup d’espèces susceptibles d’être en danger. D’autre part, la France est présente dans les trois grands océans, avec de nombreuses îles, qui abritent des espèces à 100 % endémiques, que l’on ne trouve donc nulle part ailleurs et qui sont très affectées par l’aménagement des zones littorales et par l’introduction d’espèces envahissantes. »

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Lire : En France, une biodiversité sous haute pression

Les trois espèces font néanmoins l’objet de plans d’action. Avec un peu plus de cinquante individus reproducteurs recensés, l’immense albatros d’Amsterdam reste en grand danger ; il y a quelques années, la population était tombée à quinze couples. De même, le monarque de Tahiti fait l’objet de mesures de protection. Quant à l’étrange pétrel de Bourbon, il fait lui aussi l’objet d’un programme de sauvetage. « Mais c’est très fragile, souligne Romain Julliard, chercheur en écologie de la conservation au Muséum national d’histoire naturelle. On le connaît très mal. On n’arrive à le voir que la nuit, lorsque attiré par les projecteurs, il se pose sur les terrains de football. On sait qu’il niche en montagne et qu’il est la cible des chats et des rats, mais peu d’autre chose. Alors comment faire ? Eradiquer les rats et les chats deLa Réunion ? »

39 % des animaux peuvent survivre

A l’autre extrémité du spectre, 39 % des animaux parmi les 841 espèces les plus menacées présentent une opportunité élevée de survie. « Ça nous donne l’espoir de pouvoir sauver un grand nombre d’espèces en danger, à condition d’agir immédiatement », souligne l’Anglais John Fa, de l’Imperial College de Londres, autre auteur de l’article. En effet, figurer dans cette catégorie signifie qu’il est plus facile d’agir, pas que le danger est moins grand. Ainsi, la pipistrelle commune aurait pu figurer dans ce groupe en 2009, lorsque la sonnette d’alarme a été tirée par les zoologues australiens, assurent les chercheurs. Le gouvernement de l’île a tergiversé : le petit animal a été déclaré éteint en octobre 2012.

Alors que faire ? Faire porter l’effort sur le top 15 ou, au contraire, accepter que quelques espèces disparaissent mais agir pour sauver le plus grand nombre ? « C’est évidemment aux responsables politiques de choisir, estime Dalia Conde. Nous leur apportons un outil pour les éclairer. Un outil qui ne prend pas en compte les aspects culturels, l’attachement à certains animaux. Mais qui doit les obliger à faire ce qui est le plus urgent : décider. » Et à titre personnel ? La scientifique hésite… « Il faut prendre une décision rationnelle. Et s’assurer qu’en tout état de cause, on disposera de tissus dans les biobanques et de spécimens dans les musées afin de continuer à les étudier. » Une façon de répondre.

Le nezospiza wilkinsi, ou finch de Wilklins, vit dans l'archipel Tristan da Cunha, dans les terres australes britanniques de Sainte-Hèlène.

Voici la liste des 15 espèces les plus mal classées :

Amphibiens : la lyciandre de Beydaglari (une salamandre de Turquie), la bokermannohyla izecksohni, l’hypsiboas dulcimer et la physalaemus soaresi (trois grenouilles brésiliennes), la pseudophilautus zorro (grenouille du Sri Lanka), l’allobates juanii (grenouille de Colombie).

Oiseaux : l’alouette de Ash (Somalie), le monarque de Tahiti, le pétrel de Madère, le pétrel de Bourbon (île de la Réunion), le nésospize de Wilkins (archipel Tristan da Cunha, Royaume-Uni, Atlantique Sud), l’albatros d’Amsterdam (île d’Amsterdam, terres australes, France).

Mammifères : lophuromys eisentrauti (rat du Cameroun), rat grimpeur du Chiapas (Mexique), geomys tropicalis (gaufre mexicain).

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