
Un article publié sur le site d'information Mediapart affirme que des textos auraient été échangés entre un responsable du Kremlin et un proche de Vladimir Poutine, concernant un soutien politique du Front national à la politique russe en Ukraine et un soutien financier de banques russes au parti de Marine Le Pen.
L'histoire de ces révélations, redevables à un groupe de hackers russes, commence au printemps : ceux-ci annoncent sur leur site avoir piraté le compte mail et le portable d'un haut responsable politique à Moscou.
Kostia, intermédiaire du FN
Timur Prokopenko était chargé des médias et d'Internet au sein de l'administration présidentielle russe. Parmi les 40 000 SMS échangés entre 2011 et 2014 par M. Prokopenko et ses interlocuteurs, 66 messages concernant Mme Le Pen et le Front national. Avec un interlocuteur principal, identifié sous le nom de Kostia. Celui-ci serait un soutien indéfectible de Vladimir Poutine, Konstantin Rykov, qui a été député à la Douma de 2007 à 2012 et a des liens étroits avec la France, où il possède notamment une villa.
Le 10 mars 2014, Timur Prokopenko demande à Kostia s'il peut faire venir Marine Le Pen en Crimée, « comme observatrice » du référendum qui doit se tenir six jours plus tard. « On en a extrêmement besoin. J'ai dit à mon chef que tu étais en contact avec elle ???? », lui écrit M. Prokopenko.
Le lendemain, Kostia lui répond que Marine Le Pen est en campagne pour les élections municipales en France mais que « le Front national prendra officiellement position sur la Crimée » ; Timur Prokopenko se dit enchanté. Les deux interlocuteurs s'interrogent ensuite sur la question des « financements », mentionnant l'intervention du vice-ministre des affaires étrangères, côté russe, et de Florian Philippot, consulté par la présidente du FN côté français.
« Remercier les Français »
Le 17 mars, cette dernière déclare, en déplacement dans le Gard, que les résultats du référendum de la Crimée sur un rattachement à la Russie sont « sans contestation possible ». Dans le même temps, Aymeric Chauprade, député européen FN, s'est rendu « à titre personnel » en Crimée lors du référendum. Un autre eurodéputé frontiste, Jean-Luc Schaffhauser, se rend lui plus tard dans le Donbass en tant qu'« observateur » des élections fantoches organisées en novembre par les séparatistes prorusses de la région.
Considérant que Marine Le Pen « n'a pas trahi [leurs] attentes », les deux hommes estiment qu'« il faudra remercier les Français d'une manière ou d'une autre ».
Le 12 avril, la responsable politique se rend en Russie et rencontre le président de la Douma, Serguei Narychkine. Le 18 avril, l'association de financement Cotelec, présidée par Jean-Marie Le Pen, reçoit un prêt de 2 millions d'euros d'une société chypriote alimentée par des fonds russes.
En septembre, 9 millions d'euros supplémentaires sont prêtés au parti frontiste par la First Czech Russian Bank (FCRB). Marine Le Pen, qui évalue à 30 millions d'euros les besoins de financement pour les prochaines élections (cantonales et régionales), justifie cet emprunt par le refus des banques françaises de prêter de l'argent à son parti.
Marine Le Pen réfute
Et de s'insurger des intentions qui lui sont prêtées : « Au motif que l'on obtient un prêt, cela déterminerait notre position internationale ? Cela fait longtemps que nous sommes sur cette ligne [prorusse]. » A Moscou, personne n'imagine que ce prêt aurait été accordé sans un accord du Kremlin, comme le confirme le quotidien russe Kommersant.
Interrogé par Mediapart, le trésorier du FN, Wallerand de Saint-Just, qui a signé le prêt de 9 millions d'euros, explique qu'il n'est « pas du tout au courant de ce qui s'est passé en amont [de la signature] ». « Je ne sais pas qui est M. Prokopenko. Je n'ai rien à voir avec les positions internationales de Marine Le Pen. Je n'ai vu que les techniciens de la banque. »
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