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Migration : quatre mesures immédiates que l’UE pourrait prendre

Face à l’hécatombe meurtrière en Méditerranée, les ONG et les parlementaires de gauche défendent des solutions pour l’accueil des réfugiés. Tout le contraire des dirigeants européens, qui ne pensent qu’à renforcer le contrôle aux frontières.

L’hécatombe est devenue quotidienne. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a reçu hier des appels de détresse de deux embarcations transportant 450 personnes. Les gardes-côtes n’avaient « pas les moyens de les secourir », a expliqué l’OIM, car ils étaient encore mobilisés sur le naufrage de la veille. Le bilan macabre du naufrage d’un chalutier, ce week-end, est passé de 700 noyés à 950, selon le parquet de Catane, en Sicile. Le choc est tel que l’Union européenne (UE) convoquait, hier, en début d’après-midi, une réunion des ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères. Par ailleurs, en mer Égée, trois migrants périssaient à leur tour lors du naufrage d’un voilier transportant 80 personnes. L’UE n’est pas face à une fatalité mais, selon plusieurs ONG et parlementaires européens de gauche, elle est confrontée aux résultats des politiques toujours plus répressives en matière d’immigration. Des solutions existent, pourtant, pour que l’Europe cesse enfin sa politique de non-assistance à personnes en danger.

Ces dix derniers jours, au moins 1 350 migrants sont morts noyés aux portes de la forteresse européenne. « Nous n’avons plus d’alibi, déclarait la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, hier, avant la réunion extraordinaire, des ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères de l’Union. On a besoin de mesures immédiates de la part de l’Union européenne (UE) et des États membres. » Mais face à une telle tragédie, les ministres européens de l’Intérieur et des Affaires étrangères ont décidé, à l’issue d’une réunion d’urgence (lire encadré), de renforcer les moyens accordés à l’agence Frontex chargée du contrôle des frontières européennes depuis 2004. Ils refusent encore de prendre leurs responsabilités en pointant du doigt les seuls passeurs, qualifiés dimanche par François Hollande de « terroristes ». Des mesures concrètes et immédiates peuvent pourtant être prises avant même d’entamer une radicale modification des politiques migratoires.

1. Créer une coalition des pays prêts à agir pour les migrants

Au mois de novembre 2014, l’Italie esseulée abandonnait son opération de sauvetage, « Mare Nostrum ». Les États membres de l’UE lui substituaient alors « Triton », menée par Frontex, dont le mandat est principalement répressif. Son budget représente 3 millions d’euros mensuels, soit trois fois moins que ce que les Italiens accordent seuls aux missions de secours. « C’est impardonnable, s’insurgeait, hier matin l’eurodéputée du Parti de la gauche suédoise, Malin Bjork. Les États ne peuvent plus se cacher derrière les vingt-sept autres. Si tous ne sont pas prêts à mettre en place un nouveau “Mare Nostrum”, que ceux qui le sont passent à l’action. Les gens meurent. Il s’agit de sauver des vies. » Pour la parlementaire, membre de la Gauche unitaire européenne, la Grèce, l’Espagne et l’Italie ne peuvent pas accueillir seules le flux incessant de réfugiés fuyant les conflits armés. Et d’ajouter : « Il y a des pays d’Europe, dans lesquels l’extrême droite est au gouvernement. On ne pas attendre que les vingt-huit États membres soient prêts à changer de politiques migratoires. Si un seul bateau coule encore, ce sera par manque de courage politique. »

2. Appliquer la circulaire sur la protection temporaire

En cas d’afflux massif de personnes déplacées, une circulaire adoptée par l’UE, le 20 juillet 2001, lui permet de déclencher un mécanisme de protection immédiate et l’accès aux ressources financières du Fonds européen pour les réfugiés. « Avec l’aval du Conseil européen, l’UE peut tout de suite choisir d’appliquer cette directive, propose pour sa part Olivier Clochard, chercheur au CNRS spécialisé dans les migrations humaines et président du Réseau Migreurop. Grâce à elle, les États frontaliers peuvent mettre en place des dispositifs d’accueil provisoires tout en facilitant l’accès au statut de demandeurs d’asile et sans être contraints par le règlement de Dublin. » Pour le géographe, les États membres disposent déjà d’un arsenal de textes qu’ils n’appliquent pas parce qu’ils sont confrontés nationalement à la montée de l’extrême droite.

3. Suspendre le règlement Dublin 3

Le règlement Dublin 3 oblige les États à refuser l’asile à tout demandeur ayant été enregistré au préalable dans le premier pays européen par lequel il a transité. En plus de créer des situations personnelles indignes, lorsque le migrant se retrouve sans droit ni titre à l’intérieur d’un pays européen, cette législation a poussé des pays ayant des frontières extérieures terrestres à mettre en place des barrières infranchissables. Ainsi, la Bulgarie s’est dotée d’un mur équipé de matériel high-tech, financé dans le cadre du dispositif Eurosur. Ces barrières poussent les migrants à emprunter les voies maritimes, avec les conséquences actuelles.

4. instaurer de véritables plans de sauvetage et d’accueil

« Les moyens octroyés aux dispositifs comme Frontex, Eurosur ou Closeye sont donnés à des entreprises privées comme Thales, dénonce Olivier Clochard. Six millions d’euros ont été accordés par l’UE à EADS pour le contrôle des frontières roumaines. De plus, à Migreurop, nous chiffrons le coût de chaque reconduite à la frontière à 27 000 euros. Tout cet argent pourrait aller à de réelles politiques d’accueil. » Le président de Migreurop pointe les dénonciations incessantes par les droites du « coût » de l’asile. « Mais si on facilitait le droit à l’accès au travail des réfugiés, cela permettrait de sortir d’une logique d’assistanat. » « C’est une question de priorité, reprend Malin Bjork. Pour l’instant, l’Europe choisit de militariser ses frontières, alors que tout cet argent pourrait être redirigé vers les sauvetages en mer. » Mais le patron de Frontex, Fabrice Legeri concédait, hier sur France Inter, que l’UE ne s’est jamais dotée de « compétences pour le secours en mer »… Et Loris De Filippi, président de Médecins sans frontières, en Italie, d’ajouter : « Les politiques mises en œuvre par l’UE sont en train de faire de la mer Méditerranée une fosse commune. »

une explosion de réfugiés   Entre 500 et 1 000 personnes sont récupérées chaque jour par les navires italiens. Selon le Haut Comité pour les réfugiés, 200 000 personnes ont tenté de traverser la Méditerranée pour fuir les guerres en 2014. C’est trois fois plus qu’en 2011.

1 600 C’est le nombre de migrants disparus en mer Méditerranée depuis le 1er janvier. 3 400 migrants sont morts en 2014, l’équivalent de deux Titanic .

Ils fuient la guerre « Il ne faut pas attendre de solutions rapides aux causes des migrations, parce qu’il n’y en a pas », a dit Donald Tusk, président du Conseil européen. Faux, rétorque Amnesty : « C’est la conséquence de la situation en Libye, qui sombre dans le chaos, et du conflit en Syrie. »

« per L’altra Europa » « L’Europe doit sauver des vies, pas mettre en place des patrouilles aux frontières. » Barbara Spinelli, eurodéputée italienne (GUE-NGL).

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