L'asperge belge se pointe avec du retard

La saison débute habituellement en mars, mais, cette année, elles se sont fait attendre. Leur prix, encore haut, va baisser semaine après semaine. Avec une septantaine d'hectares, l'entreprise limbourgeoise Van Meijl en est le plus gros producteur belge.

Charlotte Mikolajczak et M. Co.
L'asperge belge se pointe avec du retard

Elles se nourrissent de terre et de soleil. Ou plutôt de terre et de chaleur, enfouies qu'elles sont dans des talus sablonneux d'un demi-mètre de hauteur, calfeutrées sous une première bâche noire, elle-même recouverte d'une deuxième bâche transparente, quand elles ne sont pas, en sus, abritées sous d'énormes serres-tunnels chauffées. Elles se récoltent, bien blanches, dès le début du mois de mars jusqu'à la fin du mois de juin. Dans les étals, leur saison bat habituellement son plein dès la mi-avril. Cette année, à pareille époque, elles n'en sont qu'au début, la météo leur ayant joué des tours. Elles ? Les asperges blanches, ce mets précieux - au palais des Belges en tous les cas - que certains appellent "or blanc".

Un or qu'Adriaan et Jeanne van Meijl cultivent depuis 1986, dans le Limbourg, pour partie en Belgique, pour partie aux Pays-Bas.

La petite PME d'origine a grandi. Aujourd'hui, c'est sur une septantaine d'hectares et d'est à l'ouest qu'elle aligne ses couloirs qui peuvent faire jusqu'à 1 kilomètre de long. Le tout accompagné de lourds investissements : 1 million d'euros pour les bâtiments, le centre de tri, les machines…; plus, chaque année, quelque 10 000 euros par hectare en bâches, terres et semis. Ce qui lui a permis de devenir le premier producteur d'asperges blanches du pays. Une partie est vendue en direct, mais 85 % de la récolte passe par la criée BelOrta (lire ci-contre).

Si Adriaan van Meijl n'évoque pas de chiffre global pour sa production annuelle moyenne, c'est qu'elle varie fortement en fonction de l'âge du plant et de la météo. Mais aussi que, chaque année, il perd certaines parcelles et en gagne d'autres. "Un hectare produit entre 6 000 et 7 000 kilos d'asperges en moyenne, dit-il. Les deux premières années, la plante grandit. Elle ne devient rentable qu'à partir de la troisième année et s'épuise au bout de la neuvième. Il faut alors abandonner la terre à d'autres plantations pendant 20 ans avant d'y revenir."

Main-d'œuvre polonaise

Ses équipes tournent donc dans un rayon de plusieurs kilomètres autour de l'exploitation située à Hamont-Achel (plus exactement à 25 m de là, mais au-delà de la frontière), avec, tous les ans, de petits changements de paysage. "12 nouveaux hectares entrent en piste chaque année", dit ce jeune patron d'une équipe de 6-7 personnes et d'une véritable armada de 80 à 100 saisonniers pendant les quatre mois que dure la récolte. Ils viennent tous de Pologne et sont logés dans l'exploitation.

Les hommes travaillent aux champs. La "cueillette" est délicate et manuelle, avec, pour seule arme, une "gouge" qui leur permet de sectionner chaque asperge qui pointe le bout de son nez à une vingtaine de centimètres de profondeur. Les machines ne sont là que pour soulever les bâches et supporter les caisses remplies. Les femmes sont à l'atelier, et font preuve d'autant de délicatesse. Certes, les deux lignes automatisées nettoient et trient photographiquement les précieux bâtons blancs selon leur taille et leur calibre, mais que de manipulations avant et après pour aboutir dans des cageots de plusieurs kilos ou dans des barquettes de 500 grammes.

Filière de qualité

Dont une partie à destination des magasins Carrefour. Et encore, seulement de celles qui poussent en Belgique… L'entreprise Van Meijl a en effet atteint une taille suffisante pour pouvoir répondre au cahier des charges très strict du label "Filière Qualité Carrefour - FQC" (182 références en fruits, légumes, viandes, fromages…). Une filière qui ne jure que par la sentence "c'est du belge" et qui se targue de respecter le client avec des produits de qualité, goûteux et savoureux, le producteur et la nature sur fond de durabilité.

3 Questions à Jo Lambrecht, manager commercial pour la criée de fruits et légumes BelOrta (Sint-Katelijne-Waver)

Comment se fixe le prix de l'asperge ?

Toute la production est amenée quotidiennement à notre criée. Les produits sont sélectionnés en fonction de normes spécifiques, au niveau de la qualité, du calibre des asperges et du mode de préparation, en botte, en barquette ou en vrac. Il y a les vertes, les blanches ou encore les violettes. Un producteur peut avoir plus de dix catégories de produits par jour. Ensuite, les lots sont vendus progressivement en un bloc, selon leurs catégories, au cadran. La criée est la rencontre de l'offre et de la demande, donc les prix changent chaque jour. La criée, qui est une des plus modernes au monde, démarre quand le premier acheteur se montre intéressé par une partie du lot. Avant qu'un autre achète à un autre niveau de prix. Ensuite, un prix moyen au producteur par catégorie est calculé une fois que tout est vendu.

Les asperges belges sont nettement plus chères que les asperges provenant du Pérou ou d'Espagne. Comment l'expliquez-vous ?

Les prix évoluent. Il est vrai qu'il y a deux semaines encore, les prix étaient élevés car nous étions tôt dans la saison. Peu de producteurs récoltaient, il y avait donc peu d'asperges disponibles. Mais la production va augmenter progressivement et vous verrez que les prix vont devenir plus favorables dans les semaines qui viennent. Les prix d'aujourd'hui sont déjà plus bas qu'au début de la saison. J'attire aussi l'attention sur l'importance de l'appréciation du consommateur pour un produit local, produit de façon durable.

Y a-t-il une différence de qualité entre le début et la fin de la saison ?

Absolument pas. Chaque champ, chaque cultivateur a son rythme propre. C'est un savoir-faire grâce auquel il peut guider sa production au fur et à mesure que la saison avance.

Belges, espagnoles ou péruviennes

Saison. Blanches ou vertes, voire violettes, Carrefour achète ses asperges dans trois pays : en Belgique, en Espagne et au Pérou. Essentiellement pour une question d'approvisionnement 12 mois par an. "Les premières asperges blanches sont récoltées en Belgique début mars et jusqu'à fin juin, explique Kurt Verlinden, acheteur pour Carrefour. Pour peu qu'il fasse trop froid au début de la saison (repoussant l'heure des premières récoltes à début avril, comme cette année) et, surtout, trop chaud à la fin (épuisant le sol et, surtout, limitant l'indispensable teneur en sucre), la saison raccourcit." Préférence étant donnée aux belges, leurs homologues péruviennes, produites toute l'année, ne prennent le relais dans les étals qu'à partir de début juillet jusqu'à la mi-février, suivies par les espagnoles de la mi-février au début du mois d'avril, voire jusqu'à fin juin pour les amateurs du genre.

Prix. Quoi qu'on en pense, "le prix des trois origines est assez comparable, poursuit Kurt Verlinden. Tout dépend où l'on se situe dans les saisons respectives. Au début de chacune, le prix est toujours plus élevé qu'au milieu ou à la fin." Autre facteur jouant sur le prix : l'importance de la production qui dépend de la météo. "Il y a deux ans, le prix des asperges belges s'est fortement affaissé. Le début de la saison a été normal, puis les températures ont baissé et la production a été exceptionnelle !"

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