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A Beaucaire, aussi, la mairie FN s'en prend au club de football

Dirigée par le parti d'extrême droite, la municipalité a réduit de moitié les subventions destinées la saison prochaine au Stade beaucairois.

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Publié le 14 avril 2015 à 13h14, modifié le 14 avril 2015 à 17h55

Temps de Lecture 5 min.

La photo de l'équipe du Stade beaucairois, publiée sur la page Facebook du club. DR

Il faut croire qu'il ne fait pas bon être un club de football amateur dans l'une des onze municipalités remportées par le Front national. Après celui de Mantes-la-Ville (Yvelines), c'est au tour du club de Beaucaire, dans le Gard, de voir ses subventions drastiquement diminuées.

Le Stade beaucairois, modeste pensionnaire de division d'honneur régionale (7e division nationale), perdra ainsi à partir de la saison prochaine la moitié de ses subventions, comme l'a annoncé au Monde Laurent Quinto, secrétaire général du club. L'enveloppe financière passera de « 80 500 euros à 40 000 euros », déplore M. Quinto, navré de cette décision prise lors du conseil municipal de vendredi 10 avril. De quoi faire fondre un budget, que la direction du Stade beaucairois estime cette année à 130 000 euros.

Une mesure choc qui met en péril l'un des plus anciens clubs du Gard, fondé en 1908. Face à cette situation d'urgence, le président du Stade beaucairois, Georges Cornillon, envisage une décision aussi douloureuse que désespérée :

« Aujourd'hui, notre comité directeur se réunit. Il est possible que toute la direction du club choisisse dès ce  soir de démissionner collectivement à partir de la saison prochaine. Et ensuite, j'ai bien peur que personne ne veuille reprendre le club… »

D'ores et déjà privé d'un tiers de son budget pour la saison à venir, le club gardois subit peu ou prou la même mésaventure que le Football club mantois. Pensionnaire du Championnat de France amateur (4e échelon national), ce club de la banlieue parisienne a lui aussi été durement touché, dès le 30 mars. D'où là mobilisation que les dirigeants des Yvelines ont organisée le week-end dernier, à l'occasion d'un match à domicile, pour protester contre la mairie FN.

Alors que dans les Yvelines les dirigeants semblent déterminés à contester la mesure, ceux de Beaucaire s'avouent plutôt résignés. Il faut dire qu'ici, vu le budget annuel du club, la situation est peut-être encore plus préoccupante que pour le FC mantois et son budget supérieur à 600 000 euros, malgré 45 000 euros de subvention en moins.

« Peut-être un peu trop cosmopolite... »

Homme « de gauche », sans pour autant être adhérent d'un parti, tête de liste aux municipales de 2008, Georges Cornillon vient de siéger pendant onze ans dans l'opposition comme conseiller municipal de Beaucaire. Une ville de seize mille habitants qui fut communiste jusqu'au début des années 1980, puis qui glissa vers la droite ou le centre droit pour basculer finalement, en 2014, à l'extrême droite. Le nouveau maire, Julien Sanchez, est un proche de Jean-Marie Le Pen. C'est, par ailleurs, dans cette ville que  Marine Le Pen est allée le 11 janvier « rendre hommage » aux victimes des attentats au siège de Charlie-Hebdo et dans un magasin Hyper Cacher, à Paris. 

Même s'il ne figure plus parmi les élus, Georges Cornillon a tenu à assister au conseil municipal du 10 avril. Il raconte la scène :

« J'y suis allé pour entendre les débats. Et quand j'ai vu ce qui allait se décider, je me suis levé pour dire à l'équipe municipale : “Vous êtes les fossoyeurs de toutes les associations de Beaucaire, vous voulez qu'au lieu de jouer au foot, tous nos licenciés se retrouvent à traîner dans les rues ?” »

Hors de lui, le dirigeant a finalement tourné les talons plus tôt que prévu. « Si je n'étais pas parti de moi-même, je me serais fait sortir par la police municipale. » Avec le recul, le septuagénaire voit une explication principale à cette baisse substantielle de subvention : « Notre club compte trois cent quatre-vingt-quatre licenciés et, parmi eux, une majorité de Maghrébins, alors, vous comprenez… » Et Laurent Quinto de regretter à son tour : « Apparemment, le FN n'aime pas trop le ballon, on est peut-être un peu trop cosmopolite… »

Le jeune et nouvel édile de la ville réfute pourtant tout soupçon de discrimination : « Contrairement à tout ce que l'on peut dire, je ne vise pas du tout les jeunes de l'immigration ou je ne sais quoi », tente-t-il de se défendre. Puis, citant l'exemple du club local de football en salle : « La preuve, le club de futsal a lui aussi la plupart des joueurs issus de l'immigration, et pourtant, nous avons décidé d'augmenter sa subvention annuelle de 2 000 euros à 7 000 euros par an.»

« Il faut aussi que les associations se bougent »

Elu l'an dernier, le trentenaire s'était déjà fait remarquer plus tôt dans l'année en coupant les vivres au centre socio-culturel La Maison du vivre-ensemble, fermé le 28 janvier. Le mois suivant, il décidait d'interdire l'accès aux cantines scolaires aux enfants dont les parents n'ont pas réglé au préalable les frais d'inscription. Invoquant sa volonté de ne pas augmenter les impôts des Beaucairois malgré les baisses de dotation de « l'Etat socialiste », Julien Sanchez justifie le traitement infligé au club de football local : « A Beaucaire, la somme était démesurée par rapport aux autres associations sportives. Le club d'aviron de la ville, deuxième association qui touche le plus d'argent, n'a que 28 000 euros par an. »

A propos de ce désengagement municipal, le maire ajoute : « Il n'y a pas que l'argent public qui doit servir aux associations, il faut aussi qu'elles se bougent et qu'elles aillent chercher des subventions auprès d'entreprises et solliciter des sponsors. » Démarche compliquée, toutefois, quand on ne joue qu'en septième division nationale. Autre piste, selon Julien Sanchez qui n'hésite pas à se faire ironique : « Sinon, le club peut également demander de l'argent aux socialistes du conseil régional, ils n'ont qu'à dire que le méchant maire de Beaucaire est horrible. »

« On ne va pas vendre des chichis ! »

Finaliste de la Coupe de la région Languedoc-Roussillon, prévue à la mi-mai, le Stade beaucairois ignore pour le moment de quoi son avenir sera fait. « On ne peut quand même pas se permettre de passer toute l'année prochaine à vendre des chichis ou des crêpes pour gagner de l'argent, ce n'est pas notre vocation », enrage Laurent Quinto. Qui poursuit, toujours aussi colère : « La ville avait postulé pour servir de ville d'accueil à une sélection nationale pour l'Euro 2016. Là, je vais dire à la Fédération française de football qu'il faut refuser. On ne va quand même pas accueillir une équipe nationale dans une ville qui est en train de tuer le sport ! »

Epaulé par l'ancien défenseur marseillais Johnny Ecker, lui-même ancien joueur du club, le Stade beaucairois avait par ailleurs l'intention d'ouvrir une cellule de formation spécialement destinée à sa section féminine. Projet aujourd'hui plus que compromis.

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