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Kenya

A Garissa, des musulmans «coincés entre le marteau et l'enclume»

Au conseil suprême des musulmans de la ville de Garissa, l'ambiance n'était plus au recueillement ce dimanche 5 avril. Des musulmans aussi ont pourtant été visés par l’attaque menée contre l’université de la ville, qui a fait environ 148 morts, mais le chef de l'Etat kényan a appelé samedi la communauté musulmane du Kenya à prendre ses responsabilités et à dénoncer ceux qui, parmi ses membres, ont des liens avec les shebabs. Un discours qui a beaucoup choqué.

Le conseil des musulmans de Garissa souhaite que les autorités kényanes prennent leurs responsabilités face aux menaces sécuritaires.
Le conseil des musulmans de Garissa souhaite que les autorités kényanes prennent leurs responsabilités face aux menaces sécuritaires. REUTERS/Noor Khamis
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Avec notre envoyée spéciale,

« C'est la responsabilité de qui, de régler leur compte à ces gens ? Est-ce que c'est ma responsabilité ? Si c'est la mienne, ils n'ont qu'à me donner des armes ! » Muhamay Salat est le président du conseil des musulmans de Garissa. Il ne décolère pas après le discours du président Kenyatta.

« D'un côté, il y a le gouvernement qui nous blâme. Alors que nous, on condamne fermement ces attaques. Et de l'autre, il y a les shebabs qui menacent les leaders religieux qui s'opposent à eux. On est coincés entre le marteau et l'enclume, résume-t-il. C'est quoi la solution pour nous ? Donc oui, nous continuerons de marquer notre désaccord. Mais quelles garanties avons-nous aujourd'hui pour notre sécurité ? »

Muhamay Salat estime que c'est avant tout à l'Etat kényan d'assurer la protection de tous ses citoyens, et qu'il doit faire plus aujourd'hui. « Quand on vous menace, il ne faut pas dormir », insiste-t-il. Référence aux nombreuses critiques contre les services de sécurité kényans, accusés d'avoir sous-estimé les informations faisant état d'une possible attaque à Garissa, mais aussi d'avoir tardé à réagir face à la prise d'otage.

Pour le président du conseil des musulmans de Garissa, le président est tombé dans le panneau des terroristes : « Ces gens sont juste des criminels, ils veulent diviser les religions. Quand ils attaquent, ils séparent les gens, ils demandent : " Etes-vous musulmans ? " Si vous n'êtes pas musulmans, ils vous tuent. Pourquoi font-ils ça ? C'est leur tactique. C'est une manière de dire qu'ils protègent les musulmans kényans. »

« In fine, les deux communautés ont été touchées »

Pour Titus Musioka, sacristain de l’Africa Inland Church de Garissa, cet évènement ne divisera pas pour autant les communautés. « Il y avait plus de tensions entre les communautés en décembre après l’attaque de Mandera, rappelle-t-il. Les shebabs s’étaient attaqués aux chrétiens exclusivement, et avaient laissé les musulmans partir sans les tuer. Mais avec cette attaque à l’université, ce que j’ai compris, c’est que même s’ils ont voulu là aussi séparer les gens, in fine, les deux communautés ont été touchées. Ils ont tué des chrétiens et des musulmans. Personne ne peut y voir autre chose qu’un massacre, ça ne peut pas séparer les gens. »

Titus Musioka explique d'ailleurs que « le lendemain, toute la population avait peur d’aller travailler. Ils avaient peur pour leur vie, ils avaient peur à cause de tous ces morts. Quand vous rencontrez un membre de l’autre communauté, vous parlez de ça. Parce que ça a affecté toute la population. On peut plutôt donner comme source de tension le fait que la communauté musulmane n’a pas peur quand elle va prier. Ils peuvent prier sans avoir besoin de protection. Il n’y a que nous qui sommes sous protection. Eux, ils peuvent aller à la mosquée, ils prient, même très tôt le matin. Personne chez eux ne se pose la question de la sécurité avant d’aller prier très tôt le matin. »

Le sacristain souhaite que les autorités cessent de faire le jeu des shebabs. « La meilleure des réponses, dit-il, c'est de dire : " Pourquoi tuez-vous des musulmans en Somalie ? " Les musulmans sont des musulmans. Mais il y a cette peur qu'ils sont arrivés à instaurer, c'est ça qu'il faut combattre. Quand on commence à dire, " ça c'est l'islam ", on fait leur jeu. » Et ce message, Muhamay Salat ne l'adresse pas seulement au président kényan, mais à toute la communauté internationale.

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