Tapolca et ses 16 000 habitants viennent d’entrer dans l’histoire de la Hongrie contemporaine par la porte de l’extrême droite.

Lors d’une élection législative partielle, organisée dimanche 12 avril, après le décès d’un élu dans cette discrète ville située non loin des rives du lac Balaton, le Jobbik a remporté un fauteuil de député dans le cadre d’un scrutin majoritaire direct.

Déjà représenté par 23 élus au parlement (sur 199), le parti antisémite et anti-Roms n’avait jusqu’alors gagné des sièges à Budapest qu’à la faveur d’un système mêlant scrutin majoritaire à un tour et compensation par listes. C’est la première fois que des électeurs désignent l’un des siens directement.

« Un désir de changement » selon Gabor Vona

Ayant récolté 35,3 % des suffrages après le dépouillement de 99 % des bulletins, Lajos Rig, le vainqueur, doit encore attendre la proclamation officielle des résultats, jeudi 16 avril. Ils devront intégrer les voix de l’étranger, qui pourraient légèrement modifier son score.

Mais le président du parti, le jeune Gabor Vona, 36 ans, se réjouit déjà. « Il y a un désir de changement de gouvernement en Hongrie et maintenant il y a les moyens de le faire », s’est-il félicité.

Le caractère inédit de la victoire du Jobbik à Tapolca fournit un motif de satisfaction à Gabor Vona, qui y voit aussi la confirmation du succès de son parti à Ozd, ville de 34 000 habitants, lors des élections locales, à l’automne.

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Cuisante défaite du gouvernement

Le jeune leader se réjouit aussi du recul de son principal adversaire politique : le Fidesz, le parti de la droite conservatrice dirigé par le premier ministre Viktor Orban, victorieux à Tapolca, lors des législatives d’avril 2014.

« À l’époque, l’avantage du Fidesz était incomparable », souligne Peter Kreko, directeur de l’Institut Political Capital, un think-tank de Budapest.

Que s’est-il passé, en un an, pour le tout-puissant Fidesz, fort de près de deux tiers des sièges au Parlement, en arrive à une si cuisante défaite ?

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Soupçons de corruption

« Le Fidesz a perdu beaucoup de ses soutiens pour trois raisons principales, poursuit Peter Kreko. Des soupçons de corruption, des mesures gouvernementales impopulaires et une lutte de pouvoir interne. »

L’abandon d’un projet de taxe sur les téléchargements, qui avait entraîné plusieurs manifestations à l’automne, n’a pas suffi à préserver la popularité du gouvernement.

Des soupçons de corruption à l’encontre de plusieurs proches du Fidesz, dont la directrice du fisc, Ildiko Vida, interdite de visa aux Etats-Unis, ont contribué à saper la confiance des électeurs.

« Une campagne Benetton »

Le Jobbik récolte peut-être aussi les fruits d’une stratégie de dédiabolisation mise en oeuvre l’an dernier, avant les législatives. « À l’époque, le parti n’a pas véhiculé de message négatif, il a plutôt fait une campagne Benetton », rappelle Peter Kreko en référence à la marque de prêt-à-porter italienne, dont les affiches publicitaires, dans les années 1990, célébraient la diversité.

Né en 2003, considéré comme le deuxième parti de Hongrie et le plus populaire auprès des moins de 30 ans, le Jobbik – « Mouvement pour une Hongrie meilleure », selon son slogan – défend un projet résolument nationaliste.

Un parti europhobe

« Sa vocation fondamentale est de protéger les valeurs et les intérêts hongrois », indique son site Internet. Europhobe – bien qu’il soit représenté par trois élus à Strasbourg –, il reste antisémite et hostile aux Roms.

La « situation, sans solution, de leur population toujours croissante » constitue l’un des « problèmes sous-jacents de la société hongroise », explique le même site.

Pour ces raisons, sa mue ne convainc pas Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean-Jaurès, qui prévient : « C’est l’un des rares parmi les partis nationalistes radicaux qui n’ait pas changé son programme d’un iota pour s’aligner sur le politiquement correct ».

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Le Fidesz, une suprématie fragilisée

Président du Fidesz, Viktor Orban exerce son troisième mandat de premier ministre, poste qu’il a déjà occupé de 1998 à 2002 et de 2010 à 2014.

Lors des législatives d’avril 2014, le parti, au discours conservateur, nationaliste et eurosceptique, a obtenu deux tiers des sièges au Parlement.

Durant le mandat précédent, une série de réformes, de la justice notamment, lui avaient permis de contrôler les rouages de l’État.

Lors d’une élection partielle, en février dernier, le Fidesz a perdu sa majorité parlementaire des deux tiers lorsqu’un candidat de gauche a remporté un siège de député laissé vacant par le Commissaire européen à la culture et à l’éducation, Tibor Navracsics.