ETATS-UNIS - C'est officiel. Le sénateur Rand Paul, conservateur libertarien et précurseur du Tea Party, a lancé mardi 7 avril sa campagne pour l'investiture républicaine de 2016, sur un programme destiné à faire de lui le candidat "de la liberté" face à l'establishment, représenté par Jeb Bush.
A 52 ans, le sénateur du Kentucky est devenu le deuxième candidat majeur à officialiser son ambition de succéder à Barack Obama à la présidentielle de novembre 2016, après son collègue Ted Cruz il y a deux semaines. Jeb Bush, premier des sondages des primaires, n'a pas encore franchi le pas mais sa candidature est jugée acquise, tout comme celle de la démocrate Hillary Clinton.
Il dénonce "tout le système politique"
"La dette a doublé sous une administration républicaine, et est en train de tripler sous la responsabilité de Barack Obama", a lancé Rand Paul lors d'un discours à Louisville, dans son fief du Kentucky (centre-est), devant des centaines de partisans. "Il me semble que c'est la faute des deux partis et de tout le système politique", a estimé le sénateur, qui propose de limiter le nombre des mandats des élus du Congrès, et d'amender la Constitution pour interdire les déficits.
Dans le style et sur le fond, Rand Paul veut trancher avec ses nombreux rivaux et renouveler l'image, ainsi que l'électorat, du vieillissant parti républicain. Une étudiante et un révérend noir ex-démocrate ont pris la parole avant lui mardi. Ses équipes ont passé du funk et du Metallica. Sur Twitter, elles mènent une campagne très agressive pour recruter des soutiens.
"Le message de liberté, d'opportunité et de justice vaut pour tous les Américains, que vous portiez un costume, un uniforme ou un bleu de travail, que vous soyez blanc ou noir, riche ou pauvre", a-t-il déclaré. Rand Paul, ophtalmologiste de profession, n'a que peu d'expérience politique: il n'a été élu au Sénat qu'en novembre 2010, à la faveur d'une insurrection du mouvement naissant du Tea Party.
Le fils de son père
Idéologiquement, ses idées viennent de la tradition libertarienne (équivalent américain de libertaire), conservatrice sur les questions économiques et libérale sur les questions de société. Son père, Ron Paul, fut candidat à la présidentielle de 1988 et porta la flamme libertarienne aux primaires républicaines de 2008 et 2012, épaulé par son fils. Mais comme pour se distinguer de cet héritage, il n'a pas donné la parole mardi à son père, silencieux et impassible dans un gradin.
Rand Paul est en guerre ouverte contre les néoconservateurs de son parti, déplore l'interventionnisme des années Clinton, Bush et Obama, et promeut une ligne économique ultra-libérale. Il a dénoncé les violations de la vie privée par l'Agence nationale de sécurité (NSA) et promeut une réforme du système pénal, qui emprisonne trop de jeunes Noirs, dit-il.
"Ca m'a fait plaisir d'entendre qu'il veut mettre fin à la surveillance massive de la NSA dès son premier jour comme président", a jugé un entrepreneur de 27 ans venu de Nashville, Will Greg. "Notre détresse face au système pénal est quelque chose qui lui tient vraiment à cœur", s'est félicité Derek Barber, un électeur noir de 32 ans.
Loin derrière ses rivaux républicains
Mais il a aussi pris soin de rassurer la base républicaine, inquiète de ses positions passées jugées isolationnistes, en jurant de combattre l'"islam radical"? "Je ferai tout pour défendre l'Amérique de ceux qui haïssent l'humanité!", a-t-il lancé, rejoignant l'orthodoxie républicaine actuelle.
Des fans de la première heure étaient surreprésentés. Une famille a fait plus de 12 heures en voiture, depuis Philadelphie (est), pour assister à l'événement. "On a tous entendu ces histoires que Rand Paul serait fou, mais quand on regarde de près ses idées, elles sont très logiques d'un pur point de vue républicain", explique Julie Zayon, la maman. Son fils de 16 ans, aux cheveux bleus, est grand fan du sénateur.
Les démocrates, eux, insistent sur le caractère radical des propositions économiques et budgétaires de Rand Paul. "Il dit qu'il est différent, mais quand on regarde de près, il est comme tous les autres prétendants républicains: bon pour les plus riches et mauvais pour la classe moyenne", a estimé la présidente du parti démocrate, Debbie Wasserman Schultz.
Les sondages plaçaient Rand Paul, avant sa déclaration, nettement derrière Jeb Bush et le gouverneur du Wisconsin (nord), Scott Walker, dans le même peloton que Ted Cruz et l'ex-gouverneur de l'Arkansas (sud) et pasteur, Mike Huckabee.