/news/world

Après Ebola, la rougeole menace le Liberia

Bidonville de Peace Island

Rescapés de la guerre civile et d'Ebola au Liberia, les habitants du bidonville de Peace Island, à Monrovia, doivent à présent affronter une plaie mieux connue, mais tout aussi redoutable: la rougeole, qui menace d'emporter des milliers d'enfants.

Selon les experts, le Liberia, dont les espoirs d'en finir avec le virus Ebola ont été douchés par la découverte la semaine dernière d'un nouveau cas, le premier en près d'un mois, ainsi que la Guinée et la Sierra Leone voisines, également touchées, sont vulnérables à une épidémie de rougeole.

Assaillis par la chaleur, les agents de vaccination transpirent en appelant par haut-parleur les mères de famille de cette langue de terre entourée de marécages, où quelque 30 000 personnes ont trouvé refuge derrière le ministère de la Défense abandonné à la suite des guerres civiles (1989-2003), à leur amener leurs enfants.

«Je suis contente d'avoir la possibilité de faire vacciner mon enfant contre la rougeole parce qu'ici les enfants meurent», confie Marie Bassa, 32 ans, en descendant du camion de l'équipe de vaccination avec son bébé de neuf mois.

L'épidémie d'Ebola, qui a fait plus de 4000 morts au Liberia, le pays qui compte officiellement le plus grand nombre de décès de cette fièvre hémorragique, a eu pour conséquence l'effondrement des vaccinations contre les maladies infantiles, en particulier la rougeole, en raison d'hôpitaux surchargés.

«La rougeole est devenue une grave menace pour la population de Peace Island», explique Denis Besdevant, responsable de la vaccination à Médecins sans frontières (MSF), «c'est pourquoi nous avons décidé de lancer cette campagne».

MSF vise actuellement un objectif de 700 enfants de neuf mois à cinq ans vaccinés contre la rougeole dans son centre de vaccination de fortune à Monrovia, où 250 enfants sont venus le premier jour, indique-t-il.

Cette maladie qui cause de la fièvre et des éruptions cutanées peut déclencher des complications, comme la pneumonie, le gonflement du cerveau, la cécité et une perte de l'audition.

Convaincre les mères de famille, déjà naturellement soupçonneuses de la médecine occidentale, de vacciner leurs enfants représente un grand défi, surtout après le passage d'Ebola et son cortège de rumeurs.

«Ce n'est pas facile. Beaucoup de gens disent que le gouvernement essaie de ramener Ebola», affirme Alfred Godfrey, de MSF. «Nous prenons le temps de leur expliquer que la maladie qui tue les enfants, après Ebola, est la rougeole. Certains se laissent convaincre, d'autres pas».

Les épidémies éclatent souvent après les crises humanitaires, les vaccinations diminuant à cause des violences, de la peur de la contamination et de l'engorgement des services de santé, a fortiori dans des pays déjà démunis sur ce plan, comme le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée.

Les scientifiques estiment ainsi que le taux de vaccination dans ces trois pays - en moyenne de 60 à 80% des enfants - s'est effondré de 75 % à cause d'Ebola.

Au total ce sont donc 100 000 enfants supplémentaires qui pourraient attraper la rougeole, en plus des 127 000 escomptés auparavant, faute de vaccination, pour une surmortalité de plusieurs milliers à 16 000 par rapport aux 7000 déjà enregistrés en temps normal.

La récente hausse du nombre de morts de la rougeole a déjà vaincu les réticences de certains parents contre la vaccination.

«Au début, j'avais peur», avoue Rita Kpepka, 46 ans, venue faire vacciner son enfant de trois ans après le décès d'une dizaine d'autres qui ont succombé à la rougeole dans son voisinage.

«Mon amie m'a encouragée à venir. Elle m'a expliqué que c'était bien le vaccin contre la rougeole et non pas contre Ebola», actuellement en cours d'expérimentation, dit-elle, soulagée.

Commentaires

Vous devez être connecté pour commenter. Se connecter

Bienvenue dans la section commentaires! Notre objectif est de créer un espace pour un discours réfléchi et productif. En publiant un commentaire, vous acceptez de vous conformer aux Conditions d'utilisation.