Allemagne : Deutsche Bank accumule les casseroles

L'ancien PDG rêvait de hisser la banque dans le top ten mondial. Une restructuration à marche forcée qui lui vaut aujourd'hui de payer l'ardoise judiciaire.

Par (à Munich)

Josef Ackermann, l'ancien PDG de la Deutsche Bank, et quatre autres dirigeants sont poursuivis pour faux témoignages.
Josef Ackermann, l'ancien PDG de la Deutsche Bank, et quatre autres dirigeants sont poursuivis pour faux témoignages. © Daniel Roland/AFP

Temps de lecture : 3 min


Deutsche Bank n'a décidément pas fini de payer les lourdes erreurs de son passé. Le régulateur des services financiers de New York soupçonnerait l'établissement allemand d'avoir mis en place une "vaste manipulation du Libor", selon des informations révélées par le Financial Times et l'AFP. Si ses suspicions sont confirmées, Benjamin Lawsky pourrait révoquer la licence bancaire de la banque francfortoise.

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Un nouveau coup dur pour Deutsche Bank : il y a moins de deux semaines, sa filiale américaine avait été la seule, avec celle du géant espagnol Santander, à ne pas passer la deuxième phase des tests de résistance annuels de la Réserve fédérale, qui scrute les comptes de 31 banques. La Fed ne s'inquiète pas du niveau de capitaux amassés par la banque mais plutôt de la qualité de ces derniers. Inquiétant. Et le pire serait peut-être encore à venir pour l'établissement allemand.

Les errements de "Joe" Ackermann

L'actuel coprésident du groupe, Jürgen Fitschen, et quatre autres dirigeants, dont l'ancien patron de la banque Josef Ackermann et son prédécesseur Rolf Breuer, vont devoir comparaître à partir du 28 avril devant le tribunal de Munich. Les cinq cadres sont soupçonnés d'avoir fait de faux témoignages lors d'un précédent procès civil portant sur la faillite du groupe de médias Kirch. Cette affaire a déjà contraint Deutsche Bank à verser 925 millions d'euros de dommages et intérêts aux héritiers de la famille Kirch qui ont accusé la banque d'avoir provoqué leur faillite. Mais le procès qui devrait prendre fin le 4 août pourrait coûter encore plus cher aux dirigeants de l'établissement. Jürgen Fitschen encourt, à lui seul, une peine allant de six mois à dix ans de prison s'il est jugé coupable.

Le groupe paie aujourd'hui les conséquences de la folle course en avant lancée par Josef Ackermann, qui a régné en maître absolu de 2002 à 2012. En prenant la barre de la compagnie, l'ancien dirigeant de Credit Suisse, qui aime se faire appeler Joe par ses collègues, avait promis à ses actionnaires d'augmenter le cours du titre, d'atteindre une rentabilité des fonds propres de 25 % et de transformer le groupe en une des dix plus grandes banques mondiales.

Rattrapé par la réalité

Ces trois objectifs ont clairement été manqués. Lors de son départ, l'établissement n'était que la 32e banque planétaire, sa rentabilité atteignait tout juste 8,2 % et son action était passée de 70 à 28 euros... Cet archétype du requin de la finance n'avait pourtant pas hésité à licencier plus de 20 000 employés en une décennie. Mais le patron le mieux payé d'Allemagne avait aussi beaucoup misé dans les subprimes en rachetant notamment en 2007 l'américain MortgageIT pour 340 millions d'euros. Les errements de cette filiale, qui a accordé de 1999 à 2009 39 000 crédits hypothécaires sans vérifier la solvabilité des emprunteurs, obligeront sa maison mère à verser 156 millions d'euros d'amendes à l'État américain. Josef Ackermann, qui a gagné ses galons de colonel dans l'armée helvétique, avait enfin refusé de reprendre en 2004 Postbank pour six milliards d'euros. Mais il n'a pas hésité à racheter quatre ans plus tard 30 % de son capital en se basant sur une valorisation de... neuf milliards d'euros. Allez comprendre...

Pour tenter de garder la tête hors de l'eau, les dirigeants de Deutsche Bank seraient aujourd'hui prêts à revoir de fond en comble le modèle de "banque universelle" rêvée par "Joe". Une profonde réorganisation pourrait être annoncée au cours du second trimestre. L'agence Reuters croit savoir que le conseil de surveillance souhaiterait scinder ses activités de banque de détail afin de les introduire en Bourse. Deux autres options seraient également étudiées. Postbank pourrait être fusionnée avec la banque de détail du groupe ou l'ancienne banque postale pourrait être vendue au plus offrant. Ces mesures réduiraient de facto la taille critique de l'établissement. La dure réalité finit toujours pas rattraper les rêveurs aux ambitions démesurées.

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