VIDEOS. Elie Semoun : «Je sens une forme de haine»

Elie Semoun, en tournage d'un programme court pour Canal +, nous a confié ses craintes dans une société de plus en plus agressive, à la veille des élections départementales.

VIDEOS. Elie Semoun : «Je sens une forme de haine»

    Rencontré jeudi sur le tournage de « Ma pire angoisse », programme court d'humour du « Before » de Canal + dans lequel il apparaîtra prochainement en invité, Elie Semoun n'avait pas trop envie de rire. Celui qui cartonne sur scène dans « le Placard » de Francis Veber et prépare son prochain spectacle, en novembre au Grand Point Virgule, s'est spontanément ouvert sur ses craintes face à une société déboussolée.

    Quelle est votre pire angoisse ?
    ELIE SEMOUN.

    Le climat est anxiogène, les attentats, l'antisémitisme... Ma pire angoisse, c'est ce que je reçois sur mon Twitter ou mon Facebook, des insultes comme « youpin », « sale juif », et j'en passe... Ma pire angoisse, c'est cette violence gratuite qui peut tomber sur moi, sur d'autres. Pour la première fois, quand je me balade dans la rue, dans des endroits un peu chauds, on me fait des doigts d'honneur ou on m'insulte... Je n'avais jamais connu ça. D'habitude, enfin je l'espère, les gens m'aiment bien. Là, je sens une forme de haine, d'agressivité que je n'avais jamais ressentie. Vous me demandez ma pire angoisse... je suis sincère.

    VIDEO. «Aujourd'hui, on me fait des doigts d'honneur dans la rue»

    Depuis quand ?

    Depuis les attentats et depuis que je dis certaines choses sur Dieudonné. Son public peut être très violent.

    C'est difficile à vivre ?

    Le racisme est partout. C'est difficile d'être arabe, musulman, noir, comme ce n'est pas évident d'être juif non plus en ce moment. Cela ne m'empêche pas de dormir, mais ça m'interroge. Pour la première fois. Avant je faisais mon métier avec une certaine insouciance, avec un peu de profondeur aussi... Là, ça devient vraiment bizarre.

    VIDEO. «C'est difficile d'être Musulman ou Juif en ce moment»

    Cela peut vous retenir dans l'écriture de vos sketchs ?

    Dans mon prochain spectacle, il y a un sketch sur un jihadiste débutant qui s'inscrit sur Internet. Je vais le faire, bien sûr. Mais je ne sais pas ce que ça peut avoir comme conséquence. C'est vraiment la première fois de ma vie que je me pose ces questions. Pourtant, ce que j'écris d'habitude n'est jamais léger ni gratuit. Je parle toujours un peu de la société, des losers, des racistes... J'ai aussi un sketch sur le FN qui s'installe dans une mairie.

    Dans quelques jours, il y a des élections...

    Les élections départementales, je m'en moque complètement, je ne sais même pas ce que c'est, mais je vais voter. Je n'ai pas envie de voir le FN arriver partout. Ce parti n'est tellement pas démocratique, ses solutions ne sont ni très ouvertes ni très tolérantes. Je ne veux pas être dans un pays comme ça.

    Vous parlez d'un climat anxiogène en France...

    Je réagis en tant que citoyen, mais surtout en tant qu'artiste. On a quand même tué des gens qui faisaient de l'humour, et pas n'importe lesquels. Je me sens concerné parce que je ne fais pas un humour consensuel même s'il est populaire, je traite de sujets un peu brûlants. Et puis, j'ai longtemps été avec quelqu'un qui fait beaucoup parler de lui... C'est forcément un sujet qui me touche. Je suis humoriste, je suis l'ex-pote de Dieudonné -- même si je suis encore son pote, mais avec des réserves --, je suis juif, donc je représente ce que plein de gens n'aiment pas. Et ça me dérange. Je ne suis ni sioniste, ni propalestinien, ni pro- israélien, je suis Français.

    Vous avez encore des contacts avec Dieudonné ?

    Ã?a m'arrive, oui. Evidemment, je ne cautionne pas ses propos. Mais on a vécu très longtemps ensemble, on a débuté notre carrière à deux... Quand je visionne nos sketchs en duo, ça me fait rire, je trouve ça encore très moderne.

    Vous fait-il encore rire ?

    C'est compliqué... (Il soupire.) Oui, il est encore drôle. Mais pas toujours... Ce qui est terrible en fait, c'est qu'il est drôle. C'est le problème. S'il n'était pas drôle, ça n'aurait pas d'impact, c'est ce qui est vicieux.

    VIDEO. «Oui Dieudonné est drôle, mais pas ses propos racistes»