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À La Une - analyse

Cibler des églises : une stratégie du jihad global

"Les consignes sont claires: il faut s'en prendre aux chrétiens. D'ailleurs les mises en scènes en ce sens se multiplient, regardez en Syrie, en Irak, sur les plages en Libye où on égorge des coptes".

En tentant de prendre pour cible une ou deux églises, l'étudiant algérien arrêté dimanche à Paris s'inscrit dans une stratégie globale visant à fomenter une guerre de religion, estiment des experts. AFP PHOTO / KENZO TRIBOUILLARD

En tentant de prendre pour cible une ou deux églises, Sid Ahmed Ghlam, l'étudiant algérien arrêté dimanche à Paris, s'inscrit dans une stratégie globale visant à fomenter une guerre de religion et à provoquer des représailles contre les musulmans, estiment des experts.

Ces manœuvres, largement mises en œuvre au cours des derniers mois par le groupe Etat islamique et ceux qui s'en inspirent au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie du sud-est, ne datent pas d'hier mais remontent aux premiers théoriciens de l'islamisme radical, au premier rang desquels l'Egyptien Sayyid Qutb, précise l'un d'eux.

"Cette politique a été élaborée par Qutb dans les années 50", explique Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, service d'espionnage français), en évoquant Sayyid Qutb, maître à penser de l'islam radical, membre des Frères musulmans pendu en Egypte en 1966. "Rendre le monde musulman haïssable, de façon à provoquer une réaction contre les musulmans. Provoquer un engrenage pour isoler les musulmans, les rendre agressifs et rendre les autres agressifs contre eux. Daech (un acronyme en arabe de l'Etat islamique) n'a fait que reprendre ce vieux scénario", analyse-t-il. Selon Alain Chouet, le groupe Etat islamique, en perte de vitesse sur le terrain, "rentre dans une ligne de confrontation forte et tente d'exacerber les fissures et les scissions dans notre société, pour obtenir le rejet des musulmans".


(Lire aussi : "Cinq attentats" ont été "déjoués" en France ces derniers mois)


Selon Jean-Pierre Filiu, professeur à l'Institut de Sciences politiques à Paris, l'objectif fondamental des jihadistes "est de déclencher une spirale de violence intercommunautaire en France comme dans les pays voisins, en suscitant, par des provocations terroristes, des représailles aveugles contre les populations musulmanes". "C'est ainsi qu'ils avaient diversifié leurs cibles de janvier dernier (à Paris), espérant provoquer les juifs par le massacre (du magasin) Hyper Cacher, les laïcs par l'attentat contre (le journal) Charlie Hebdo et les forces de l'ordre par le meurtre de policiers. Ce plan a été mis en échec par la mobilisation citoyenne du 11 janvier", qui avait vu les Français descendre dans la rue dans tout le pays par centaines de milliers. "Ils se tournent désormais contre les églises. Mais demain, cela pourra être les écoles ou les centres commerciaux, l'objectif étant toujours de prendre les musulmans en otages", estime l'expert.

(Lire aussi : Ce que l'on sait de l'homme soupçonné d'avoir planifié un attentat en France)

 

Exacerber la confrontation musulmans-chrétiens
Dans leur propagande sur internet, les islamistes radicaux martèlent, à destination des communautés arabes et musulmanes installées en Occident, qu'ils n'ont pas leur place dans ce qu'ils qualifient de "sociétés mécréantes" et les encouragent à émigrer en "terre d'islam". Et comment mieux le leur démontrer qu'en provoquant, par des attaques ciblées, une augmentation des actes antimusulmans?

Depuis le début de l'année, le nombre d'actions et menaces contre les musulmans a été multiplié par six en France, selon l'Observatoire contre l'islamophobie. "Daech a pour but d'exacerber la confrontation entre l'Occident et le monde arabe, entre musulmans et chrétiens", explique Alain Chouet. "Les consignes sont claires: il faut s'en prendre aux chrétiens. D'ailleurs les mises en scènes en ce sens se multiplient, regardez en Syrie, en Irak, sur les plages en Libye où on égorge des coptes".

 

(Revue de presse : Projet d'attentat contre une église en France : inquiétude dans la presse)



En février, le groupe Etat islamique avait annoncé l'exécution de 21 chrétiens coptes, la plupart égyptiens. Dimanche, la même organisation a annoncé le meurtre d'au moins 28 chrétiens éthiopiens capturés en Libye.
"Alors frapper des fidèles dans des églises, vu ce qui se passe en ce moment, la confrontation montante, la mobilisation d'un certain nombre de nos jeunes dans ce qu'on peut appeler une guerre de religion, c'est ce qui vient à l'idée", ajoute le spécialiste.

Plutôt que de réagir, par définition avec un temps de retard, après chaque attentat ou tentative, "il est temps de traiter le problème à la source", fait valoir Jean-Pierre Filiu, notamment "en neutralisant les donneurs d'ordre de Daech, dans le nord-est de la Syrie, au premier desquels Boubaker al-Hakim, inspirateur franco-tunisien des attentats de Paris en janvier".

 

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