Fruit d’une ambitieuse coproduction franco-américaine, le documentaire “Pétra, capitale du désert”, diffusé samedi 18 avril sur Arte, propose une superbe découverte de la civilisation disparue des Nabatéens. Entretien avec le réalisateur, Olivier Julien.
Publié le 16 avril 2015 à 17h45
Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h35
Olivier Julien, réalisateur de documentaires pour Arte, a tourné deux numéros de la collection Monuments éternels, sur Sainte-Sophie, à Istanbul (rediffusion le 2 mai prochain), et sur Pétra, en Jordanie. Pour poser un regard neuf sur ces sites célèbres dans le monde entier, une équipe française a travaillé avec une production américaine de façon complémentaire durant deux ans. Pétra, capitale du désert, formidable voyage au cœur d'une civilisation disparue, diffusé samedi 18 avril sur Arte (et encore visible sur Arte +7 et ci-dessous, jusqu'au 25 avril). Olivier Julien revient sur les enjeux de ce film.
L'écriture du scénario : un défi transatlantique
« Pour concevoir les films de cette collection et aboutir à un projet commun, il y a eu un vrai travail de coécriture des scénarios entre les Américains – qui, à l'arrivée, montent des documentaires de 52 minutes – et nous, Français, qui visons le format de 90 minutes. Alors que les Américains de WGBH et de Providence Pictures privilégient la découverte des secrets de fabrication, l'aspect « engeneering » et un côté « divertissement », les Français et Arte, eux, se concentrent sur une plus grande exigence en termes de contenu et d'exactitude des informations. Filmer l'architecture est difficile : je voulais que l'on soit à fond sur le sujet, j'avais envie de faire de belles images et de mettre en valeur le site archéologique de Pétra. »
Les drones : une technologie adaptée au site de Pétra
« On a tourné deux jours avec des drones. Cette technologie s'est imposée pour certaines séquences, car c'était la seule qui nous permettait de montrer le site dans sa globalité ou certains monuments comme la Khazneh d'une manière jamais vue. C'est l'une des choses pour lesquelles je me suis vraiment battu. Les drones, ballons ou hélicoptères sont des outils : soit on s'en sert pour faire du spectaculaire, soit pour raconter quelque chose de précis.
Au montage, on obtient avec ces images aériennes ce que l'on a avec les images sous-marines : une durée de plans très différente et un côté merveilleux qui, ici, donne le sentiment de voler. Quand, en plus, on essaye de rendre ces plans signifiants, cela devient très intéressant : le spectateur prend conscience des dimensions du site de Pétra. C'est gigantesque ! »
De Pétra, pillée, à sa petite sœur, Hégra, sauvegardée depuis deux mille ans
« C'est l'un des atouts du film : on a aussi eu accès à Hégra, qui est l'autre cité nabatéenne, en Arabie saoudite. Les fouilles archéologiques d'Hégra ont vraiment démarré en 2008. Très peu de gens s'y sont rendus. A Pétra, qui a été pillée pendant des millénaires, les archéologues n'ont pas trouvé grand-chose, alors que les fouilles entreprises à Hégra ont permis de résoudre certaines énigmes et d'éclairer des questions sans réponse sur Pétra. On commence à avoir une vision plus globale de la civilisation des Nabatéens. Le film accorde donc une large place à ces découvertes récentes. »
Secrets de fabrication : de Pétra à la Californie
« La spécificité de Pétra, c'est que les tombeaux ne sont pas construits ou bâtis pierre après pierre, mais sculptés directement dans la roche. Les Américains ont donc mené l'expérience aujourd'hui : ils ont taillé une façade sur un immense bloc de grès similaire à celui de Pétra. Cela permet d'avoir un apercu des techniques très abouties utilisées par les Nabatéens. »
Pétra, capitale du désert de la superficie de Manhattan : à l'image de l'éclosion de Dubai
« D'inspiration gréco-romaine, avec des éléments assyriens et d'autres propres à la culture nabatéenne, Pétra était une ville énorme. On estime qu'elle a compté jusqu'à 30 000 habitants en plein désert ! Tous ces monuments sculptés ont vu le jour en moins d'un siècle. Cette culture nomade d'origine arabique s'est sédentarisée à Pétra autour du commerce caravanier et de la vente des épices et de l'encens. Grâce à ces activités très lucratives, les Nabatéens se sont énormément enrichis. Entre – 50 av. J.-C. et l'an 50 de notre ère, ils ont complètement reconstruit leur centre-ville « à l'européenne », si on peut dire. Ils ont utilisé chaque ressource de leur territoire, maîtrisé les crues hivernales grâce à une succession de barrages. On est face à un essor qui ressemble à celui de Dubai aujourd'hui. Puis, en moins de cinquante ans, les Nabatéens ont été absorbés par les Romains. C'est une histoire palpitante. »