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République centrafricaine

Bangui: l’engrenage de la haine

Les militaires français en mission à Bangui ont écouté l’hommage de François Hollande aux deux soldats tués dans un échange de tirs alors qu'ils patrouillaient aux abords de l'aéroport. Malgré cette présence française, la situation est toujours chaotique dans la capitale centrafricaine. Les opérations de désarmement et de cantonnement, menées par les 1 600 hommes de l’opération Sangaris n’empêchent ni les affrontements sporadiques ni les lynchages, ni les pillages qui durent depuis la fin de semaine dernière. Bangui est encore loin d'être sécurisée. Ecoutez sur le sujet notre émission Décryptage, ce mercredi à 18h10 TU (monde) et 19h10 TU (Afrique).

Des hommes transportent un cercueil dans une brouette dans les rues de Bangui, le lundi 9 décembre 2013.
Des hommes transportent un cercueil dans une brouette dans les rues de Bangui, le lundi 9 décembre 2013. REUTERS/Emmanuel Braun
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C’est dans un contexte de violences et de représailles que François Hollande, de retour de Johannesburg, a fait escale, mardi, à Bangui. Visite au cours de laquelle le président français a rendu hommage aux deux soldats du 8e RPIMA tombés dans un accrochage quelques heures plus tôt aux abords de l’aéroport de M’Poko. « Ils ont donné leur vie pour en sauver d’autres, a déclaré le chef de l’Etat français. Il était temps d’agir. Il allait bientôt être trop tard. Depuis des semaines, des massacres étaient perpétrés. Des violences affreuses étaient commises à l’égard des femmes et des enfants. Et les affrontements prenaient et prennent encore une dimension religieuse avec le risque d’aboutir à une guerre civile. Il n’était plus temps de tergiverser sur l’opportunité ou même la durée de cette opération. Il fallait intervenir pour sauver autant de vie qu’il était possible et prévenir les carnages qui s’annonçaient ».

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Mais le président Hollande n’est pas seulement venu pour justifier une fois encore l'intervention française. Il a également rencontré les dignitaires religieux et les autorités de transition, dont le président Michel Djotodia qu'il avait désavoué samedi dernier. François Hollande avait notamment accusé l'ancien chef rebelle Seleka d'avoir « laissé faire » les massacres interreligieux. Avant cet entretien, le chef de l’Etat français a répété qu’il était favorable à l'organisation rapide d'élections, c'est-à-dire avant l’échéance prévue en 2015, pour stabiliser le pays.

Les musulmans pris pour cible

Sur le terrain, force est de constater que pour l’instant, les opérations françaises de désarmement n’enrayent pas la spirale de violence qui enflamme de nouveau Bangui depuis la semaine dernière. Il arrive même que, une fois qu'une patrouille française a désarmé des miliciens, ces miliciens soient lynchés en pleine rue, par des habitants qui cherchent à se venger de mois d'exactions commises par les ex-Seleka.

« Je vous assure que devant chaque quartier ou les voitures de nos frères français arrivent, les foules de nos frères chrétiens sortent si on désarme un ex-Seleka ; ils cherchent des pierres pour les lui jeter, explique Moussa, 23 ans, musulman qui vit dans le quartier Kilo 5, dans le 3e arrondissement de Bangui. Ces ex-Seleka, ils ont leurs familles civiles autour. Dans le 3e arrondissement, ils ont leur papa, leur maman. Ce ne sont pas des mercenaires, ce sont des musulmans centrafricains ».

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Dans ce cycle de représailles aveugles, les agresseurs font l’amalgame entre les ex-Seleka, pour la plupart musulmans, et les autres membres de la communauté, accusés de les soutenir, et frappent indistinctement. Les boutiques tenues par des musulmans sont prises pour cibles. Ce mardi encore, des commerces ont été pillés dans le quartier Combattant par exemple.

Deux mosquées ont aussi été attaquées. L'une a été incendiée à Ouhango. L'autre a été mise à sac dans le quartier de Fouh. « Tous les musulmans qui sont à Bangui, dès que les Seleka sont entrés le 24 [mars 2013 NDLR], ils sont complices de tout ce qui se passe dans ce pays, hurle un pillard au micro de notre envoyé spécial Laurent Correau. Maintenant nous, on ne veut plus entendre parler de musulmans en Centrafrique ! Nous voulons seulement des chrétiens en Centrafrique. Tout ce qui est aux musulmans, les maisons, tout, on va tout détruire ». Un discours de haine qui suscite évidemment la frayeur et la colère chez les musulmans, faisant craindre un nouveau cycle de vengeance en retour.

Appels au calme

Cette haine pourtant, toutes les autorités morales du pays tentent de la recouvrir d'appels à la paix. La société civile, les dignitaires religieux chrétiens et musulmans exhortent les Banguissois au calme et à déposer des armes. « Moi-même j’accueille l’Imam chez nous, il habite à l’archevêché, raconte l’archevêque de Bangui, Mgr Dieudonné Nzapalainga. Et ce genre de geste, nous voulons le voir, que le musulman accueille le chrétien, que le chrétien accueille le musulman. C’est ainsi qu’on aura le témoignage de l’unité ».

Pour l'instant, ces messages d’apaisement ne produisent que peu d'effets. Depuis des mois déjà, les familles effrayées quittent leurs maisons et se regroupent, entre proches, dans des lieux ou des quartiers jugés plus sûrs. Sans compter les milliers de Banguissois massés autour de l’aéroport de M’Poko comptant sur une protection française.

« Rien que pour Bangui, on est à plus de 300 000 déplacés, explique le Pasteur Antoine Mbao Bogo, président de la Croix-Rouge centrafricaine. C'est-à-dire qu’une famille qui était déjà en grosse difficulté, d’une douzaine de personnes, reçoit une trentaine d’autres membres qui viennent vivre avec elle. Il y a des maisons ou il y a presque soixante personnes ». Et le pasteur d’insister sur le fait que la première priorité pour ces familles qui manquent de tout, est de se nourrir.

Sur le terrain, depuis la fin de la semaine dernière, les 350 volontaires de la Croix-Rouge centrafricaine sont affectés à acheminer les blessés vers les hôpitaux tenus par Médecins sans Frontières (MSF). Mais surtout, ils sont à pied d’œuvre pour ramasser les corps et les inhumer dans deux fosses communes situées au nord et au sud de la ville. Plus de 400 cadavres à ce jour, selon la Croix-Rouge, qui doit préciser son bilan dans les prochaines heures ou les prochains jours.

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