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Le gouvernement s'attaque à la rente des opticiens

Soutenus par le gouvernement, les sénateurs veulent faciliter la vente de lunettes sur Internet. Bercy espère faire baisser les prix de 25 %. Tollé des opticiens.

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Publié le 12 décembre 2013 à 11h39, modifié le 12 décembre 2013 à 17h42

Temps de Lecture 4 min.

Selon « Les Echos », le gouvernement aurait renoncé à l'abaissement progressif des remboursements à 300 euros en 2018.

Stupeur, colère, incompréhension, trahison. Les opticiens étaient vent debout, mercredi 11 décembre, au lendemain de l'adoption d'amendements par le Sénat libéralisant les ventes de lunettes et de lentilles sur Internet pour faire baisser les prix.

Le premier amendement autorise un investisseur à s'installer comme opticien à condition d'embaucher un salarié diplômé d'optique. Le second demande aux ophtalmologues d'inscrire sur l'ordonnance l'écart pupillaire du patient en plus des corrections nécessaires pour améliorer sa vue.

A cela s'ajoute une disposition qui enlève à cette profession et aux pharmaciens l'exclusivité en matière de vente des produits d'entretien des lentilles.

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Tous ces amendements, soutenus par le gouvernement, sont inclus dans le projet de loi sur la consommation, qui sera soumis au vote des députés lundi 16 décembre.

Ils font suite aux critiques sur le coût élevé des lunettes : 470 euros en moyenne, soit deux fois plus qu'au Royaume-Uni, en Espagne, en Italie et en Allemagne d'après les calculs de la Cour des comptes publiés en septembre. Cela entraîne des marges conséquentes puisque chaque paire de lunettes vendue rapporte en moyenne 275 euros au vendeur, d'après une étude d'UFC-Que choisir réalisée en avril.

Lire le décryptage : Optique : la concurrence s'accroît, les marges aussi

Or, selon le ministère chargé de la consommation, ces tarifs élevés, conjugués à une faible prise en charge par l'Assurance-maladie (entre 4,44 et 31,14 euros par monture), contraignent près de 3 millions de Français n'ayant pas d'assurance complémentaire à renoncer aux soins optiques.

D'où la volonté de faire baisser les prix d'environ 25 % en introduisant une dose de concurrence par Internet. « Cela va permettre de rendre plus d'un milliard d'euros de pouvoir d'achat au consommateur », s'est félicité, mardi, Benoît Hamon, le ministre délégué à la consommation.

« PLUSIEURS MILLIERS D'EMPLOIS MENACÉS »

Ces déclarations ont mis le feu aux poudres. « Ces procès d'intention sont révoltants pour notre profession », s'indigne Alexandra Duvauchelle, déléguée générale du Syndicat des opticiens entrepreneurs (SynOpE), « au prétexte supposé d'économies non démontrées par ailleurs, le gouvernement est prêt à sacrifier la sécurité sanitaire des Français en matière d'équipement d'optique. »

Elle rappelle qu'un opticien ne se limite pas à mesurer l'écart pupillaire, il mesure aussi la distance du verre par rapport à l'œil, qui doit être faite directement sur le porteur de montures. « Si l'on se borne aux simples arguments économiques, priorité supposée du ministère de l'économie, ce sont plusieurs milliers d'emplois qui sont menacés dans ce secteur », qui compte 35 000 opticiens.

« Nous sommes surpris par ce gouvernement qui est un peu girouette. Quand le vent des mutuelles souffle, il va dans sa direction, quand ce sont les 'pure players', il les suit. Pour tout vous avouer, nous avons un peu de mal à suivre », estime Jean-Pierre Champion, directeur général de Krys.

Lire aussi : Attaqués sur leurs marges, les opticiens se défendent

« AMATEURISME »

Pour lui, cette estimation de gain de plus d'un milliard d'euros grâce à Internet « relève de l'amateurisme », car, dans les pays, comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, qui ont développé la vente en ligne, elle ne représente que 3 % du marché. « Si ce n'était qu'une question de prix, Internet serait un boulevard », ajoute-t-il. Tout en se montrant favorable à la vente en ligne comme canal de distribution. Et de noter, non sans ironie, que Benoît Hamon, qui se dit « le champion du modèle coopératif, a oublié qu'il y avait trois grandes coopératives dans ce secteur ». En l'occurrence Atol, Krys Groupe et Optic 2000, qui représentent 40 % du marché.

« Depuis six mois, nous avons l'impression d'être pris en otage par l'opinion sur le thème des lunettes trop chères », s'insurge Didier Papaz, PDG d'Optic 2000. D'un côté, souligne-t-il, le ministère de la santé a préparé des textes inclus dans le projet de loi de financement de la santé, pour mieux réguler le secteur ; de l'autre, Bercy prend des initiatives sans concertation.

« Il y a tellement d'agitation depuis des mois qu'il est difficile de voir dans quelle direction tout cela va », estime Eric Léonard, directeur Europe d'Essilor, le leader mondial des verres de lunettes. Selon lui, les grands oubliés dans ce débat axé sur les prix sont le patient, la santé visuelle et la qualité des produits. « Il faut absolument tous se mettre autour de la table, professionnels et pouvoirs publics, pour étudier le système le plus efficace. »

CONTRE-ATTAQUER SUR L'ASPECT SANTÉ

Si, du côté des opticiens, chacun pense qu'il y a des améliorations à apporter au secteur, dans l'immédiat, pour le patron d'Optic 2000 « le grand gagnant de ce texte est Marc Simoncini », l'ancien patron de Meetic, qui a lancé en 2011 Sensee, un site de vente en ligne de lunettes et de lentilles à bas prix. « Je suis perplexe de voir Benoît Hamon, un homme de gauche, soutenir un businessman financier qui veut faire exploser un secteur », constate M. Papaz.

« On est très violemment attaqués, reconnaît Marc Simoncini. La France est le seul pays au monde où les lunettes ne se vendent pas sur Internet. Les yeux des Français seraient-ils différents ? »

La vigueur de l'offensive n'est pas due aux 10 % du marché que pourraient prendre à terme les ventes par Internet, mais au « fait que nous donnons la vérité sur les prix », affirme M. Simoncini. Il estime à 1,5 milliard les surcoûts liés au prix élevé des lunettes, aux surfacturations et aux fraudes. Il s'insurge aussi contre l'argument avancé du non-respect par les sites en ligne des conditions de santé. « C'est faux, nous employons quatre opticiens. »

C'est justement sur l'aspect santé que comptent contre-attaquer les opticiens, qui se demandent si une loi sur la consommation est le bon vecteur pour modifier des textes qui relèvent du code de santé publique.

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