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Au Chili, les inondations rapprochent immigrés et population locale

Des pluies exceptionnelles se sont abattues dans le nord du Chili la semaine dernière, provoquant d’importantes inondations, notamment à Copiapó. Quelques jours plus tard, des photos montrant des Colombiens armés de pelles pour nettoyer les rues de cette ville ont circulé sur les réseaux sociaux. Cette initiative a immédiatement rencontré un écho favorable, dans un pays où persistent de nombreux préjugés à l’égard des immigrés.

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Toutes les photos ont été prises ces derniers jours à Copiapó, dans le nord du Chili, par les Colombiens ayant œuvré pour nettoyer les rues de la ville. Photos transmises par Luis Duque Lopez (@Luchoduquelopez).

Des pluies exceptionnelles se sont abattues dans le nord du Chili la semaine dernière, provoquant d’importantes inondations, notamment à Copiapó. Quelques jours plus tard, des photos montrant des Colombiens armés de pelles pour nettoyer les rues de cette ville ont circulé sur les réseaux sociaux. Cette initiative a immédiatement rencontré un écho favorable, dans un pays où persistent de nombreux préjugés à l’égard des immigrés.

"Les frères colombiens sont présents pour dégager les rues de Copiapó. Dire que certains pensent qu'ils sont un problème..."

Entre le 24 et le 25 mars, une forte tempête accompagnée de pluies torrentielles s’est abattue dans la région – pourtant l’une des plus arides du monde – occasionnant des inondations et des avalanches de boue dans plusieurs localités. Le gouvernement a immédiatement décrété l’état d’urgence dans la zone. Il estime que quatre à six semaines seront nécessaires pour nettoyer les villes.

Vingt-quatre personnes ont trouvé la mort et 69 autres sont toujours portées disparues dans la zone, selon un bilan établi le 1er avril par le Bureau national des urgences, qui recense également près de 30 000 sinistrés.

Le 25 mars, il a plu en une journée, l’équivalent d’une année de précipitations dans cette région. Vidéo publiée sur Instagram par sireloco_jado.

"On a décidé de porter le maillot de l’équipe nationale colombienne pour montrer qu’on était présents"

Luis Duque Lopez, conducteur de bus de 27 ans, est colombien. Il participe au nettoyage de Copiapó, où il vit depuis le mois de décembre.

Dès le 26 mars, quand le temps s'est calmé, on a essayé de venir en aide aux habitants sinistrés, alors que la boue bloquait parfois les portes de leur maison. On est une dizaine d’amis colombiens, et on tenait à soutenir les personnes seules en particulier. On a décidé de porter le maillot de l’équipe nationale colombienne pour montrer qu’on était présents. Les gens sont très contents et reconnaissants qu’on les aide.

On nettoie les rues à l'aide de pelles. Des étudiants chiliens nous accompagnent. Beaucoup de renforts sont arrivés : il y a des camions bennes, des machines qui permettent d'enlever la boue... [Près de 8000 secouristes sont sur place et le gouvernement a envoyé 273 tonnes d'aide.]

 

Mais ce n'est pas suffisant. Par exemple, on manque de masques, alors qu'il faudrait en porter à cause de la boue qui est très polluée. [Elle contient des résidus toxiques, provenant des mines de cuivre – nombreuses dans la région – et pouvant affecter la santé des habitants et les nappes phréatiques.] On manque également de vivres, et surtout d'eau potable, car l'eau aussi est très polluée. [C’est pourquoi la Bolivie vient d’offrir 13 tonnes d’eau pour aider les sinistrés.]

Certains ont tout perdu. Moi, j’ai de la chance, car j’ai pu monter mes affaires à l’étage de ma maison. En revanche, j’ai dû emmener mon bus au garage hier : il y a de la boue dans le moteur. J’espère qu’on pourra le réparer…

 

 

"Au Chili, il existe un certain racisme vis-à-vis des étrangers, surtout ceux ayant la peau foncée"

Je suis arrivé au Chili il y a six mois pour travailler, parce qu'on gagne davantage d’argent ici qu’en Colombie, où j’étais conducteur de taxi. J’ai trouvé un emploi facilement : je connaissais un Colombien dans l’entreprise qui m’a embauché.

Au Chili, il existe un certain racisme vis-à-vis des étrangers, surtout ceux ayant la peau foncée. À Copiapó, j’ai déjà vu des Chiliens chasser des étrangers qui faisaient la file avec eux pour recevoir des aides aux logements. À Antofagasta, une ville où j’ai vécu quelques temps [située à 500 km au nord de Copiapó], il y a beaucoup de Colombiens. Ils mettent souvent la musique fort chez eux, certains ne travaillent pas et volent… ce qui explique en partie l’existence de préjugés à leur encontre.

Personnellement, je n’ai jamais été victime de racisme, peut-être parce que j’ai la peau claire. Si je ne parle pas, les gens ne se rendent pas compte que je suis Colombien.

Depuis 1980, le nombre d’immigrants a quintuplé au Chili : 441 000 d’entre eux se trouvent actuellement en situation régulière, soit 2,7 % de la population. Selon les estimations du département des étrangers et des migrations, la plupart sont originaires de pays sud-américains : Pérou (37 %), Argentine (15 %), Bolivie (7 %), Equateur (5 %), Colombie (5 %)…  La majorité d’entre eux habitent dans la région métropolitaine, mais beaucoup se trouvent également dans le nord, l’une des régions les plus dynamiques du pays sur le plan économique grâce au secteur minier.

"Certains Chiliens ont peur que les étrangers volent leur travail"

Jean Meyer (@JeanMeyerS) est chilien, il vit dans la capitale Santiago. Il travaille dans la production de spectacles et la communication.

Par le passé, les Colombiens arrivant au Chili fuyaient souvent les violences liées au conflit dans leur pays. Actuellement, ils viennent essentiellement pour chercher du travail. Beaucoup d’entre eux vont dans le nord, pour travailler dans les mines.

Certains Chiliens ont peur que les étrangers leur volent leur travail, alors que ce n’est pas du tout justifié. [Selon Waldo Mora, ex-intendant d’Antofagasta, "les étrangers satisfont une demande non couverte par les Chiliens", occupant souvent des emplois liés à la sécurité ou encore au ménage.]

Tous les étrangers ne sont pas forcément perçus de la même façon. Par exemple, les Espagnols – qui arrivent en masse au Chili depuis peu – sont vus comme des gens sérieux, tandis que les Colombiens ou les Brésiliens sont davantage associés à la prostitution.

Le 19 mars 2013, une marche a été organisée à Antofagasta contre la communauté colombienne, accusée par les organisateurs d’être responsables de la hausse de la délinquance, de la prostitution et du narcotrafic dans la ville. Pourtant, seuls 4 à 7 % des délits sont commis par des étrangers à Antofagasta.

Enfin, les Chiliens ont tendance à penser que les étrangers acceptent d’être moins bien payés. Pour le coup, cela correspond à une réalité. Dans le secteur des services, comme le ménage, la garde d’enfants ou encore la cuisine, ils pratiquent des tarifs moins élevés, ce qui peut exercer une pression à la baisse sur les salaires.

Cet article a été écrit avec la collaboration de Chloé Lauvergnier (@clauvergnier), journaliste à France 24.

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