DEPARTEMENTALES - "François Hollande a un oeil sur chaque département français et deux sur la Corrèze". A en croire son successeur à la mairie de Tulle et proche conseiller, Bernard Combes, le président de la République a bien saisi l'importance toute symbolique que revêt la Corrèze dans ces élections départementales. Si ce territoire rural se maintient à gauche au soir du 29 mars, le Parti socialiste pourra dire qu'il a sauvé les meubles. S'il bascule à droite, l'UMP pourra clamer que le chef de l'Etat est désavoué dans son propre fief, point de départ de sa conquête de l'Elysée.
Est-ce pour cela que la tournée départementale du premier ministre Manuel Valls fait un arrêt remarqué en Corrèze ce jeudi 19 mars, à seulement trois jours du premier tour? Attendu à Tulle, la seule ville à avoir résisté à la vague UMP des élections municipales, le chef du gouvernement fera ce qu'il peut pour sauver ce qui peut l'être dans un département loin d'être acquis à la gauche.
Conquis par François Hollande en personne en 2008 avec un seul siège d'avance, conservé de justesse en 2011 avec deux sièges de majorité, ce département avait servi de rampe de lancement aux ambitions présidentielles de l'actuel président de la République, quarante ans après avoir servi celle de Jacques Chirac. Bernadette Chirac, conseillère générale sortante, y a rempilé à Brive en tant que suppléante.
Une droite (enfin) unie face à la gauche divisée
Pour l'UMP, toutes les conditions sont réunies pour faire basculer le "département du président". La droite et le centre partent unis dans tous les cantons sous la liste "Corrèze demain". Une première selon le chef de file local Pascal Coste (UMP). Quant au Front national, omniprésent partout ailleurs, celui-ci n'est représenté que dans 9 des 19 cantons. Suffisamment pour empêcher l'élection de candidats UMP au premier tour mais pas assez pour que le parti d'extrême droite joue les trouble-fêtes lors du troisième tour.
Après le raz-de-marée des municipales, qui a vu Brive et Ussel basculer à droite, les candidats de l'opposition ont mené une active campagne de terrain que n'aurait pas dédaigné Jacques Chirac en son temps. Maire de Beynat et conseiller général sortant, Pascal Coste dit avoir "parcouru 3.274 km pour les besoins de la campagne. J'ai visité 4.200 maisons sur les 5.500 que compte le nouveau canton du Midi-Corrézien. J'ai le sentiment qu'en milieu rural, les gens vont voter, même si je pense que ce sont les cantons urbains qui vont faire la différence. Brive-la-Gaillarde peut faire l'élection".
A l'inverse, alors que François Hollande avait bâti ses succès électoraux sur l'union de la gauche, une tradition vieille de plus de 30 ans en Corrèze, ce front s'est désagrégé sous la pression des désacords nationaux entre PS et PCF. Le rassemblement "Pour une alternative à gauche", animé par le Parti communiste (PCF), présente des candidats dans chaque canton: "Il devient urgent de dire stop, d'entrer en résistance. En premier lieu contre la réforme territoriale, contre la poursuite de la casse des services publics, contre l'abandon de nos territoires ruraux. Nous avons besoin, au contraire, d'investissements, de services publics nouveaux", souligne Pascal Bagnarol, secrétaire départemental du PCF. La loi Macron a achevé de brouiller durablement les deux camps dans le département.
"Les électeurs de gauche vont s'éparpiller au premier tour, mais il y aura une redistribution des cartes au second. Ils sauront faire la part des choses", espère le maire PS de Tulle Bernard Combes.
Mission impossible pour Valls
La mission du premier ministre s'annonce donc ardue, pour ne pas dire impossible. D'autant qu'il incarne aux yeux des communistes corréziens les "promesses déçues" et le virage social-libéral du président Hollande et qu'il est lui-même menacé par la vague bleue UMP dans son propre département de l'Essonne.
Pas de quoi décourager Manuel Valls qui s'est personnellement engagé dans cette campagne électorale. Avant un meeting dans la soirée, le chef du gouvernement veut axer ce déplacement sur l'emploi, priorité affichée de l'exécutif. Rencontre avec un chef d'entreprise, visite de l’usine Polytech qui devrait créer, d'ici 2016, une cinquantaine d’emplois nouveaux... L'objectif est bien de positiver tout en martelant le bilan des actions entreprises par le gouvernement.
Tout récemment, le premier ministre a dépêché onze de ses ministres dans l'Aisne pour un comité interministériel dédié à la ruralité. 50 mesures pour les campagnes à quelques jours d'un scrutin départemental... L'opération a immédiatement été interprétée comme un geste électoral dans ce département qui vote à 40% pour le FN. Mais le signal était également adressé à la Corrèze où l'agriculture occupe près de 40% du territoire.
Empêché de faire campagne en raison de son statut de président, François Hollande n'a jamais coupé le cordon avec sa Corrèze d'adoption. En janvier 2014, en plein drame conjugal avec Valérie Trierweiler, François Hollande s'y était replié pour y parler ruralité. Un an plus tard, il était de retour pour inaugurer un cinéma. Ce dimanche, il est attendu à Tulle où il déposera, comme à chaque élection, son bulletin de vote dans l'urne. Autant d'images qui tourneront en boucle si le Parti socialiste devait perdre cet emblématique département.